Massimo Faggiolli : «Les opposants à François pourraient influencer de manière décisive l'élection du nouveau pape»

Publié le 4 Août 2021

Jordi Pacheco nous montre dans religiondigital.org ce mercredi 4 août 2021 que les modifications introduites par le pape François au Collège des cardinaux ces dernières années reflètent une volonté claire de «déseuropéaniser» l'Église avec la nomination de cardinaux de pays n'appartenant pas au Vieux Continent. Cependant, malgré le fait qu'il s'agisse d'un changement profond au sein de l'institution, Bergoglio aura 85 ans en décembre et il doit encore mettre à jour les règles du conclave, ce qu'il doit faire bientôt s'il veut éviter de plus grands maux dans l'Église. C'est le message lancé par le théologien et historien de l'Église, Massimo Faggioli, dans l'un de ses derniers articles, paru le 20 juillet dans La Croix International. Dans une tentative de réflexion pour répondre aux «questions urgentes» sur le prochain conclave, Faggioli recueille et développe les contributions qu'un autre historien bien connu, Alberto Melloni, a apportées sur le sujet.  

 

Melloni et Faggioli conviennent que «François n'est pas obligé de mettre à jour les règles du conclave», mais ils exhortent le pape à le faire. Pour deux raisons : premièrement, les nouvelles normes promulguées par Bergoglio pour lutter contre les abus sexuels du clergé, qui abordent entre autres l'échec des évêques à agir de manière décisive contre ces actes. "Ce système - souligne Faggioli - peut parfois prendre la forme d'une 'justice punitive' au détriment de l'équité, déclenchée par des pressions extérieures pour réprimer le clergé soumis à la critique publique." La deuxième raison : les changements canoniques du pape François, qui pourraient exposer les cardinaux à des accusations instrumentales. Cela soulève la possibilité qu'ils soient exclus du conclave ou, au moins, de la liste des candidats possibles à la papauté. Ces développements constituent une menace pour la liberté du prochain conclave. Sans quelques changements à la constitution qui régit le conclave, le 21e siècle pourrait signifier le retour d'un formidable pouvoir de veto capable de changer le résultat de l'élection papale. «Un pouvoir de veto qui n'est plus exercé par les monarques catholiques, mais par les nouveaux empires des réseaux sociaux et ceux qui ont le savoir-faire pour les utiliser ou l'intérêt de menacer de les utiliser», prévient Faggioli, s'alignant sur la démarche exprimée par son collègue Melloni.

 

Quatre sont les propositions que les deux historiens ont mises sur la table. La première : intensifier le conclave, c'est-à-dire que tous les cardinaux qui assistent à l'élection doivent obligatoirement rester à la résidence Sainte Marthe (où vit Bergoglio) dès leur arrivée à Rome, au lieu d'attendre que le conclave commence réellement. Deuxième recommandation : que les réunions quotidiennes avant le conclave de tous les cardinaux, y compris les non-électeurs de plus de 80 ans, incluent des réunions dans un cadre confidentiel pour les électeurs uniquement. Troisième proposition : changer la fréquence des votes. Un seul vote par jour pendant les trois premiers jours; deux votes quotidiens pour les trois prochains jours; et quatre au cours des trois jours suivants. Selon Melloni, ces circonstances donneraient aux «différentes factions» du conclave plus de temps pour débattre et soulageraient les cardinaux de la pression des médias pour produire rapidement un nouveau pape. Quatrième proposition : les nouvelles règles devraient donner au cardinal qui a recueilli suffisamment de voix pour devenir pape plus de temps pour prier, réfléchir et examiner sa conscience. Ce fait lui permettrait de réfléchir attentivement s'il y a quelque chose dans son passé (comme lorsqu'il a dû faire face à des cas d'abus) qui pourrait mettre en doute l'élection papale. Cette proposition n'a d'autre but que d'éviter à tout prix les risques d'élections précipitées.

 

«La tentative de Vigano et d'autres de renverser le pape en août 2018 était l'équivalent ecclésiastique de l'attaque du Capitole à Washington le 6 janvier par des partisans de Donald Trump», fait valoir Faggioli pour illustrer la nette division au sein de l'Église catholique américaine en  lien avec le pontificat de Bergoglio. En ce sens, l'historien prévient que lors du prochain conclave, il y aura un vide du pouvoir à Rome qui n'existait pas en août 2018, lors de l'affaire Vigano. «La situation pourrait être beaucoup plus dangereuse que beaucoup ne le pensent. Il est naïf de supposer que ceux qui ont toujours accusé François de ne pas être vraiment catholique s'abstiendront de tout mettre en œuvre pour parvenir à leurs fins lors du prochain conclave», dit-il.

 

La récente hospitalisation du pape à l’hôpital Gemelli de Rome est une autre raison invoquée par Faggioli pour justifier la dangerosité de la situation face à un prochain conclave. "On ne sait toujours pas à quoi ressemblera le rétablissement d'un homme de son âge avancé, mais certains commencent déjà à se demander s'il pourra continuer à diriger l'Église", réfléchit l'historien. Dans ce contexte, il ne faut donc pas s'étonner que les rumeurs et les discussions aient commencé sur qui sont les cardinaux qui pourraient à court ou moyen terme succéder au pape argentin. Selon Faggioli, malgré le fait que la décision du pape François d'abroger 'Summorum pontificum' (lettre apostolique de Benoît XVI qui permet une plus grande facilité d'utilisation dans l'Église latine) soit un signe de sa détermination, «certains l'interpréteront comme une acte hâtif compte tenu de la détérioration de sa santé et de la proximité de la fin de son pontificat».

 

Faggioli conclut son intervention par une critique constructive du Saint-Père. «François peut être un législateur efficace et incisif, comme nous l'avons vu dans de nombreux autres domaines. Mais parfois, il est trop réticent à changer les mécanismes institutionnels. Au lieu de cela, il préfère engager des réformes spirituelles à long terme pour changer les voies de l'Église à l'avenir». Bergoglio doit donc s'empresser de mettre à jour les règles du conclave et ne pas supposer qu'il peut attendre la fin de son pontificat pour le faire. «C'est une question urgente qui doit être traitée immédiatement. Le plus grand changement depuis les deux derniers conclaves est probablement le pouvoir des influenceurs catholiques dans les médias traditionnels et dans les médias numériques et sociaux», déclare Faggioli.

 

Le pape François devra donc faire quelque chose pour que son œuvre ne soit pas perdue et une réforme du conclave serait salutaire pour éviter que ses ennemis puissent en finir avec son esprit réformateur.

 

Le pape François a aussi demandé mercredi, lors de sa première audience générale depuis l'opération subie début juillet, "des gestes concrets" pour le Liban, un an après l'explosion au port de Beyrouth qui a fait 214 morts, dont ses «pensées vont vers ce cher pays, surtout vers les victimes, leurs familles, aux nombreux blessés et à tous ceux qui ont perdu leur maison et leur travail. Et nombreux sont ceux qui ont perdu aussi la joie de vivre». C’est pour cela qu’il "lance un appel à la communauté internationale demandant d'aider le Liban à accomplir un chemin de résurrection avec des gestes concrets, pas avec des mots seulement", a-t-il dit à l'issue de l'audience générale. "Dans ce sens, je souhaite que la conférence organisée par la France et l'Onu et qui est en cours actuellement (sur une aide humanitaire au Liban) soit fructueuse", a ajouté le pape François (https://www.lalibre.be/international/europe/2021/08/04/explosions-a-beyrouth-le-pape-demande-des-gestes-concrets-pour-le-liban-Q4WR4FTLIRDTTN6CMAQPJXOGSM/).

 

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Rédigé par paroissiens-progressistes

Publié dans #Actualités de l'Église, #Actualités

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