Le Jeudi saint est le deuxième jour du Triduum pascal, consacré à la commémoration de la Passion (Supplice et exécution de Jésus). En anglais, le Vendredi Saint est
appelé "Good Friday", au début on l'appelait "God's Friday" mais la consonance a fait en sorte que c'est devenu "Good Friday". C'est de cette façon que de God's Friday
on est passé à Good Friday. Dans certains pays, on appelle ce jour, Big Friday, Holy Friday ou Silent Friday.
Ce jour est férié dans presque tous les pays de tradition chrétienne catholique et protestante, par exemple en Allemagne, au Canada, en Nouvelle-Zélande, en Angola, au Royaume-Uni, en Suisse
(dans tous les cantons sauf le Tessin et le Valais). En France, le Vendredi saint est également férié dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle depuis 1801 (tout du moins
dans les communes où il existe un temple protestant ou une église mixte), et dans les DOM soit la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion.
Le procès de Jésus s’est déroulé en deux phases. Dans le livre des signes, il semblerait qu’avant de rencontrer le conseil du Grand
Prêtre, il y ait eut un interrogatoire préliminaire chez Anân ben Seth, qui fut grand prêtre de 6 à 15, beau-père de Joseph Caïphe, qui était alors le
Grand-Prêtre (18-36), dont la famille cumula cette charge de 16 à 63, et qui d’après le Talmud était très influente (Talmud de Babylone,
Mishna Pessahim 4, page 57a) :
« Ils le menèrent d'abord chez Anne ; c'était en effet le beau-père de Caïphe, qui était grand prêtre cette année-là. Le grand prêtre interrogea Jésus sur sa doctrine. Jésus lui répondit : "
J'ai toujours enseigné à la synagogue et dans le Temple où tous s'assemblent. Pourquoi m'interroges-tu ? " A ces mots, l'un des gardes, qui se tenait là, donna une gifle à Jésus en disant : "
C'est ainsi que tu réponds au grand prêtre ? " »
Le Grand-prêtre dont on parle n’est pas Anân mais bien Caïphe, mais il interroge probablement Jésus chez son beau-père. C’est un interrogatoire qui a une forme d’examen préliminaire avant que
Jésus soit conduit devant son conseil restreint chez lui, c’es-à-dire ses proches, « les grands prêtres, les anciens et les scribes » du Proto-Marc, issu du groupe sadducéen et des trois grandes familles sacerdotales, celle d’Anne, Boethos, et de Phabi, qui se partageait la charge de Grand
Prêtre. Il l’interroge sur son enseignement, essayant peut-être également de mieux cerner qui est Jésus, car dans le droit juif, on ne doit pas condamné sans preuves un homme. De plus, Caïphe, en
procédant de cette façon, donnait une porte de sortie à Jésus et lui permettait d’assurer sa défense. Mais ce dernier, croyant que son arrestation avait hâté la réalisation de la prophétie de
Zacharie 14 refusa de prendre en compte la porte de sortie que lui offrait le Grand Prêtre avec une réponse qui ne manque pourtant pas de
logique en tenant compte qu’à chaque fois qu’il a été au Temple, il devait être étroitement surveillé par les gardes du Temple.
L’interrogatoire qui suit n’est pas un procès devant le Sanhédrin, tel que le montre le récit primitif du procès :
« Ils emmenèrent Jésus chez le Grand Prêtre, et tous les grands prêtres, les anciens et les scribes se rassemblent. Or, les grands prêtres cherchaient un témoignage contre Jésus pour le faire
mourir et ils n'en trouvaient pas. Quelques-uns se levèrent pour porter contre lui ce faux témoignage :
" Nous l'avons entendu qui disait : Je détruirai ce Sanctuaire fait de main d'homme et en trois jours j'en rebâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d'homme. " Le Grand Prêtre
l'interrogeait : " Tu ne réponds rien ? " Mais lui se taisait et ne répondit rien. »
Ce n’est pas procès, ce que démontre très bien le fait que dans le droit juif, le sanhédrin ne se réunissait pas de nuit et qu’on ne rendait pas de décision de justice le jour-même. De plus, il
se fait devant un conseil restreint, dont j’ai parlé plus haut. Il n’a donc aucune forme légale. On ne fait que chercher des arguments que l’on présentera devant Pilate. Mais le
conseil ne veut pas condamner quelqu’un d’innocent, comme le montre le fait qu’il ne trouve pas de témoignage concordant sur les paroles de Jésus, à part ses propos sur le Temple. En effet,
Jésus, au niveau de la loi, ne se trouve pas en contradiction avec cette dernière, il ne se rajoute que dans le débats que se livrent les écoles du Judaïsme, par exemple au sujet du repos du
sabbat, des lois de pureté, et de la Résurrection. Le « Je » qu’il emploie pour parler au nom de Dieu montre juste l’urgence des réalisations messianiques, tel que peut le démontrer une baraïta
du Talmud où Hillel l’Ancien, un pharisien, qui fut président du Sanhédrin, l’employa de la même manière. Et se déclarer
le Messie ou le Prophète de Deutéronome 18 n’est pas peinalisable en soit tant qu’on ne peut prouver le contraire. Et le Grand prêtre et
son conseil n’agissent pas ici de cette manière. Cherche-t-il non pas à faire mourir Jésus mais à le sauver ? C’est possible vu que même les témoignagnes sur le Temple, qui pourtant suffiront
pour Étienne, ne concordent pas. C’est donc bien que Jésus n’est pas un contrevenant à la loi Juive, mais plutôt à la loi romaine. En effet, bien qu’ils n’aient aucune preuve, ils doivent livrer
Jésus au bras séculier de Rome, mais Jésus a refusé de démontrer son innocence. Cela viendrait-il au fait qu’il ne respectait pas les trois grandes familles sacerdotales et qu’il pensait que la
prophétie de Zacharie 14 était entrain de se réaliser ? Mais, en faisant cela, il a scellé son propre sort.
C’est à cette occasion que Simon Pierre renie Jésus dans le Proto-Marc :
« Pierre l'avait suivi de loin jusqu'à l'intérieur du palais du Grand Prêtre et, assis avec les valets, il se chauffait à la flambée. Arrive une des servantes du Grand Prêtre. Voyant Pierre
qui se chauffait, elle le dévisagea et dit : " Toi aussi, tu étais avec le Nazarénien Jésus. " Mais lui nia en disant : " Je ne sais pas, je ne comprends pas ce que tu dis. " Puis il se retira
dehors vers le vestibule et un coq chanta. Et il éclata en sanglots. »
A l’origine, c’était seulement une servante qui reconnaissait Pierre, comme le montre la concordance dans les quatre évangiles. Renier son maître était aussi grave que la trahison dans le
Judaïsme, c’était comme nier avoir été le fils de son père. Et Pierre s’il a renié Jésus, c’est probablement qu’il ne l’a pas prévenu, ce qui remet en cause la famause prophétie.
Le procès devant le préfet de Judée, Ponce Pilate s’enchaînait alors :
« Et aussitôt, le matin, les grands prêtres préparèrent un conseil avec les anciens, les scribes ; puis, après avoir ligoté Jésus, ils l'emmenèrent et le livrèrent à Pilate. Les grands
prêtres multipliaient contre lui les accusations. Pilate de l'interroger : " Tu ne réponds rien ? Vois tout ce dont ils t'accusent ! " Mais Jésus ne répondit plus rien, si bien que Pilate était
étonné. Et Pilate l'interrogea : " Tu es le roi des Juifs ? " Jésus lui répond : " Tu le dis. " Pilate, après avoir fait flageller Jésus, le livra pour être crucifié. »
Ici, d’après le portrait que nous donne Philon d’Alexandrie, on est étonné, car Pilate selon lui, n’hésitait pas à recourir aux exécutions sommaires, comme le montre le cas du
Prophète samaritain, qu’il élimina avec ses disciples sur le mont Garizim, en 36, et qui provoqua sa chute. Caïphe aurait-il voulut donner un semblant légal à l’exécution de Jésus que souhaitait
Pilate et donc une chance de défense à ce dernier ? La foule n’intervient pas, le procès a lieu de nuit, car les fonctionnaires romains ne siègent pas le matin.
La procédure judiciaire que suit Pilate est celle appliquée en province, «cognitio extra ordinem ». D’abord, c’est les plaignants qui ont droit à la parole, ici les grands prêtres, si
l’on suit l’évangile de Luc, les accusations, qui ont un caractère authentique, sont ici plus politiques : « Nous avons trouvé cet
homme mettant le trouble dans notre nation, empêchant de payer les impôts à César et se disant Christ Roi… Il soulève le peuple, enseignant par toute la Judée, depuis la Galilée, où il a
commencé, jusqu'ici. » Donc Jésus est accusé d’être un disciple de Judas le Galiléen, qui à l’époque était aussi nommé les Galiléens, comme le montre le fait qu’il a commencé en Galilée, et
qu’il aurait invité les Juifs à ne plus payer l’impôt à l’empereur. En effet, la phrase « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » pouvait être lu d’une autre
manière, que Dieu doit être privilégié car il est devant l’empereur. Mais en fait ce qui prime c’est le fait qu’il prétende être « Roi des Juifs », c’est-à-dire le Messie, le vrai motif
de la condamnation, qui figurera sur le titulus. L’accusé avait ensuite droit à la parole, mais Jésus n’en usa pas. Sans doute pour la même raison que pour les grands prêtres ? Pilate
qui s’en étonne, lui pose donc la question qui l’intéresse en premier lieu, celle de sa revendiction messianique. Jésus y répondra de manière détourné : « Ce n’est pas moi qui le dis mais toi ».
Jusqu’au bout, il provoquera les autorités, mêmes romaines, qu’ils ne respectent pas. Mais en acceptant, même de manière détourné ce titre, Jésus tombe sous la lex Juliae majestatis, punissant de mort la haute trahison envers l’Etat, et donc à la crucifixion, qui était aussi la peine des « fauteurs de
révolte ou de rébellion, ceux qui incitent le peuple à la résistance » (Paul, Digeste, 48, 19, 38), ce qui est le cas
ici de Jésus.
Après avoir subit le supplice préliminaire de la flagellation, censés préparé le futur supplicié au crucifiement, Jésus est laissé au détachement, chargé de l’exécution, qui parodiaient la
fête des saturnales, où un roi était tiré au sort et dont on se moquait :
« Les soldats l'emmenèrent à l'intérieur du palais, qui est le Prétoire, et ils convoquent toute la cohorte. Et ils se mirent à le saluer et ils lui crachaient dessus. »
Jésus, comme tout crucifié, dut, avec le titulus qui indiquait le motif de sa condamnation autour du cou porter le patibulum, la partie transversale de la croix, probablement à travers
les rues les plus fréquentés de la ville, mais il n’avait plus la force nécessaire pour cet effort, après une nuit sans sommeil, de jeûne non volontaire et de stress, même le plus robuste aurait
succombé dans ces conditions.
Pour cette raison, le proto-Marc poursuit ainsi :
« Et ils requièrent, pour porter sa croix, Simon de Cyrène, le père d'Alexandre et de Rufus, qui passait par là, revenant des champs. Et ils amènent Jésus au lieu dit Golgotha. »
Le fait d’exiger des pèlerins lors des grandes fêtes juives un sevice humiliant semble avoir été une pratique romaine courante. Comme pour les autres crucifiés, Jésus est alors conduit dans un
promontoire, le nom de Golgotha, qui signifie crâne, pourrait le démontrer. En effet, il était important que les crucifiés soit vuspar tous les passants.
Ensuite, le Proto-Marc poursuit :
« Puis ils le crucifient. L'inscription qui indiquait le motif de sa condamnation était libellée : " Le roi des Juifs. " Et avec lui ils crucifient deux brigands, l'un à sa droite, l'autre à
sa gauche. »
Jésus a été crucifié entièrement nu, dernière humiliation faites au supplicié. A ses côtés se trouvait deux « Brigands », en fait un des noms que donnent Jésus au groupe des zélotes, mais ils
désignent plus pobablement les disciplas de Judas le Galiéen. Pilate ne semble pas faire ici de différence confondant Jésus à un chef de ses derniers. C’est lui qui est au
centre. Le titulus d’ailleurs qui a été cloué soit au-dessus de sa tête ou laissé autour de son cou, semble le confirmer.
D’après un ossuaire, trouvé à Jérusalem en 1968, Jésus a pu être pendu à trois clous, un dans chaque avant-bras, bras écartés avec des cordages (effet de garrot) et un plus long à travers les
talons joints. Le patibulum, était fixée, probablement, sur un olivier. Parfois, il y avait un support de bois, appelée sedecula, au niveau du séan qui offrait un support relatif au
corps mais qui prolongeait plus longtemps son calvaire, qui était très lent : un ou deux jours.
L’agonie était longue, car le supplicié tentait toujours de se redresser pour lutter contre les crampes et l’asphyxie qu’entraînait finalement ces dernières. Le temps passant, la respiration
devenait donc de plus en plus difficile.
On comprend donc aisément pourquoi ce supplice, que les Romains avaient hérité des Perses, était considéré par ces derniers comme le supplice le plus infamant, qu’il n’astreignait pas à leurs
propres concitoyens.
Mais pour Jésus, sa mort sera encore plus difficile moralement car « Les passants se gaussaient et même ceux qui étaient crucifiés avec lui l'outrageaient. » En effet, comme Judas le
Galiléen ou Jean le Baptiste a échoué et déçut le peuple, ainsi que les disciples de Judas le Galiléen, ce dernier était crucifié avec deux d’entre eux. Jésus a-t-il alors douté
ou crut jusqu’au bout à l’intervention de Dieu et à la réalisation de la prphétie de Zacharie 14 ? Malheureusement, le Proto-Marc n’en fait pas mention nous laissant dans le doute, car l’épuisement physique, consécutif à la crucifixion, fit finalement son œuvre, Jésus
étant trop affaibli : « Et à la neuvième heure (15 heures de l’après-midi), Jésus, jetant un grand cri, expira. » Jésus n’aurait donc rien dit, ce qui est probable, vu que les crucifiés
finissaient par manquer de souffle et donc aurait eut du mal à parler. Seuls quelques-uns assistent à la scène, à part les passants, tel que le montre le Proto-Marc : « Il y avait aussi des femmes qui regardaient à distance, entre autres Marie de Magdala, Marie mère de Jacques le petit et de Joset, et
Salomé. » En effet, les Romains interdisaient d’approcher le lieu d’exécution, et Jésus est mort le jour de la Préparation de Pâque, dans l’après-midi du 14 nisân. On comprend donc
le peu de monde qui s’y trouve car les quelques personnes présentes devaient se hâter, car au Temple on égorgeait les agneaux, et les familles se préparaient à fêter dans la
liesse la Pâque. Si l’on ne compte pas que les frères de Jésus et leur mère, probablement présent si l’on se référent aux Actes des apôtres et à l’évangile des Hébreux lors du dernier
repas de Jésus, doivent se faire oublier car ils pourraient être poursuivit. Les prétentions dynastiques de la famille pouvant faire revivre le mouvement de Jésus.
Dans ces conditions, c’est le Sanhédrin qui dut se charger de récupérer les corps, car dans le droit juif, il était interdit de laisser un corps pendu au bois, et il fallait donc l’enterrer avant
le coucher du soleil ou les fêtes, tel que le montre le Proto-Marc :
« Déjà le soir était venu et comme c'était la Préparation, c'est-à-dire la veille du sabbat, Joseph d'Arimathie, membre notable du Conseil, qui attendait lui aussi le Royaume de Dieu, s'en
vint hardiment trouver Pilate et réclama le corps de Jésus. Pilate s'étonna qu'il fût déjà mort et, ayant fait appeler le centurion, il lui demanda s'il était mort depuis longtemps. Informé par
le centurion, il octroya le corps à Joseph. Celui-ci, ayant acheté un linceul, descendit Jésus, l'enveloppa dans le linceul et le déposa dans une tombe qui avait été taillée dans le roc ; puis il
roula une pierre à l'entrée du tombeau. »
C’est un membre du Sanhédrin, peut-être pharisien, qui demande le corps. Mais il faut faire vite car le soir était venu. Jésus est déjà mort, il n’y a eut aucun besoin de pratiquer le
crurifagrium, c’est-à-dire de lui briser les jambes pour hâter sa mort. Après vérification (ce quiest normal vu le peu de temps que dura la crucifixion de Jésus), Pilate le remis au Sanhédrin. On
l’enterra à la hâte, sans doute dans une tombe proche à proximité du lieu d’exécution, pour le remettre après la fête à la famille qui se chargerait de l’enterrer. Une tombe traditionnelle,
scellé par une grande pierre à l’entrée, que l’on ne pouvait ouvrir de l’intérieur, où le corps serait entreposé jusqu’à décomposition des chairs et les os mis avec ceux du reste de la famille
lorsqu’il viendrait le récupérer. Ce qui prouve le respect qu’eut l’instution au sujet de Jésus. L’a-t-on considéré comme un Juste, un martyr d’Israël, mort pour la libération du pays ? C’est
possible.
La liturgie du Vendredi Saint a son origine à Jérusalem, même si d’après Clément d'Alexandrie (150-220), depuis les
premiers jours de la chrétienté, le jeûne et la prière ont toujours marqué la célébration du vendredi. Les « Pérégrinations » de la
chrétienne nommée Égérie raconte comment se déroulait cette journée en 383, ce qui pourrait prouver l’ancienneté de la pratique.
Après une nuit de veille sur le Mont des Oliviers, on descendait au petit matin à Gethsémani pour la lecture du récit de l’arrestation de Jésus. De là, on se rendait au Golgotha. Après la lecture
des textes sur la comparution de Jésus devant Pilate, chacun rentrait chez soi pour un moment de repos, mais non sans passer par le mont Sion pour vénérer la colonne de la flagellation. Vers
midi, nouveau rendez-vous au Golgotha pour la vénération du bois de la Croix : pendant trois heures, lecture de Textes de l’Ancien et du Nouveau Testament entrecoupée de psaumes et de prières. La
journée s’achevait à l’église de l’Anastasis, « Résurrection » où on lisait l’évangile de la mise au tombeau de Jésus
Les premiers témoignages de la liturgie du Vendredi Saint à Rome datent du VIIème siècle. On trouve deux types de cérémonie. Le pape se rendait à la basilique de la Sainte-Croix
et au cours de la célébration, la liturgie papale comprenait la lecture de l’Évangile de la Passion selon saint Jean, suivie d’une longue
Litanie (Prière) d’intentions universelles, dans la quelle figurait la prière
Oremus pour la conversion des Juifs, qualifiés de perfidis, qui dans le bas latin, le « latin d’église » utilisé lors de l’instauration de cette prière,
pouvait signifier « non fidèle », « sans foi, infidèle, incrédule, incroyant, païen » et au fil de l’évolution de la liturgie, des traductions (surtout celles bilingues du XVIIIe siècle) dans les
langues communes, notamment le français, et d’un contexte d’antijudaïsme (l’antisémitisme n’apparaît réellement qu’au XIXe siècle) prit un sens différent, celui de « déloyauté », « fourberie ».
A cette occasion, dans les églises hors de la ville, desservies par des prêtres, avait lieu une célébration plus populaire. Elle comporte l’exposition de la Croix sur l’autel, la liturgie de la
Parole comme à la basilique de la Sainte-Croix, la récitation du Pater (le Notre Père), et apprès celui-ci, la vénération de la Croix et la communion au pain et à la coupe
consacrée la veille. C’est aussi à cette occasion, que fut prononcée pour la première fois. C'est ce deuxième type de célébration qui se répand ensuite dans le royaume carolingien, et donc dans
les pays francs.
L’hommage à la Croix est introduit dans la liturgie papale au VIIIème siècle, mais sans communion. Au Xème siècle, les deux pratiques se
rejoignent.
Au XIIIème siècle, il fut décidé que seul le prêtre célébrant communierait. Les Franciscains, présents en Terre Sainte depuis 1220 et fondent en 1342 la Custodie de Terre
sainte les Franciscains, et invitaient, à partir du XIVe siècle, les fidèles qui venaient en pèlerinage à Jérusalem, à marcher du tribunal de Pilate au Calvaire, en
souvenir de la passion de Jésus. Entre ces deux dates, suivant eux-mêmes le rite traditionnel en usage dans l'Église orthodoxe locale, ils transposent progressivement dans leurs églises
en Italie la liturgie du vendredi saint des chrétiens de Jérusalem, où le chemin de croix avait une place centrale, mais ce n’est qu’à partir du XVe siècle, les Franciscains firent des
représentations des différentes étapes du chemin parcouru par le Christ lors de sa passion : cela permettait aux chrétiens qui ne pouvaient aller à Jérusalem de méditer sur les derniers moments
de la vie du Christ. Les Franciscains diffusèrent cette dévotion, comme ils le firent pour la crèche de la nativité. Le nombre des stations varia jusqu'à la fin du XVIIe siècle où il fut fixé à
quatorze. C'est seulement sous le pape Clément XII, en 1731, que la permission fut donnée de créer des chemins de croix dans d'autres églises que celles des Franciscains. Le religieux
franciscain, Léonard de Port-Maurice (1676-1751) en fut un ardent propagateur. Benoît XIV, en 1741, dut en limiter l'extension à un seul chemin de croix par
paroisse.
Au XVIème, l'office fut reporté au matin. Mais le reste de la journée n’en demeurait pas moins « sanctifié » : dans la plupart des églises, on se rassemblait, souvent plus nombreux que le matin,
pour le Chemin de Croix et le « Sermon de la Passion ».
Il en fut ainsi jusqu’en 1955 : la réforme liturgique de la Semaine sainte par le pape Pie XII a rétabli l'office le
soir qui a été promulguée par le décret Maxima redemptionis nostrae mysteria de la sacrée congrégation des rites le 16
novembre 1955. Cet office est appelé parfois à tort « messe du vendredi saint » et comporte depuis un chemin de croix dans chaque
paroisse à 15 heures de l'après-midi. En 1959, le pape Jean XXIII supprima les termes contestés de la prière Oremus pour la
conversion des Juifs (perfidis, ainsi que perfidiam, qui figurait dans l’oraison). Lors de la réforme liturgique qui
suit le concile Vatican II, ces termes ne réapparaissent pas, et de plus, les allusions à la conversion des juifs, qui étaient présentes dans l'oraison, sont supprimées. Depuis le
missel de Paul VI, promulgué en 1970, la formulation est devenue : « Prions pour les Juifs à qui Dieu a parlé en premier : qu’ils
progressent dans l’amour de son Nom et la fidélité de son Alliance. ». Mais Le motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI, paru en 2007 et facilitant l'utilisation, dans la liturgie, du missel de 1962, a suscité quelques
inquiétudes. La prière pour les Juifs a donc été modifiée dans cette édition, les propos concernant l'« aveuglement » étant supprimés, mais l’intention demeurant, selon l’ancienne tradition, la
conversion des Juifs au christianisme. Cependant, elle ne se trouve que dans les missels en usage dans les Eglises pratiquant le Rite extraordinaire
romain.
Le vendredi saint, l'Église est en deuil, il n'y a pas de messe, et donc la célébration des sacrements est strictement interdite, à l’exception de la pénitence et de l’onction des malades. Les
crucifix et parfois les statues sont voilées jusqu'à la célébration de Pâques.
La célébration du vendredi saint se déroule en deux temps.
En premier lieu, dans l'après midi à trois heures, à l'heure de la mort du Christ, a lieu, dans chaque paroisse, le chemin de croix en
suivant Jésus depuis sa condamnation par Pilate jusqu'à sa mort sur la croix à travers les 14 stations (étapes) qui peuvent se voir dans toutes les Eglises sous différente formes
(peinture, bas relief, statues, etc.) commémorant chaque scène conduisant à la crucifixion (Via crucis). Parfois, il peut y avoir une 15e station qui fait le lien entre la mort
et la résurrection du Christ ; à Lourdes, il y a une 15e station « Avec Marie dans l'espérance de la résurrection du Christ ». Les chrétiens, conduit par le célébrant (si c’est un prêtre)
s’arrêtent à chaque station, récitent une prière particulière et méditent quelques minutes avant de passer à la suivante. Au moment d’arriver à la dernière Station, la mort du Christ est
annoncée. Mais cette pratique est dure à mettre à place dans les clochers en manque de prêtres, si bien qu’on se livre à une méditation sur les 14 stations. Mais tous les ans, le Vendredi saint,
le pape préside le chemin de croix au Colisée (que l’on peut voir sur KTO). C'est le pape Paul VI qui a repris en 1964 la tradition du chemin de croix le
Vendredi saint au Colisée. C'est un lieu particulièrement symbolique des martyrs.
Puis le soir a lieu une célébration liturgique, au cours de laquelle le célébrant porte une tenu rouge ou noire (cette dernière plus traditionnelle, était celle porté par les prêtres avant la
réforme liturgique de 1970), qui suit le même déroulement qu'une messe : trois lectures, la troisième étant la Passion selon saint Jean ; une prière universelle solennelle pour les grandes intentions de L'Église pour le monde ; en lieu et place du sacrifice
eucharistique, adoration de la Croix, pendant laquelle les participants à la messe qui le souhaitent se prosternent devant la croix et l’embrassent ; et l’office du Vendredi saint se termine par
le Notre Père et par la communion qui est donnée avec des hosties consacrées la veille à la messe du soir ; c’est pourquoi on appelle
traditionnellement l’office solennel du Vendredi saint « la messe des Présanctifiés ». C’est aussi a partir de ce moment que les
chrétiens sont invités à faire le jeûne de nourriture jusqu’au lever du soleil du sur lendemain, dimanche de Pâque. Le 17 février 1966, par la constitution apostolique Paenitemini sur la pénitence, le pape Paul VI indiqua que le jeûne et l’abstinence pendant le carême n’étaient obligatoires que le
mercredi des Cendres et le vendredi saint. Le 23 octobre, les évêques de France supprimèrent le maigre du vendredi (à partir du 1er janvier 1968) mais prescrivirent l’abstinence
pour les vendredis du carême. L'Église catholique considère donc le Vendredi saint comme un jour de jeûne, qui, dans le rite latin de l'Église est comprise comme ayant un seul repas
complet (mais plus petit que un repas normal) et deux classements (un petit repas, dont deux ensemble ne sont pas égaux un repas complet) et à laquelle le fidèle s'abstenir de manger de la
viande. Ce jeûne est pratiqué par de nombreuses personnes d'origine catholique romaine, même non pratiquantes.
Dans le rite Orthodoxe, Comme pour la religion catholique romaine, on sort de l'église l'Épitaphe (sorte de cercueil) avec le
corps du Christ, mais le cérémonial est beaucoup plus grand. Il s'agit d'une réelle procession aux flambeaux qui déambule dans tout le quartier dont dépend l'église. Les maisons du voisinage ont
leurs lumières allumées et les habitants répandent de l'encens. Lorsque la procession se termine, le corps du Christ est placé sous un dais dans la cour de l'église. Le Vendredi saint est
également une fête des morts. Beaucoup de personnes se comportent comme au jour de la Toussaint. Le corps du Christ retournera à l'église au moment de la première résurrection ("proti
anastasi") comme pour les catholiques romains.
En Espagne, au Portugal, au Mexique et dans plusieurs pays de l'Amérique du Sud, Les gens organisent des parades tous les jours de la semaine Sainte. La parade du Vendredi Saint est la plus
triste. Les gens envahissent les rues bien avant le lever du soleil. Les tambours résonnent et les cloches sonnent lentement. Les gens transportent alors des statues de Jésus, et de la Vierge
Marie, et longent les rues pour regarder la procession en chantant des cantiques. Tous le monde est triste, il ne reste plus que deux jours avant Pâques, qui sera un de réjouissance.
Ce jour-là en Alsace les fidèles affluent dans les églises protestantes et certains qui ne vont jamais au culte tiennent à être présents ; on parle d'ailleurs des « chrétiens du Vendredi
saint ». Pour les catholiques romains, au contraire, ce n'était pas la mise à mort du Christ mais sa résurrection le jour de Pâques qui est une fête d'obligation. En sorte que, dans certains
villages mixtes, les paysans catholiques romains s'arrangeaient pour rentrer le fumier devant leurs concitoyens protestants endimanchés... qui leur rendaient la pareille en travaillant
ostensiblement le 15 août, fête de l'Assomption. Lorsque le Vendredi saint tombe un 25 mars, fête de l'Annonciation, Notre-Dame du Puy-en-Velay invite les
fidèles à venir l’implorer et à recevoir l’indulgence plénière à l’occasion du Jubilé.
Dans certains pays, tel les Philippines et l’Indonésie, le Vendredi saint donne lieu à des actes de piété extrêmes conduisant les chrétiens à se flageller, voir même à se faire crucifier, à la
manière des flagellants du XIIIe et XIVe siècle.
Je consacrerai mon prochain article au Samedi saint.
Freyr1978