Des vacances studieuses

Publié le 24 Août 2019

En cette période de vacances, j’ai lu les ouvrages d’Henri Tincq, La Grande Peur des catholiques de France, de 2018, de Christine Pedotti, Qu'avez-vous fait de Jésus ?, et de Frédéric Martel, Sodoma : enquête au cœur du Vatican, tous les deux cette année.

 

Ces livres montrent que l’Église que ce soit en France ou dans le monde a vécu sur une certaine hypocrisie et un aveuglement conscient tant sur la sexualité et plus particulièrement l’homosexualité comme le montre Frédéric Martel puisque les plus opposés à celle-ci à la curie sont des homosexuels actifs, dont les plus farouches le furent à l’époque de Jean-Paul II (des évêques de son entourage, et Lopez Trujillo) et Benoît XVI (dont beaucoup d’évêques et de cardinaux nommés par lui sont homosexuels), gardant le silence sur la pédophilie cléricale pour ne pas révéler leur sexualité jugée déviante et couvrant ainsi des pervers comme le cardinal McCarrick ou Marcial Maciel Degollado, alors que parmi le personnel du Vatican vivent des couples gays au su de tous et qui donnent à voir de nouvelles figures de couples homosexuels, alors que le pape François a les mains liés à cause de ses ennemis à la curie (le cardinal Sarah) et d’ecclésiastiques influents (le cardinal Pell et le cardinal Burke) s’opposant aux ouvertures sur les divorcés remariés et les couples LGBT malgré son entourage gay-friendly (le cardinal Baldisseri et le cardinal Kasper parmi eux); que sur les abus sexuels et de pouvoirs comme le montre Christine Pedotti et dont la hiérarchie cléricale est en grande partie la responsable, en oubliant le service de la communauté, en accumulant du pouvoir, en se détournant des Évangiles, et faisant confiance aux communautés nouvelles et aux nouveaux mouvements ecclésiaux avec leurs fondateurs déviants (Marcial Maciel Degollado, le père Marie-Dominique Philippe, Thierry Roucy par exemple), tout en ne voyant la pédophilie que comme un «péché sexuel» que l’on peut pardonner et non comme un «crime»; et cette hypocrisie et cet aveuglement conscient est encore plus visible sur l’alliance de fait entre les tradis et les charismatiques, doublé d’une tentation du vote catholique vers l’extrême droite en France, qui s’oppose sourdement aux réformes du pape François à travers la fachosphère, comme nous le montre Henri Tincq. Mais ces ouvrages ne sont en rien défaitistes, ils appellent à un réveil des catholiques, et dans le cas d’Henri Tincq celui des cathos de gauche qui doivent réveiller leurs «intuitions» démocrates et pluralistes face à la nouvelle «intransigeance» d’une Église catholique plus identitaire et droitière, tout en demandant aux catholiques français de ne pas perdre leur âme dans un réflexe identitaire mortifère. Penser à l’avenir comme Christine Pedotti, c’est aussi revoir le sacerdoce en choisissant des hommes disposant un travail et voulant rendre service à la communauté, voir des paroisses présidées par des hommes et des femmes, que le célibat ne soit plus une obligation, sans pour autant supprimer l’épiscopat qui serait élu, et aura l’obligation de confirmer la nomination des présidents et des présidentes de communauté, tout en validant la formation de ceux qui connaîtront la Bible et la doctrine, hommes ou femmes, appelés savants, docteurs, enseignants, experts, etc. Pour Frédéric Martel, l’Église doit en finir avec la misogynie, le célibat des prêtres, sortir du silence sur les abus sexuels et cesser de critiquer l’homosexualité. En gros, pour ces ouvrages, il n’est pas trop tard, l’Église peut se réveiller, mais elle doit y mettre du sien.

 

On peut ajouter à ces ouvrages, une lecture tout aussi intéressante, Les confessions de Mgr X : un évêque à table, de Gino Hoel et Philippe Ardent de l’année 2018. Cet évêque parlant dans l’anonymat, fait une critique en règle des choix de l’Église vers des groupes tels que l’Opus Dei au Chili et en Amérique latine qui oblige l’Église à tout reconstruire de zéro là-bas, tandis qu’en France elle est aussi visible dans la lutte contre l’avortement, sa puissance et son influence inquiétantes doit selon lui pousser à mener une enquête, d’évêques clairement ou presque pro-Rassemblement national en France, le choix de ne rien faire pendant les scandales de pédophilie, sur son obsession du genre alors qu’elle n’y connait rien, et sa confiance totalement aveugle envers un pervers comme Tony Anatrella. Pour cet évêque, l’Église est devenue dépendante en France du Renouveau Charismatique qui développe une théologie conservatrice, à l’exemple de l’Emmanuel et la Communauté Saint-Martin qui développent tous les deux une élite spirituelle loin d’une Église pauvre pour les pauvres. Pour lui, ce n’est pas une bonne chose. Il est aussi heureux de la sobriété du pape François, et n’est pas dupe de sa difficulté à réformer la curie, tout en étant content de sa lettre au Peuple de Dieu, et pour lui cet appel doit amener les ecclésiastiques à ne plus se mettre à part du monde. Cela pose aussi la question du célibat sacerdotal, et du cléricalisme mettant les clercs au-dessus de leur Peuple. L’Italie est pour lui l’exemple le plus parlant de cet Église dévorée par les scandales (pédophilie, liens avec la Mafia) et malade du cléricalisme dont la conférence épiscopale est incapable de désigner par elle-même son président malgré la demande du pape. Il met aussi en avant le problème du culte marial, qui occulte Jésus, et auquel s’ajoutent des dérives sectaires comme à Medjugorje. Selon ce Monseigneur la hiérarchie a failli, la théologie a besoin de renouveau et pas de théologien de cour, et il signale aussi l’attente sur les questions environnementale, et de l’Action catholique sur le devant de la scène. Le synode amazonien peut pour lui poser la question des ministères et des sacrements. Et il indique que le Royaume de Dieu est parmi nous, et plus particulièrement dans le bien qu’on fait à son frère, c’est pour cela que chacun dans l’Église a un rôle important dans ce sens. Il parle aussi sa tristesse d’une Église décrédibilisée par son appui de la Manif pour tous saluant l’opinion salutaire du MRJC sur l’avortement. L’évêque anonyme salue aussi Mgr Gaillot qui a rappelé à l’Église qu’elle doit être au côté des exclus à travers Partenia. Ce qu’il trouve malheureux, c’est que la hiérarchie cléricale ne peut voir l’Église sans les prêtres, alors que comme il le signale les Japonais ont vécus pendant des siècles sans prêtre, ce qui n’a pas empêché le christianisme de prospérer, et il juge que Vatican II a été aussi libérateur que mai 68. Pour lui les chantiers de l’Église porteront sur la synodalité, puisque le pape François veut donner plus de pouvoir aux conférences épiscopales même en matière doctrinale, sur l’invention de nouvelles structures tournées vers le service, revenir à l’essence de la communauté où le prêtre n’est pas à sa tête quand bien même il la préside, pour cela il faut changer la place du prêtre pour changer le modèle des paroisses à travers une nouvelles pastorale, et que les femmes exercent davantage de responsabilités car tous les ministères peuvent être exercées par elles. Même s’il souhaite démissionner comme il le présente au début de l’ouvrage, le Monseigneur anonyme nous invite à garder la foi et à nous serrer les coudes.

 

Finalement, comme le montre Leonardo Boff dans Église en Genèse en 1978 le renouveau théologique et pastoral ne peut venir que comme en Amérique latine à partir de 1962, de chrétiens qui se réunissent au manque de réunions de prières faute de prêtres, tantôt à l’initiative de simples fidèles, à l’initiative de prêtre et d’évêques. Ces petits groupes sont devenus des lieux de réflexion et d’entraide dans tous les besoins, toujours au nom de la foi. Ces communautés ne vont pas remplacer l’Église institutionnelle mais la vivifier. L’aspect positif vient de la possibilité d’un laïc de célébrer la Cène comme ministre extraordinaire dans des circonstances exceptionnelles et de la possibilité du sacerdoce féminin. Et dans Église, charisme et pouvoirs en 1981 (publié en France en 1985), il plaide pour un catholicisme plus ouvert, plus libre, orienté vers la liberté et l'égalité, où plus de place soit faite à la base. Il souhaite que l’Église retrouve sa fonction diaconale, celle du service, et préparer le terrain pour l'unité et l'harmonie entre les différents services exercés par les fidèles. En gros, une réforme structurelle sérieuse de l’Église met en péril les structures monarchiques peu fiables qui sont responsables des abus sexuels et de pouvoirs, mais serait salutaire pour y remédier. Le jésuite Elmar Mitterstieler dans Tous, prêtres, prophètes et rois en 2018 est très proche de cette vision mettant en valeur le sacerdoce commun des fidèles qui selon lui n’est nullement opposé à celui du prêtre, puisqu’il permet aux fidèles d’avoir déjà leur place dans l’Église par le pardon, la prière, l’intercession, l’accueil et la participation à la liturgie, sans oublier qu’une place plus importante doit être donnée aux femmes. Pour ce jésuite, ceux qui exercent un ministère dans l'Église vivent avec tous les autres l'unique sacerdoce, le sacerdoce de Jésus. La même année, le livre d’un moine bénédictin, le frère Michael Davide, intitulé La vérité vous rendra libres : Spiritualité et sexualité du prêtre, nous montre que la vocation baptismale de tout chrétien doit être un antidote aux cléricalismes, que comme tout baptisé, le prêtre doit tenir compte de son affectivité et de la valeur de sa sexualité dans son ministère, et que l'homosexualité, dans l'Église et te clergé, ne peut être un motif de condamnation ou d'exclusion. Pour le moine bénédiction "L'Église vit d'une vie authentique lorsqu'elle professe et proclame la Miséricorde", il faut donc prendre au sérieux l'impact créé dans l'opinion par les scandales sexuels dans le clergé, et les appels réitérés du pape François à la conversion personnelle et pastorale, pour la "vérité qui rend libres". Et tout cela ne pourra venir que d’une réflexion réelle des problèmes de l’Église qui sont fort ancien comme le montre John Shelby Spong dans Pour un christianisme d'avenir : Ni les credo anciens ni la Réforme ne peuvent aujourd'hui susciter une foi vivante. Pourquoi ? en 2019, où il lance un appel aux chrétiens à actualiser leur foi à la lumière des progrès dans nos connaissances, notamment bibliques, et à questionner les enseignements rigides qui se sont renforcés avec la Contre-Réforme catholique. John Shelby Spong appelle donc à un universalisme chrétien qui transcende toutes les frontières et divisions humaines. Il affirme également que la plupart des divisions d'églises par des divisions telles que la race, l'égalité des sexes et les droits des LGBTQ ne sont pas vraiment des désaccords sur la théologie, mais des préjugés personnels. Il suggère enfin que les Églises abandonnent simplement ces arguments en faveur du retour à un débat purement théologique.

 

Pourtant d’autres ouvrages avaient déjà tiré la sonnette d’alarme comme Vraie et fausse réforme dans l’Église d’Yves Congar et plus particulièrement sa 2e édition datant de 1969, où le cardinal voyait déjà les problèmes actuel de l’Église car elle souhaitait une simple adaptation au monde en faisant seulement un ravalement de façade, sans changer les fondations qui l’obligèrent à faire le concile Vatican II, ou les Confession d'un cardinal et L'espérance du cardinal d’Olivier Legendre en 2007 et 2011 qui montraient les défauts des pontificats de Jean-Paul II, et Benoît XVI, élu dans un climat de panique, car il s’appuyaient tous les deux sur les communautés nouvelles et les nouveaux mouvements ecclésiaux aux méthodes déviantes, et où les apparences de l’Église s’effondrèrent avec les scandales de pédophilie cléricale, et selon le cardinal anonyme c’est dans le soulagement de l’horreur de la misère, que l’Église peut retrouver sa vérité et sa liberté, ou encore le livre de le Carmelo Abbate, Sexe au Vatican : Enquête sur la face cachée de l'Église en 2011 qui révéla des secrets inavouables sur le Saint-Siège que comme des avortements dissimulés des religieuses à la pédophilie chez les prêtres, en passant par les pensions alimentaires versées par le Vatican pour acheter le silence des mères élevant la progéniture des ecclésiastiques, sans oublier les excellents livres de Gianluigi Nuzzi, Sa Sainteté de 2012, montrant que la face cachée de l’État papal, où les tractations politiques et financières, les luttes d’influence, les mensonges et trahisons, et les affaires de mœurs sont monnaie courante, Chemin de Croix en 2015, où il démontre que le Vatican est un État corrompu comme les autres à travers ses trafics, ses faillites, ses comptes falsifiés et ses détournement des derniers du culte, et dans Péché Originel en 2017, il jette la lumière sur quelques-uns de ces secrets : la mort mystérieuse de Jean-Paul Ier et sa rencontre décisive, jamais relatée jusqu’à présent, avec Mgr Marcinkus; la négociation secrète entre le Vatican et le parquet de Rome pour clore l'enquête sur la disparition d'Emanuela Orlandi; les mouvements de capitaux illicites d'une ampleur phénoménale à l IOR; les complots liés au trafic de drogue; l'existence d'un lobby homosexuel au Saint-Siège; et les multiples chantages. Le but de Gianluigi Nuzzi est défendre l’Église contre les pratiques qui la minent depuis des décennies. Les signes étaient là, des lanceurs d’alerte ont essayé de la prévenir, mais la hiérarchie ecclésiale ferma les yeux sur ses dérives avec les résultats que l’on connaît aujourd’hui.

 

La lettre adressée par le pape François «à tout le peuple de Dieu» le 20 aout 2018 pour l’inviter à ne plus fermer les yeux sur la réalité des abus sexuels dans l’Église catholique, à refuser un silence coupable et une forme de «cléricalisme» qui en vient à générer une attitude d’abus de pouvoir, est une chance pour l’Église. Mais la seule solution pour y arriver est que l’Église soit en dehors de toute logique cléricale en mettant le prêtre en un fidèle comme un autre, en allant à la rencontre du plus pauvre, et qu’elle autorise au lieu d'interdire, car le changement ne peut pas venir uniquement des évêques et des prêtres, mais aussi des fidèles, hommes et femmes en remettant l’homme au cœur de l’Église.

 

Merci !

Rédigé par paroissiens-progressistes

Publié dans #Pensées de paroissiens-progressistes

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