Publié le 30 Juin 2019
Maurice Page dans son article pour cath.ch du samedi 30 juin 2019 qu’environ 150 personnes ont manifesté le 29 juin 2019, à Berne, contre les abus sexuels dans l’Église catholique-romaine. En brandissant des balais, les manifestants, ont appelé le Vatican à faire le ménage.
Réuni sur l’Helvetia Platz, le rassemblement, lancé par les théologiens zurichois, a été l’occasion de réclamer une réforme en profondeur dans l’Église, afin de faire respecter les droits des victimes. Pour Marie-Jo Aeby, membre du comité du groupe de soutien aux personnes abusées dans une relation d’autorité religieuse (SAPEC), malgré la faible représentation de la Suisse romande, la manifestation a été un succès. “C’est un bon début, l’organisation était parfaite, les contributions de haut niveau et les échanges de très bonne qualité. J’en reviens contente.”
La théologienne allemande Doris Wagner a apporté son témoignage d’ancienne religieuse victime d’abus. “Ce qu’il y a de plus cruel dans la violence, c’est l’impuissance et la solitude.” Les auteurs d’abus ont la vie facile, quand leurs victimes sont sans défense. Par ses actes l’agresseur dit à sa victime: “Tu ne comptes pas. Personne ne peut t’aider. Personne ne te croira. Je peux faire ce que je veux de toi. Tu es toute seule, abandonné de Dieu.” Face à cette situation, les responsables ont souvent préféré détourner le regard. Pour Doris Wagner, l’Église ressemble à un régime totalitaire. Les possibilités de se défendre de manière formelle sont quasi nulles. Il n’y a pas de parlement, pas de débats ouverts et pas de recherche théologique vraiment libre. Il n’y a pas de processus législatifs transparents. Il n’y a pas de juges indépendants, pas de commissions d’enquête, pas d’organes de surveillance. Et enfin aucune procédure de destitution.
Pour l’ancienne religieuse de “Das Werk”, on ne peut plus tolérer aujourd’hui que l’Église soit une maison où règne la loi du plus fort, où quelques-uns imposent leur façon de penser à beaucoup d’autres. Une maison de laquelle ceux qui ouvrent la bouche sont jetés à la porte. “Nous voulons que l’église soit un bon foyer pour tous. Un endroit où même les plus vulnérables sont en sécurité, où chacun peut venir avec sa propre expérience et ses besoins et peut s’exprimer.” Un endroit où les personnes aux postes de direction n’ont pas seulement le pouvoir, mais assument aussi leur responsabilité pour écouter, prendre soin, protéger en encourager.
Dans un article de catch.ch du mercredi 27 juin (https://www.cath.ch/newsf/doris-wagner-je-doute-que-les-eveques-soient-assez-courageux-pour-faire-des-reformes/) la théologienne allemande Doris Reisinger, née Wagner, n’attend cependant pas grand chose des autorités ecclésiales. Face à la rigidité du droit canon, elle prône l’idée de la ‘désobéissance civile’. Pour elle, «Cela se passera de la même manière qu’en Allemagne, en Autriche ou en Russie lorsque les monarchies sont tombées. Les gens ordinaires n’avaient pas beaucoup de pouvoir non plus. Néanmoins, ils y sont parvenus parce que les monarchies étaient devenues faibles.» De plus, «Les monarchies ont pris fin de différentes manières. Je ne pense pas que cela se passera de manière sanglante dans l’Église (sourire). Des transitions en douceur sont également possibles. Le résultat peut aussi être différent. Par exemple, il existe des monarchies constitutionnelles et parlementaires. Il serait peut-être concevable qu’à la fin, nous ayons encore un pape et des évêques qui célèbrent les offices pontificaux, mais qui n’auraient plus de pouvoir décisionnel.»
Elle met en avant qu’«Au lieu de rester silencieux et de démissionner, les croyants disent clairement : “Nous ne tolérons pas que la direction de l’Eglise reste inactive ou prenne seulement des mesures cosmétiques”.» Pour Doris Wagner, «Le simple fait de sentir que nous sommes nombreux peut déployer une force qui conduira vraiment à un changement à long terme dans le fonctionnement de l’Église.» Elle voit les choses différemment et «Il suffit qu’il y ait assez de gens qui n’adhèrent plus aux directives des évêques, car ils auront constaté qu’elles sont absurdes. Si suffisamment d’autres personnes dans l’Église font ce qu’elles pensent être juste, sans se préoccuper de ce que les évêques veulent ou ne veulent pas, alors il n’est plus nécessaire de modifier le droit canonique. Il ne sera tout simplement plus appliqué. Á long terme, il en sortira peut-être quelque chose de nouveau.» Et le principe de ‘désobéissance civile’ peut venir dans le domaine de la liturgie, où «il existe déjà beaucoup de communautés qui ne s’en tiennent pas aux prescriptions. Par exemple sur le choix des personnes qui font la prédication. Ce principe de désobéissance pourrait aussi s’appliquer ailleurs, notamment sur les critères d’accès aux ministères.»
Jean-Marie Fürbringer, a rappelé, au nom du groupe Sapec, les revendications des victimes. Il y a le droit de savoir, le droit à la justice, le droit à des réparations et l’assurance que tout est mis en œuvre pour que les abus ne se reproduisent pas. L’accès aux dossiers et aux archives reste le plus souvent impossible dans les affaires d’abus. Les victimes veulent qu’on leur explique pourquoi, comment et qui a déplacé un prêtre abuseur au lieu de le sanctionner. Le droit de justice c’est le droit de la victime de voir les personnes qui ont mal agi par intérêt, par manque de courage ou pour éviter de voir dévoiler leurs propres turpitudes soient dénoncées.
Le droit à des réparations. Actuellement, en Suisse, les victimes reconnues touchent une indemnisation entre 5000 et 20 000 francs. Mais ailleurs, les victimes qui n’ont même pas la chance que leur dol soit reconnu. Enfin, même si l’impunité recule, il y a encore énormément à faire pour que la tolérance zéro ne reste pas lettre morte tant au niveau des auteurs d’abus que des responsables qui les ont activement ou passivement couverts. Marie-Jo Aeby note aussi l’absence de représentants officiels des diocèses. “J’en ignore les raisons, mais je le regrette. Je pense que l’on avance à petits pas dans la prise de conscience de la nécessité des réformes, mais cela viendra de la base. Les balais que nous avons amenés vont retourner dans les paroisses, les autres seront remis à la nonciature avec la pétition pour des réformes dans l’Église.”
Pendant ce temps en France, la plateforme téléphonique mise en place par la commission d'enquête indépendante sur les agressions et crimes sexuels dans l'Église est prise d'assaut comme le montre le lejdd.fr (https://www.lejdd.fr/Societe/pedophilie-dans-leglise-les-victimes-des-pretres-brisent-le-silence-3907243). Plus de mille personnes se sont déjà confiées. Ce sont en majorité des hommes âgés de plus de 50 ans. "Nous avons été surpris qu'il y en ait autant, et ce dès le matin du premier jour", explique Jean-Marc Sauvé, le président de la Ciase, chargée par la Conférence des évêques de France de faire la lumière sur les agressions et crimes sexuels commis par des religieux sur des mineurs depuis les années 1950. Au total, 1 131 témoignages venus de presque tous les départements de France – 807 par téléphone, 520 par e-mail et le reste par courrier – ont été recueillis pendant les trois semaines qui ont suivi le lancement de cet appel à libérer la parole prévu pour durer un an. Soit une moyenne de 50 par jour! "La majorité sont des victimes directes", précise le haut fonctionnaire. Pour briser un tabou français, la Ciase a fait appel au savoir-faire de France Victimes. Les personnes qui se confient sont en majorité des hommes, en général âgés de plus de 50 ans, et beaucoup de victimes ont donné leur accord pour venir témoigner devant la commission d'enquête. Cela donnera une radiographie complète prévue en 2020.
Enfin, la parole se libère et sans frein, elle peut s’avérer forte comme en Suisse, où la confiance ne règle plus envers l’Église. Espérons que la souffrance des victimes de prêtres pédophiles soit vraiment entendue.
Merci !