Le document final du Synode des évêques est trop consensuel

Publié le 28 Octobre 2018

Le document final du Synode des évêques est trop consensuel

L’article de Nicolas Senèze, à Rome, pour la-croix.com (https://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/Pape/Le-Synode-jeunes-sacheve-document-final-consensuel-2018-10-28-1200979141) et celui de cath.ch (https://www.cath.ch/newsf/document-final-du-synode-nous-devons-etre-saints-pour-inviter-les-jeunes-a-le-devenir/) ce dimanche 28 octobre 2018 nous montrent que le Vatican a rendu public, samedi soir 27 octobre, le document final du Synode des évêques, fruit de trois semaines et demie de débats sur «les jeunes, la foi et le discernement vocationnel». Il ne s’agit pas de faire “pour” les jeunes, mais “de vivre en communion avec eux”, demandent les Pères synodaux dans leur long document final, approuvé la majorité des deux-tiers le 27 octobre 2018 à l’issue du Synode.

 

Dans un discours improvisé quelques minutes après le vote du document final du Synode sur les jeunes, rendu public samedi soir 27 octobre par le Vatican, le pape François n’a pas fait mystère que ce long texte n’était pas d’abord destiné au grand public. «Il est d’abord pour nous : nous en sommes les premiers destinataires», a-t-il expliqué. Une manière de renvoyer les évêques qui ont participé à ces trois semaines et demie à leurs responsabilités et à la délicate mission de transmettre dans leurs Églises locales ce qu’ils auront vécu pendant ce Synode.

 

Une façon aussi de ne pas trop focaliser sur un texte que d’aucuns jugeront décevant, mais qui, très consensuel, ne laisse que faiblement transparaître l’âpreté de certains débats. Car, si l’ensemble des 167 articles de ce long document de 55 pages ont tous été largement approuvés à la majorité des deux tiers, certains articles ont cependant recueilli contre eux les voix d’un nombre significatif d’évêques. Ainsi le § 39 qui reprend les questions des jeunes au cours de la préparation de ce Synode, et qui se borne à relever que «la morale sexuelle est fréquemment cause d’incompréhension et d’éloignement de l’Église, souvent perçue comme un espace de jugement et de condamnation». Mais le document n’est pas à une contradiction près puisqu’il dit qu’il faut aussi éviter d’étouffer les jeunes avec un ensemble de règles qui réduisent la foi à une vision réductive et moraliste (§ 70).

 

D’autres articles ont posées moins de problèmes. La jeunesse étant la phase des tentatives, des expériences et des choix de vie (§ 65), l′Église doit se tenir aux côtés des jeunes, sans d’ailleurs se limiter au parcours de croissance spirituelle (§ 94). Il faut ainsi libérer les prêtres de certaines tâches administratives pour pouvoir aller à la rencontre des jeunes et les accompagner (§ 17). C′est pourquoi les pères synodaux ont insisté sur la nécessité de repenser les modalités concrètes de l′exercice du ministère sacerdotal.

 

Séminaristes, jeunes prêtres ou encore fiancés en route vers le mariage devraient de toute urgence être accompagnés personnellement (§ 95) par de bons accompagnateurs, pieux, équilibrés et à l′écoute (§ 102). L’accompagnement, explique le document, aide à reconnaître, interpréter, et choisir dans la perspective de la foi (§ 97). L’accompagnement doit ainsi se faire sans moralisme et sans fausse indulgence (§ 102). Cet accompagnement, demandent les Pères synodaux, doit permettre aux jeunes de discerner dans leur vie les signes de l’action de l’Esprit (§ 64).

 

La participation des femmes : «une question de justice» ou encore le § 150, celui qui a recueilli le plus de votes contre lui, qui rejette «toute discrimination ou violence sur une base sexuelle» et recommande de «favoriser» la mise en place de «parcours d’accompagnement dans la foi des personnes homosexuelles». De même les § 55 et § 148, sur la participation des femmes («une question de justice») et qui recommandent de faire aux femmes «des espaces dans les processus décisionnels, même quand elles ne demandent pas spécifiquement des responsabilités ministérielles», ont-ils créé des résistances chez les pères synodaux… Il faut ainsi une courageuse conversion culturelle et un changement dans la pratique pastorale quotidienne, demande le document. Car les femmes doivent être présentes à tous les niveaux, y compris aux fonctions de responsabilité. Les jeunes le demandent avec force.

 

Il est néanmoins difficile de dire si les 30 à 40 % d’évêques qui se sont chaque fois prononcés contre ces points regrettaient un texte trop avancé ou, au contraire, trop en retrait. Mais au-delà de ces questions clivantes, le document final reprend aussi de nombreuses intuitions évoquées au cours de ce Synode en ce qui concerne la jeunesse. Ainsi le § 123 demande «la constitution d’un organisme de représentation des jeunes au niveau international» auprès du Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie. La question de la promotion de l’engagement des jeunes dans la vie politique, dans le monde économique ou pour la promotion de la justice est aussi très présente.

 

Ce document revient également sur les réalités vécues par de nombreux jeunes. Notamment la corruption, la guerre, le commerce des armes (§ 151) ou encore l’humiliant manque de travail (§ 152). Les Églises locales doivent agir face à ces situations, plaide le document, par exemple en soutenant l’entreprenariat des jeunes (§ 152). L’engagement politique des jeunes doit aussi être favorisé pour permettre un réel changement des structures sociales injustes) (§ 154).

 

Le monde numérique n’est pas oublié par ce document conclusif du synode. Pour les pères synodaux, notamment un territoire de solitude, de manipulation, d’exploitation et de violence (§ 23). Les jeunes eux-mêmes demandent à être accompagnés pour un discernement dans un monde fortement numérisé (§ 146). Toutefois, tout n’est pas négatif puisque les jeunes – digital natives – y on une mission authentique d’évangélisation (§ 145). Dans cette veine, le synode espère la créations de bureaux et organismes au niveaux adéquats pour l’évangélisation en ligne.

 

Le document final revient également sur une sous-évaluation de l′importance accordée aux expériences précédentes du candidat au sacerdoce (§ 20). Le synode demande également une attention particulière à ce que des femmes et des couples mariés soient impliqués dans la formation des futurs prêtres (§ 164). Quant à la pastorale des jeunes, elle doit faire l’objet d’une préparation spécifique. Le document traite également de l’éducation première et plus importante demande de nombreux jeunes (§ 158). Les écoles et lieux de formation catholiques sont ainsi des espaces précieux pour la rencontre avec l’Évangile.

 

Enfin, celle des abus sexuels, qui ont plané sur l’ensemble des débats, est bien présente, même si un nombre important d’évêques, surtout Africains se sentant peu concernés, ont trouvé qu’elle prenait une place exagérée dans le Synode. Le pape François y a aussi fait allusion dans son discours improvisé après les votes, mettant en garde contre ceux qui «salissent» l’Église en instrumentalisant les «péchés» de ses membres, allant parfois jusqu’à la «persécution». Comme le souligne le document final, c’est désormais aux conférences épiscopales et aux Églises particulières de faire vivre ce Synode qui, après une «phase préparatoire» puis la «phase célébrative» de ces trois dernières semaines, entre dans sa troisième phase dite «d’application».

 

Le désir œcuménique des jeunes a également été apprécié par les pères synodaux. Les jeunes, en contact quotidien avec des personnes d’autres confessions et religions, stimulent l’entière communauté chrétienne à vivre l’œcuménisme et le dialogue interreligieux. Frère Alois, invité spécial au synode et prieur de la Communauté œcuménique de Taizé, a d’ailleurs chaleureusement été applaudi par les pères synodaux après le vote du document.

 

Les trois derniers paragraphes (§ 165, 166 et 167) offrent un semblant de résumé de l’ensemble du document : toutes les vocations s’insèrent dans l’unique et universel appel à la sainteté. Hélas, admettent les pères synodaux, trop souvent les jeunes ont délaissé l’Église car ils n’y ont pas trouvé la sainteté mais la médiocrité, la vanité, la division et la corruption. Ainsi, “Nous devons être saints pour pouvoir inviter les jeunes à le devenir.” Il ne s’agit pas de faire quelque chose pour les jeunes, mais de vivre en communion avec eux (§ 116).

 

Le texte final recommande que cette phase, surtout locale, se fasse dans le même esprit synodal que ce qui a présidé aux travaux à Rome, soulignant la nécessité de «l’écoute fraternelle» et du «dialogue intergénérationnel». Mais il s’agit, là encore, d’un des articles du document final qui a suscité le plus de résistances.

 

Ce dimanche matin, le pape François a officiellement clos cette assemblée synodale par une messe célébrée dans la basilique Saint-Pierre. Dans son homélie s’appuyant sur l’épisode tiré des Évangiles où l’aveugle Bartimée est le dernier homme à suivre Jésus avant sa crucifixion, il a développé trois axes de réflexion pour demeurer toujours plus dans la foi: l’écoute, la proximité et le témoignage (https://www.vaticannews.va/fr/pape/news/2018-10/synode-jeunes-2018-messe-cloture-pape-francois-homelie.html).

 

À la fin de la messe de conclusion de l’assemblée du Synode des évêques sur les jeunes, une lettre du Synode aux jeunes y a été lue : il s’agit d’une courte exhortation, traduite en plusieurs langues et qui devrait avoir une déclinaison multimédia. Sur une demi-page, les évêques rappellent combien «l’Église et le monde ont un besoin urgent de votre enthousiasme» et «Faites-vous compagnons de route des plus fragiles et des plus pauvres, de tous les blessés de la vie» (https://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/Pape/Le-Synode-jeunes-Nous-voulons-vous-adresser-paroles-desperance-2018-10-28-1200979176?from_univers=lacroix).

 

Ce document final du synode est beaucoup trop consensuel pour satisfaire, et évite les sujets qui fâchent (femmes, couples LGBT, sacerdoce et les abus sexuels des prêtres) pour faire plaisir aux évêques conservateurs. Il approuve aussi une Église participative et coresponsable, mais sans donner un rôle directionnel aux femmes et en ne leur donnant pas le droit de voter au synode. Les évêques peuvent mieux faire.

 

Merci !

Rédigé par paroissiens-progressistes

Publié dans #Actualité de l'Église

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