Italie: un nouveau livre sur les abus contre les religieuses

Publié le 10 Décembre 2021

Abus spirituels, sexuels, de pouvoir ou de conscience: ce sont ces sombres réalités observées dans des communautés de femmes consacrées que le journaliste italien Salvatore Cernuzio a choisi de raconter comme le montre cath.ch le jeudi 9 décembre 2021. Dans «Le voile du silence. Abus, violence, frustrations dans la vie religieuse des femmes», publié le 23 novembre 2021, le vaticaniste donne la parole à onze femmes, originaires du monde entier et de diverses congrégations, ont été abusées pendant leur parcours de foi. Plusieurs d’entre elles ont choisi de renoncer à la vie en communauté.

 

Sa source d’inspiration a été la rencontre avec «une amie entrée dans un monastère cloîtré et qui ensuite en est sortie. Je l’ai retrouvée après tant d’années dans un état très différent, presque dramatique. Puis, il y a eu des articles. Les premières à avoir lancé l’alarme ont été Donne, Chiesa, Mondo [le mensuel féminin de l’Osservatore Romano]. Elles ont publié une interview du cardinal João Braz de Aviz [préfet de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée], dans laquelle il parlait notamment de la maison voulue par le pape François pour aider les ex-religieuses. Plus tard, dans La Civiltà Cattolica [la revue des jésuites italiens], est parue l’enquête du Père Giovanni Cucci sur les abus de conscience et de pouvoir dans les communautés féminines. Là, je me suis demandé combien de femmes religieuses étaient maintenant dans la rue et avaient peut-être besoin de parler.»

 

Pour lui, «Le message que ce livre veut apporter, ce que disent ces femmes, est qu’il existe des abus, outre les abus sexuels, qui sont tout aussi néfastes pour la dignité humaine, comme les abus psychologiques, les abus de pouvoir ou de conscience. Chaque histoire du livre représente un des macro-problèmes qui affligent la vie consacrée: le harcèlement moral, le racisme, les violences sexuelles ou bien les maladies ignorées, non-traitées.» «Ces femmes étaient traitées comme des mineures, comme si elles avaient des capacités limitées, ou peut-être comme des rebelles, simplement parce qu’elles s’opposaient ou contestaient un ordre; parfois seulement parce qu’elles avaient suggéré l’idée d’étudier ou de consulter la constitution de leur ordre. L’idée qu’on soit toujours obligé d’obéir aveuglément peut être un premier pas vers l’abus de pouvoir.» Mais, «ces abus psychologiques, de pouvoir ou spirituels se sont déroulés dans des situations de vie normales. Une femme a raconté qu’elle avait eu un problème de santé objectif, une dépression. Mais l’attitude de ses consœurs était de dire que c’était peut-être de sa faute, qu’elle n’avait peut-être pas assez prié, qu’elle devait peut-être intensifier sa vie spirituelle ou son travail. Il s’agit d’une forme subtile d’abus visant à faire en sorte que la personne se sente encore plus coupable et victime. À qui demander de l’aide dans cette situation? Une femme m’a dit : «Il n’y avait pas de ciel pour moi»; j’imagine qu’elles ont toutes été dans cette situation.»

 

Et «Les racines de beaucoup des maux sont la fermeture et le cléricalisme: le cléricalisme parce qu’il est une dissimulation d’une grâce supérieure au dépens d’une fonction; et la fermeture, parce qu’elle empêche de s’engager dans un dialogue, interne et externe. Elizabeth, l’un des témoins du livre, raconte que de nombreux ordres ont gardé un rapport à l’autorité antérieur à Vatican II. L’Église a fait de grands progrès, mais certains ordres ou institutions ne se sont pas mis à jour. Ils en sont par exemple restés à une idée désuète selon laquelle la Mère tient entre ses mains la vie des sœurs et peut donc en disposer comme elle le souhaite. Le concept d’autorité doit être repensé et il faut peut-être insérer de nouvelles figures de tutelle et d’accompagnement qui peuvent être des personnes avec qui parler. Le problème, c’est que c’est souvent la même personne qui cumule tous les rôles: la mère fondatrice est aussi l’économe, la maîtresse des novices, etc.» Il faut dire que «Certains ordres sont restés comme des mondes à part. Il est vrai que l’Église a beaucoup de travail à faire sur le rôle des femmes, le pape lui-même l’a dit et a essayé d’agir, mais beaucoup d’ordres ou d’institutions religieuses n’ont pas bougé sur ce point. Ils continuent à s’en tenir à des règles et des traditions anachroniques. Je ne dirais pas que c’est un problème de l’Église mais de certains milieux. En fait, ces femmes ne dénoncent pas l’Église en tant qu’institution. Elles dénoncent cette situation, cette blessure, qu’elles ont vécues au sein de l’Église. Ces abus sont comme de petits cancers qui se sont glissés dans le corps de l’Église. Elles se sont senties isolées parce qu’elles ont vécu une intrusion dans leur relation avec Dieu, dans leur vocation.»

 

L’auteur montre que «Sœur Nathalie Becquart, dans la préface du livre parle, d’un antidote à ce mal : le style synodal. Ce chemin, initié par le pape, peut être une grande opportunité, comme une ardoise vierge qui, nous l’espérons, sera utilisée de la bonne manière. Chacun peut profiter de cette occasion pour faire entendre sa voix et, éventuellement, provoquer un changement. L’Église, comme le dit le pape François, doit écouter. La tragédie des abus sexuels nous a fait prendre conscience que souvent il a manqué l’écoute des victimes et des personnes qui ont souffert. La première étape consiste à accorder de la crédibilité à ce qui est dit, de tous côtés, sans rien prendre pour acquis.» Et «Ceux qui ont eu le courage de s’adresser à la Congrégation pour les instituts de vie consacrée ont reçu un soutien et, dans certains cas, des commissaires ont également été envoyés. Le dicastère fait ses propres enquêtes et visites apostoliques. Mais à mon avis, le problème se situe un peu avant. Les cas énumérés dans le livre sont des problèmes humains qui doivent d’abord être résolus en interne, dans les ordres et institutions eux-mêmes, avant de se tourner vers le Vatican.»

 

Salvatore Cernuzio fait sa savoir que «L’ex-sœur» est, «encore un phénomène assez peu connu, contrairement peut-être à «l’ex-prêtre». Ainsi, à part les cas individuels de personnes ou de communautés qui ont pris en charge certaines femmes, ou bien des organisations comme le projet des Missionnaires Scalabriniens [qui accueillent dans deux maisons à Rome des femmes en détresse], je n’ai pas entendu parler d’autres soutiens, du moins à Rome. Il y a beaucoup de soins et d’accompagnement dans le discernement quand il faut faire entrer les gens, mais il n’y a pas le même soin dans le cas où des religieuses partent. Le soutien varie également en fonction de la situation. Pour une jeune fille italienne qui quitte un monastère ou un couvent, c’est plus facile de rentrer chez elle, dans sa famille. Elle ne vit pas le même drame qu’une femme étrangère qui se trouve en Italie avec un permis religieux, et non un permis de séjour, et ne sait pas comment le transformer. Ensuite, beaucoup de femmes sont entrées très jeunes dans ces instituts, elles n’ont pas de compétences professionnelles, elles ne savent pas comment travailler.»

 

Enfin, il loue le travail des deux maisons tenues par les Missionnaires Scalabriniens à Rome, car ce qu’ils «font est précieux car il aide les femmes non seulement à guérir leurs blessures mais aussi à se réinsérer dans la société. Cependant, ce projet est vaste, il concerne toutes les femmes, laïques ou religieuses.» Mais il juge que ce n’est pas assez et pense que «Peut-être aurions-nous besoin d’un service plus spécifique apporté à ces ex-religieuses. Mais ce qui est important, c’est que ces structures ne soient pas considérées comme une voie de garage. Elles doivent garantir un soutien et un accompagnement global, tant sur le plan spirituel qu’économique, psychologique et professionnel.» Et L’ouvrage, est validé par le Saint-Siège, ce qui montre le souci du pape sur cette question.

 

Merci !

Rédigé par paroissiens-progressistes

Publié dans #Actualités de l'Église

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