Pédocriminalité : la CEDH déboute des plaignants qui poursuivaient le Vatican
Publié le 13 Octobre 2021
LeMonde.fr avec l’AFP nous montre qu’ne nouvelle fois l’immunité du Vatican est invoquée. Mardi 12 octobre 2021, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a débouté 24 plaignants qui dénonçaient des actes de pédocriminalité commis par des prêtres catholiques. Pour expliquer sa décision, la CEDH a invoqué «l’immunité» du Saint-Siège, reconnue par les «principes de droit international» dans un communiqué. Les requérants, de nationalité belge, française et néerlandaise, avaient déjà été déboutés par les tribunaux belges pour cette même raison.
Devant la CEDH, ils poursuivaient donc la Belgique, estimant que le rejet de leur action au civil les avaient empêchés de faire valoir leurs griefs contre le Vatican. Pays non membre du Conseil de l’Europe, donc hors du champ de la Cour européenne, le Saint-Siège n’était pas directement visé par la procédure devant la CEDH, bras juridique du Conseil. La Conférence épiscopale de Belgique et le Vatican avaient toutefois été autorisés à intervenir dans la procédure écrite en tant que tiers intervenants.
Dans un arrêt assez technique, la juridiction qui siège à Strasbourg a donné raison à la justice belge, concluant à la non-violation des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme sur le «droit d’accès à un tribunal» invoquées par les requérants, lesquels soutenaient avoir été empêchés de faire valoir au civil leurs griefs à l’encontre du Vatican. «Au regard de la jurisprudence (…) et du droit international », cette décision «est tout sauf surprenante», a considéré dans un tweet Nicolas Hervieu, spécialiste du droit européen. «Mais c’est la première fois que la Cour européenne avait à apprécier la question de l’immunité du Saint-Siège», notamment sur «des faits d’abus sexuels sur enfants», a-t-il relevé.
Ils avaient introduit en 2011 en Belgique une action collective civile en indemnisation contre le Vatican, des dirigeants de l’Église catholique de Belgique et des associations catholiques, après le scandale provoqué par les révélations de l’évêque de Bruges, Roger Vangheluwe, qui avait avoué en 2010 des actes pédocriminels et démissionné. Ils demandaient réparation en raison «des dommages causés par la manière structurellement déficiente avec laquelle l’Église aurait fait face à la problématique d’abus sexuels en son sein», rappelle la CEDH.
Le Vatican «a des caractéristiques comparables à celles d’un État», relèvent encore les juges européens. Ils estiment que la justice belge était donc en droit de «déduire de ces caractéristiques que le Saint-Siège était un souverain étranger, avec les mêmes droits et obligations qu’un État». «L’échec total de l’action des requérants résulte en réalité» de mauvais «choix procéduraux» qu’ils «n’ont pas fait évoluer» durant la procédure «pour préciser et individualiser les faits à l’appui de leurs actions», conclut la cour.
Cette décision survient quelques jours après la publication des travaux de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) en France, qui a estimé à 216 000 le nombre de personnes victimes d’un prêtre ou d’un religieux depuis les années 1950, voire 330 000 si l’on ajoute les agresseurs laïcs en lien avec les institutions de l’Église. Le pape François a exprimé «sa honte» après la publication de ce rapport.
Le Vatican a refusé de commenter la décision, affirmant qu'elle parle d'elle-même. Mais, l’étonnement n’est pas de mise puisque Le Saint-Siège a soutenu avec succès devant les tribunaux américains que le pape n'était pas le patron de ses évêques, bloquant les tentatives de victimes qui ont également tenté de tenir le Saint-Siège et le pape responsables de leurs abus. Anne Barrett Doyle, co-fondatrice de la ressource en ligne BishopAccountability.org, a déclaré que la décision était un "rappel exaspérant" de l'impunité du Vatican en raison de son statut d'État souverain. "La double identité de l'Église en tant que religion et État lui permet de changer de forme en fonction de la menace à laquelle elle est confrontée devant les tribunaux", a-t-elle déclaré dans un communiqué. "Aucune autre institution religieuse ne bénéficie du même buffet de protections juridiques. Le résultat est que l'Église échappe à plusieurs reprises à la justice et ses millions de victimes doivent souffrir" (https://abcnews.go.com/International/wireStory/europe-court-rejects-case-seeking-blame-vatican-abuse-80532265).
Le Vatican devrait avoir honte, à travers le pape il proclame se soucier des victimes et invoque son immunité pour éviter de leur rendre justice. On ne peut pas faire plus hypocrite.
Merci !