Publié le 30 Septembre 2019
Nicolas Senèze, à Rome, dans son article pour la-Croix.com que par le motu proprio Aperuit illis publié lundi 30 septembre 2019, le pape fait du troisième dimanche du temps ordinaire, en janvier, le dimanche de la parole de Dieu, montrant un nouvel exemple de son souhait d’une Église plus évangélique.
Dans ce texte réévaluant celle-ci dans la vie de l’Église, le pape François évoque aussi un ministère «spécifique» de proclamation de la Parole similaire au lectorat qui rappelle «l’importance de la proclamation de la parole de Dieu dans la liturgie», et s’apparente selon Mgr Rino Fisichella, président du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, à celui des ministres extraordinaires de la communion, et contrairement au lectorat, il sera ouvert aux femmes, car pour le pape «La parole de Dieu doit trouver des personnes, des femmes, des hommes capables de la proclamer de manière authentique, et capables aussi, dans cette proclamation, d’intelligence du texte sacré.»
Le pape veut donc voir évoluer cette situation, et il le fait à sa manière : par l’appel à l’imagination plutôt que de s’enfermer dans des débats qu’il sait stériles. Une façon aussi d’indiquer les ornières à éviter alors que s’ouvre, dimanche 6 octobre, le Synode pour l’Amazonie dont le document de travail propose justement de «discerner le type de ministère officiel qui peut être conféré aux femmes».
Par ce motu proprio, qui s’enracine résolument dans la tradition revivifiée de Vatican II, le pape François continue aussi à esquisser l’Église de demain : une Église plus à l’écoute de l’Évangile et exprimant concrètement la participation active des laïcs. Comme il le dit d’ailleurs dans son motu proprio : «Celui qui se nourrit chaque jour de la parole de Dieu se fait, comme Jésus, contemporain des personnes qu’il rencontre ; il n’est pas tenté de tomber dans des nostalgies stériles du passé ni dans des utopies désincarnées vers l’avenir.»
Les femmes catholiques manifesteront le jeudi 3 octobre sur la place Saint-Pierre et lanceront l'initiative #votesforcatholicolomwomen, afin d'exiger la pleine égalité de l'Église du pape et des évêques, à quelques jours du début du Synode amazonien, du fait qu’aucune femme n'a le droit de voter. Leurs revendications sont nées lorsque, lors du dernier synode des jeunes, une douzaine de femmes seulement ont participé aux débats, mais aucune d’entre elles n’a pu voter pour le texte final. À ce moment-là, l'Union des Supérieurs Généraux (UISG) a exhorté les organisateurs de l'assemblée synodale à modifier la norme afin de permettre au moins aux représentants des congrégations religieuses participantes de voter. Le vote dans les débats synodaux est une étape qui a déjà été franchie pour les religieux, mais qui continue à opposer le veto aux femmes (https://www.religiondigital.org/mundo/Catolicas-manifestaran-Plaza-San-Pedro_0_2163383646.html).
Mais, les opposants du pape fourbissent leurs armes et d’autres viennent le rejoindre comme le montre Jesús Bastante dans religiondigital.org (https://www.religiondigital.org/mundo/Martinez-Camino-Brandmuller-Muller-Francisco-rouco-sarah-enemigos-papa-benedicto_0_2163083673.html) ce lundi. Le cardinal Rouco et son disciple, l'évêque auxiliaire de Madrid, Juan Antonio Martínez Camino, ont rejoint le club "sélect" des ennemis du pape François, s’ajoutant aux critiques formulées par les cardinaux Müller, Burke, Brandmuller ou Sarah aux réformes entreprises par Bergoglio, notamment en ce qui concerne le débat sur les prêtres mariés, qui sera abordé lors du prochain synode pour l'Amazone. Le cardinal Rouco continue de mener, dans l’ombre, l’opposition au pape et aux hommes qu’il a choisis pour l’Espagne (Osoro et Omella, fondamentalement), ce qui ralentit tout type de renouveau. Il y a beaucoup d'évêques qui doivent la mitre à Rouco, qui a exercé le rôle de «vice-pape» tout-puissant de l'Espagne pendant une grande partie du pontificat de Jean-Paul II et de Benoît XVI, et reçoit encore aujourd'hui dans son célèbre grenier au centre de Madrid une partie du secteur le plus conservateur de l'Église de notre pays, actuellement dirigée par les archevêques d'Oviedo, Jesús Sanz (candidat des rigoristes aux prochaines élections de la Conférence épiscopale de mars 2020); et Burgos, Fidel Herráez.
Déguisés en groupe d'"étudiants de Benoît XVI", ils se sont tous réunis lors d'une réunion à l'Agustinianum à Rome. Ainsi, le "Cercle et nouveau cercle de disciples de Joseph Ratzinger / le Pape Benoît" garantit qu’"en temps de crise et de purification douloureuse de l'Église, ce ne sont pas les réformes des structures qui guérissent et aident en premier lieu", et qu'à cette époque, "le moment est venu d'ouvrir la pensée théologique du pape émérite à un public plus large". C'est la première fois que ces débats sont ouverts au public. Et comme on peut s’y attendre, ils soutiennent les signataires dans leur déclaration, qui ferme toute porte à la consécration de prêtres femmes ou de prêtres mariés, tout en défendant un "style de la vie sacerdotale " avec "les obligations d'obéissance et de célibat pour le Royaume des cieux".
"Le célibat est donc, selon la tradition permanente de l'Église latine, un signe éloquent de foi en l'espoir et en un amour magnanime pour le Christ et son Église", concluent Rouco, Müller, Sarah ou Brandmuller. "Une solution ne sera trouvée que s'il est clair en quoi consiste l'essence du ministère presbytéral dans l'Église et s'il témoigne de la vie. La théologie de Joseph Ratzinger / le pape Benoît XVI offre des réponses à ce double défi et montre un chemin consciemment lié à Tradition et qui mène à cette réforme qui guide la vie vers le Christ et lui donne de la crédibilité", conclut le document que le cardinal Müller a personnellement présenté au pape émérite.
Depuis des mois, ces cardinaux opposés aux réformes du pape François utilisent la figure du pape émérite pour construire un récit consistant à affirmer que la théologie s'est terminée avec Benoît XVI, et que celle de Bergoglio ne contribue en rien, mais détruit. D'où les mouvements visant à qualifier le pape François d'hérétique pour son ouverture aux divorcés remariés (approuvé après le synode de la famille), ou la dénonciation planifiée de l'ancien nonce Viganò contre le pape, qu'il accusait de ne rien faire contre la pédophilie du cardinal McCarrick (alors que c’est le pape François qui l’a expulsé du cardinalat et a ouvert une enquête à son encontre).
Et les ennemis du pape François risquent de ne pas beaucoup qu’on confie un ministère ressemblant au rectorat à des laïcs et plus particulièrement aux femmes. Mais le pape François ne veut pas les entendre, et pousse de nouvelles barrières comme le montre Cameron Doody ce lundi sur religiondigital.org (https://www.religiondigital.org/vaticano/Palacio-Apostolico-LGBT-James-Martin-gays-papa-francisco_0_2163383674.html). Nouveau geste monumental du pape François en faveur du ministère auprès des catholiques LGBT, quelques jours après qu'il est apparu qu'il avait appelé le prêtre ouvertement homosexuel James Alison à restaurer "le pouvoir des clés". Le pontife a rencontré pendant 30 minutes aujourd'hui en privé James Martin, le jésuite américain connu pour son empathie et son engagement envers les fidèles arcs-en-ciel, ce dernier a partagé avec le pape François "les joies et les espoirs, ainsi que les peines et les angoisses, des catholiques LGBT et des personnes LGBT en tout le monde". Le Vatican a inclus l'audience du pape avec Martin dans le bulletin pontifical officiel de lundi, signe clair que le pape François souhaitait que le document soit rendu public. Le message implicite était un vote de confiance dans le ministère de Martin. Martin est l'auteur de "Building a Bridge", un livre sur la manière dont l'Église catholique devrait devenir plus présente au sein de la communauté LGBT.
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