Pour certains catholiques surtout conservateurs, l'influence de l'Église aurait baissé à cause de la "révolution des œillets" de 1974, il n'en est rien, car l'Église avait vu beaucoup de ses activités (scoutisme, mouvements ouvriers, universités catholiques) interdites par la dictature salazariste être autorisées après 1974. On partait pourtant de loin, car la hiérarchie catholique était colonialiste, et proche de la dictature. Elle voyait d'un mauvais œil Paul VI et l'attaquait pour son tiers-mondisme.
Les années 1960 furent une poussée d'Archimède pour l'Église. Les fidèles catholiques animés par le concile Vatican II qui amenait alors chez eux de grandes espérances de réformes dans l'Église, voulaient que leur hiérarchie change d'attitude sur l'Estado Novo (État Nouveau). Des catholiques avaient alors participés à la révolte de Sé (1959) et au coup de Béja (1962). Il y avait durant cette période une reconfiguration de l'identité catholique qui révéla que la question de liberté était assumée par des citadins hommes et femmes.
En 1958, Le cardinal Manuel Gonçalves Cerejeira, un ami personnel de Salazar, se lève contre l'interdiction de la JOC, mais reste silencieux lors de la fermeture du journal O Trabalhador (Le Travailleur), de l'exil du Père Abel Varzim au Minho, de l'exil du Père Joaquim Alves Correia, du manque de solidarité avec l'évêque de Porto, et Dom António Ferreira Gomes, après lettre écrite en 1958 à Salazar demandant la liberté pour l'Église d'enseigner sa doctrine et accusant le régime d'être une "tyrannie d'occupation." En 1959, commence l'exil de l'évêque de Porto anticonformiste. Il durera dix ans. Un nouveau groupe de 43 catholiques rédige un document sur "Les relations entre l'Église et l'État, et la liberté des catholiques." Plus de 45 écrits critiquent Salazar sur la répression policière. Cette "révolte de la cathédrale", compta sur la participation de certains éléments de la JOC.
En avril 1963, le pape Jean XXIII publie l'encyclique Pacem in Terris, dont le contenu est censuré, déformé ou même interdit. Sans aucune protestation des évêques, qui, d'ailleurs, n'avaient pas non plus publiés de commentaire à ce sujet. Un an après l'encyclique, est fondée à Lisbonne Pragma, "une coopérative de diffusion culturelle et d'action communautaire", inspirée par la pensée de l'encyclique papale, mais pas dans le cadre confessionnel.
Cette effervescence poussa plus fort. En 1967, 106 prêtres écrivirent une lettre contre le cardinal et patriarche de Lisbonne, Manuel Gonçalves Cerejeira demandant sa démission à cause de sa relation avec la dictature de Salazar, voulant le remplacer par l'évêque Manuel Falcaõ. La même année, se mit en place un groupe informel réunissant 42 groupes catholiques, connu sous le nom de C43 soutenant l'évêque Manuel Falcaõ.
En 1968, dans le patriarcat de Lisbonne, se créa un groupe anticolonialiste, la "Tribuna Libre" (La Tribune Libre). En 1969, 68 prêtres de 5 diocèses (Lisbonne, Porto, Coimbra, Guarda et Portalegre-Castelo Branco) et congrégations religieuses défièrent leur hiérarchie. Le prêtre Carlos Póvoa dit alors la pensée de ces hommes d'Église. Pour eux, la liberté du prêtre les amènent à se libérer d'une Église qui croit que le service des pauvres se fait avec l'alliance des puissants. Ils voulaient que l'Église prenne le parti des pauvres et des opprimés, et dénonce un système capitaliste trompeur.
Un autre groupe de prêtres était le CIDAC (Communauté Interdiocésaine pour le dialogue et l'action du clergé), créé en Septembre 1969. Le groupe voulait participer aux réunions du clergé européen, qui se tenait à Coire (Suisse) et à Rome (Italie) au même moment. Un autre réseau informel, où se trouvait des laïcs et des religieux, était le “Terceiros Sábados” ("Troisième Samedi"), datant des années 70. Il se réunissait le troisième samedi de chaque mois, à la maison des Sœurs Franciscaines Missionnaires de Marie, à Campo Pequeno (Lisbonne). Plus qu'un groupe, c'était une rencontre fortuite dans l'ombre de thèmes religieux, afin que les gens impliqués dans des activités clandestines puissent échanger des informations - et où commença à apparaître une nouvelle génération d'opposition catholique, lié par exemple à la JEC et la Capela do Rato.
Des catholiques participèrent aux mouvement d'oppositions armées MOONLIGHT, ARA et BR. après la parodie des élections législatives des années 1969. La hiérarchie voit alors ces groupes comme des marginaux, là est son erreur. Elle les poursuivit, essaya de les faire disparaître ou de les éliminer. L'un d'eux Carlos Póvoa en paya le prix fort, car il fut mis en prison en 1973 et y resta jusqu'au 27 avril 1974. Mais la PIDE, la police politique, est débordée par ces nombreux réseaux catholiques qui lui font tourner la tête. Ce n'est qu'à partir de 1973, que la hiérarchie soutiendra la démocratie parlementaire, les évêques conservateurs furent peu à peu remplacé par des hommes plus ouverts.
Durant l'été 1973, un groupe de militants de la JEC réagit contre la nomination du père Victor Pinto Feytor comme assistant de la JEC. Le but était de rendre plus obéissant ce mouvement catholique envers la hiérarchie. L'équipe eu gain de cause et ce fut un des leurs António Matos Ferreira qui eu cette place, même s'il ne fut pas reconnu par l'épiscopat, ce qui les amena à poursuivre leur action. Lors d'un camp d'été à Peniche, en Août 1973, l'UCC montre que les jeunes contestent le nouveau patriarche car ils ne comprennent pas pourquoi la hiérarchie ne s'oppose pas à la guerre coloniale. Une semaine avant le 25 avril 1974, l'UCC publia un manifeste contre le colonialisme.
Le nouveau patriarche de Lisbonne António Ribeiro géra de nombreuses situations conflictuelles et après le 25 avril, il avait atteint une position d'équilibre, laissant tomber les nouvelles tentations antidémocratiques au sein de l'Église. À partir du 25 avril 1974; Le Parti socialiste portugais se distingua pour avoir voulu éviter que le nouveau régime répète l'erreur initiale de la 1ère République, c'est-à-dire un conflit ouvert avec l'Église catholique. Ce traitement de faveur permet d'expliquer l'ouverture de l'Église au Portugal et son progressisme comme le montre le fait qu'elle ne s'est pas opposée au mariage gay. Elle alla même plus loin. En 1975, le droit de divorcer pour les couples mariés est permis alors qu'il avait déjà été reconnu par l'Église. En 1976, l'État proclama dans la Constitution la liberté de culte sans que l'Église s'y oppose.
Les catholiques jouèrent un rôle important dans la maturation du 25 avril 1974 qui est aujourd'hui une référence pour tous les Portugais, et il faut remercier le concile Vatican II qui poussa des hommes de bonne volonté à vouloir se libérer d'une dictature niant les principes même du message évangélique.
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