Le journaliste Bruno Jeudy quitte «Paris Match» après la «une» controversée sur un cardinal ultraconservateur
Publié le 20 Août 2022
LeMonde.fr avec AFP nous montre dans son article du jeudi 18 août 2022 que le journaliste Bruno Jeudy, rédacteur en chef politique et économique de l’hebdomadaire Paris Match, quitte ses fonctions, selon des informations du site Les Jours confirmées à l’Agence France-Presse.
Selon Les Jours, la rédaction de l’hebdomadaire détenu par le groupe Lagardère, lui-même contrôlé par le groupe Vivendi de Vincent Bolloré, a reçu jeudi un e-mail annonçant le départ de Bruno Jeudy. «D’un commun accord, il a en effet été décidé de mettre un terme à notre collaboration», stipule le courriel signé par Patrick Mahé et Caroline Mangez, respectivement directeur général et directrice de la rédaction de Paris Match. Les Jours précise que la société des journalistes (SDJ) a convoqué une assemblée générale pour vendredi. Début juillet, la rédaction de l’hebdomadaire avait fustigé le choix de la direction de consacrer la «une» de l’hebdomadaire au cardinal ultraconservateur Robert Sarah. La SDJ s’était indignée de ce choix, qualifié d’«ingérence» du groupe Lagardère, dans l’orbite depuis l’an dernier du groupe Vivendi, lui-même contrôlé par le milliardaire conservateur Vincent Bolloré.
La rédaction en chef du magazine – dont Bruno Jeudy – avait tenté le jour du bouclage «de convaincre la direction du groupe Lagardère de revenir sur son choix de “une”. Malheureusement sans succès», avait à l’époque déclaré la SDJ. Bruno Jeudy occupait ce poste depuis 2014. Également chroniqueur sur BFM-TV, il a notamment été journaliste politique au Parisien, au Figaro, au Journal du dimanche. Spécialiste de la droite française, il est auteur ou coauteur de plusieurs livres sur Nicolas Sarkozy, dont Le Coup monté, portant sur les luttes fratricides qui ont précédé l’élection présidentielle de 2017 à l’UMP et la défaite de François Fillon.
ouest-france.fr (https://www.ouest-france.fr/medias/bruno-jeudy-quitte-paris-match-les-tensions-ne-faiblissent-pas-au-sein-du-groupe-lagardere-bc05e8e4-1f94-11ed-859d-c78aa179e445) nous montre que le départ de Bruno Jeudy marque un nouvel épisode de la succession de remous, polémiques et départs dans les trois principales rédactions du groupe Lagardère (Europe 1, le Journal du Dimanche et Paris Match) depuis que le groupe Vivendi, contrôlé par Vincent Bolloré, a pris progressivement le contrôle de Lagardère. En octobre 2021, à six mois de la présidentielle française, les directions de Paris Match et du JDD avaient été remaniées, avec l’arrivée de Patrick Mahé et Jérôme Bellay, et le départ d’Hervé Gattegno, directeur des deux rédactions. Lagardère était resté muet sur les raisons de l’éviction d’Hervé Gattegno, mais beaucoup avaient vu dans ce changement brutal l’influence en coulisses de Vincent Bolloré.
Trois mois après sa nomination, Jérôme Bellay était remplacé par Jérôme Béglé, intervenant régulier sur la chaîne CNews de Vivendi. En mars 2022, le directeur de la rédaction du Journal du Dimanche Cyril Petit, un pilier de l’hebdomadaire, avait annoncé son départ, sans qu’aucune explication ne soit avancée. Europe 1 de son côté a connu une véritable hémorragie, avec le départ de dizaines de journalistes et de figures historiques de la station, redoutant un changement de ligne éditoriale.
Vincent Bolloré, qui assure que son intérêt pour les médias n’est «ni politique, ni idéologique», est régulièrement accusé de chercher à influencer avec ses médias le débat public dans un sens plus conservateur. Le magnat des médias «ressemble sur plusieurs points» à Rupert Murdoch, fondateur notamment de la chaîne conservatrice américaine Fox News, affirmait récemment l’économiste spécialiste des médias Julia Cagé. «Vincent Bolloré a cette même idée de mettre des médias au service d’une pensée et d’un agenda politique», avait-elle accusé.
Cependant, comme le montre cath.ch (https://www.cath.ch/newsf/une-du-cardinal-sarah-le-redacteur-en-chef-de-paris-match-demissionne/), l’affaire de Paris Match est en tout cas emblématique de la volonté de Vincent Bolloré de faire revenir le thème du religieux dans le paysage médiatique français. Un virage déjà pris depuis quelques années sur les chaînes de télévision, qui ont commencé à diffuser dès 2021 de nouvelles émissions religieuses ainsi que des messes en direct. Ceci dans une vision conforme à la ligne général instillée par le grand patron. «Le christianisme y est essentiellement utilisé comme un repère identitaire», note La Croix. La ligne des émissions est «pieuse, conservatrice: les grands saints, les grandes fêtes…, observe le journal français. Surtout, il faut mettre à l’antenne ce dont l’Église d’aujourd’hui n’ose plus ‘parler’ : les anges, le péché, l’Enfer, le Paradis…»
Les critiques notent que d’autres valeurs chrétiennes, telles que la fraternité, trouvent cependant difficilement leur place dans les programmes de Vincent Bolloré, qui stigmatisent à outrance l’immigration et l’islam. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a ainsi condamné en mars 2021 CNews à 200 000 euros d’amendes pour incitation à la haine. L’instance a considéré que la chaîne n’avait pas assuré «la maîtrise de l’antenne», alors qu’Eric Zemmour avait traité les mineurs étrangers de «voleurs», «assassins» et «violeurs».
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