Le récit de la Pentecôte d'Actes 2 est l'un des plus connus, avec de forts
symboles tel les langues de feu qui descendent sur les disciples de Jésus. Cependant, la Pentecôte juive (Chavouot) n'était pas celle qui aura cours au temps des rabbins. Et il faut en tenir compte dans le récit de Luc.
Au verset 1, les disciples se trouvent réunis probablement pas au Cénacle trop petit (d'ailleurs le texte utilise le terme la « maison où il s'était réuni » au verset 2).
Pourquoi ? La question mérite d'être posée. La réponse peut se trouver dans la pratique de certains groupes marginaux au cours de cette fête, notamment grâce aux manuscrits de Qumran. Chez les esséniens on accueillait ce jour – là les nouveaux membres dans la communauté, on les faisait entrer dans
l'Alliance (1 QS 1, 21 -11, 18). Il est possible que les autres groupes messianiques faisaient de même, dont les baptistes dont était
originaire les baptistes. On sait, en effet, que les sabéens, un groupe baptiste samaritain, fêtait la Pentecôte le même jour que les nazoréens. Il faut se rappeler que dans le
récit d'Actes 1, 26, les disciples on accueillit un nouveau membre, Matthias, parmi les Douze. Toutefois, on
n'est plus très sur aujourd'hui que ce fut pour remplacer Judas, mais peut – être plutôt pour remplacer Simon Pierre, qui serait devenu le vizir du régent
Jacques, frère de Jésus, un poste qui demandait plus de travail que celui de messager et missionnaire, le rôle des Douze dans l'évangile. Celui – ci est d'ailleurs sont
probablement présents, car les « frères » et « Marie, mère de Jésus » (Actes 1, 14) sont présents, ce qui est normal vu
leur importance.

Si l'on suit ce que l'on sait aujourd'hui de la Pentecôte, le récit était
probablement plus court comme le suggère certains exégètes et ne contenait pas l'intégralité des versets 1 à 4. Il devait commencer ainsi :
« Quand le jour de la Pentecôte arriva, ils se
trouvaient réunis tous ensemble. Tout à coup il y eut un bruit (qui venait du ciel comme le souffle d'un violent coup de vent) ». J'ai mis le verset 2a entre parenthèse car certains
exégètes, comme
Marie – Émile Boismard, pensent que c'est le tonnerre qui avait attiré l'intention de la foule, alors que pour d'autres c'est du bruit venant de la maison. Les
disciples auraient-ils bougés les meubles pour accueillir les membres les plus importants du groupe pour accueillir celui qui tiendra dorénavant un rôle important dans les Douze ? Possible. Ce
brouhaha venu du ciel ou de la maison finit par attirer non pas des pèlerins, mais des Juifs de la
Diaspora qui résidaient dans la ville, tel ceux que l'on voit dans
Actes 6, 9 :
« des gens de la synagogue dite des Affranchis, avec des Cyrénéens et des Alexandrins, des gens de Cilicie et d'Asie », et parmi
lesquels se sont recrutés le groupe
Hellénistes. Est – ce jour là qu'ils se sont convertis ? On ne peut le savoir car on ne parle d'eux qu'en
Actes 6, 1, mais peut – être certains des
Sept. On voit ici le caractère marginal de cette célébration car ce ne sont pas des Juifs de la
Diaspora venu pour le troisième plus important pèlerinage à Jérusalem, mais bien des habitants. Ce qui est probablement le cas car c'était les règles rabbiniques qui prévalait et elle ne
correspondait pas à celle des nazoréens.
Il ne faut pas s'étonner si les disciples parlent les langues cités dans le récit : « Parthes, Mèdes et Elamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de
l'Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l'Égypte et de la Libye cyrénaïque, ceux de Rome en résidence ici, tous, tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons annoncer
dans nos langues les merveilles de Dieu. » (Actes 2, 9 – 11) Ils ont originaires de Galilée, de profession commerciale ou
artisanale, où il fallait savoir manier le grec, l'araméen et l'hébreu. Donc chacun pouvait comprendre ce qu'ils disaient. Ici, c'est probablement la réputation d'inculte des Galiléens
qui jouent contre eux (Actes 2, 12). L'archéologie, elle, est plus indulgente, même pour ceux de la Haute Galilée.
C'est Pierre qui s'exprime, après tout, en tant que second de Jacques. Il est légitimement le porte – parole et non le chef du groupe, ce qu'il était déjà du temps de Jésus dans le groupe des
Douze. Il se peut aussi que Jacques était moins à l'aise. Cet attroupement a pu encourager les disciples à sortir de la clandestinité dans laquelle il était depuis la mort de Jésus (qui serait
probablement entre 2 et 3 ans et non 40 jours, temps insuffisant pour rassembler le groupe dispersé), d'autant que les légions romaines présentes habituellement aux fêtes juives ne sont pas là du
fait que car leur Pentecôte ne se célébrait pas au jour habituel. De plus, tel que le montre le livre des Jubilés (6,17 – 19), écrit vers
100 avant J. – C., et les Manuscrits de Qumran, c'était une fête tourné autour de l'alliance de Dieu avec son peuple. Pour le
Deutéronome, il existe une équivalence entre « observer l'alliance » et « garder le serment» (7, 8). De plus, le mot hébreu signifiant : les semaines (Chavouot) est très proche du mot signifiant : les serments
(Chevouot). Selon le livre des Jubilés, Noé avait le premier à
célébrer cette fête de l'Alliance (l'allusion des Juifs de la Diaspora est significative), et il son exemple les patriarches, Abraham, Isaac et
Jacob. Oubliée des hommes, l'ange révèle de nouveau l'Alliance à Moïse (voir Exode 24,1-11) : « Il
a été ordonné et écrit sur les tablettes du ciel qu'on doit célébrer la fête des Semaines en ce mois une fois par an pour renouveler l'Alliance chaque année » (Jubilés 6,17). C'est en ce jour qu'ont eu lieu les grands événements de l'histoire : l'alliance avec Abraham parmi les animaux partagés, la promesse de
la naissance d'Isaac, la naissance d'Isaac, l'alliance avec Jacob. L'Alliance du Sinaï a eu lieu aussi ce jour-là. Mais pour les Esséniens ce qui importe c'est le renouvellement annuel de
l'Alliance, plus que la conclusion de l'Alliance au pied du Sinaï, car ce n'est pas un souvenir du passé de la force de l'Alliance de Dieu avec son peuple.
L'annonce de la
Résurrection de Jésus ne montre – t – elle pas que Dieu n'a pas abandonné son alliance, même qu'en Jésus il la
renouvelle. N'est –il pas venu « accomplir la Loi » (
Matthieu 5, 17) ? La fête de Pentecôte s'y prêtait très bien car elle était devenue
à partir l'
exil à Babylone, une attente de la libération définitive, de l'
Exode
définitif, de l'Alliance définitive, de la
Pâque définitive, de la
Pentecôte
définitive. Jésus semble ici devenir le centre de la fête qui devient annonce de la libération d'Israël à travers sa Résurrection, Jésus ouvrant ainsi la voie à la libération d'Israël était le
premier ressuscité.

Ce qui s'exprime à travers un kérygme primitif sans doute très court
(qui était sans doute celui cité par toutes la communauté primitive d'après les exégètes), cité par Pierre :
« Hommes israélites, écoutez ces paroles : Jésus le Nazaréen, homme approuvé de
Dieu auprès de vous par les miracles et les prodiges et les signes que Dieu a faits par lui au milieu de vous, comme vous-mêmes vous le savez, ayant été livré par le conseil défini et par la pré
connaissance de Dieu — lui, vous l'avez cloué à une croix et vous l'avez fait périr par la main d'hommes iniques, lequel Dieu a ressuscité, ayant délié les douleurs de la mort, puisqu'il n'était
pas possible qu'il fût retenu par elle. (...) Ce Jésus, Dieu l'a ressuscité, ce dont nous, nous sommes tous témoins. (...) Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé, en rémission des
péchés; et vous recevrez le don du Saint Esprit.» (Actes 2, 14 – 36, 38 – 39.) Impressionné, la foule se serait converti au nombre de 3 000
(
Actes 2, 41), pourtant, si on lit les autres récits, les conversions furent progressives et nombreuses réellement qu'à partir
d'Actes 6 où apparaît la contestation avec les Hellénistes. Une anticipation de leur conversion ? Possible.
C'est Luc qui par la suite retravaille le récit dans les années 80 – 90. Venant d'un milieu synagogal, il n'aurait pas compris pas pourquoi ce récit court ne mettait pas en
valeur la fête de la Pentecôte, tel qu'elle se célébrait à la synagogue, une fête du don de la loi. Ce dernier ne savait évidemment pas
que les rabbins avaient modifié la fête à partir de la chute du Temple en 70, car ça signifiait la fin de la fête des prémices (premiers fruits de la terre) qui étaient offert dans le sanctuaire
d'Israël. Luc la centre donc sur l'étude de la torah, que l'on lisait pendant la première nuit de fête, d'où la mise en valeur des versets 1 à 4. L'épisode des langues de feu des versets 3-4 en
est une allusion évidente car les rabbins disaient que le Torah était un feu et le Talmud est, ainsi, émaillé de récit d'hommes sur qui chutait des langues de feu ou qui était brûlant du feu de
la Torah. Et augmente la portée apocalyptique du récit en utilisant la prophétie de Joël, où l'esprit devient annonciateur du salut, de la libération : « Après cela, je répandrai mon Esprit
sur toute chair. Vos fils et vos filles prophétiseront, vos vieillards auront des songes, vos jeunes gens auront des visions. Même sur les serviteurs et les servantes, en ce temps-là, je
répandrai mon Esprit. » (3, 1 – 2.) Un beau travail augmentant le feu du récit primitif en le faisant monter en puissance. Probablement le but de son auteur.
freyr1978