Mathieu Boudet dans son article pour france3-regions.francetvinfo.fr nous montre que le diocèse de Lyon a mis en ligne, ce jeudi 17 octobre, un site internet dans lequel 12 personnes témoignent sur les abus sexuels. Les prêtres et de nombreux acteurs de l'église ont obligation de les regarder, et doivent participer à des journées d'échanges sur le sujet.
Le diocèse de Lyon lance une opération de sensibilisation contre les abus sexuels, à destination, notamment, de ses prêtres. Sur ce site internet dédié, "agir ensemble contre les abus sexuels", mis en ligne ce jeudi 17 octobre, il propose une série de 12 entretiens vidéos dans lesquelles des victimes, psychiatres, magistrats ou encore psychiatres, témoignent sur les drames de la pédophilie.
Le site propose "tout un dispositif pédagogique" et des vidéos de victimes, de policiers, d'un procureur, de psychiatres spécialistes des abus, du président de la conférence des évêques de France, d'un prêtre ou une théologienne. "Les entretiens n'ont, à aucun moment, été coupés ou censurés", l'évêque auxiliaire Emmanuel Gobilliard, responsable du projet. "On voulait donner la parole aux autres sans aucune censure, avec des victimes et spécialistes de chaque domaine", explique-t-il.
Parmi les témoignages, celui d'une victime, Véronique Garnier, qui se livre sans détours : "ce qui arrive a un enfant qui est abusé, c’est comme s’il explose en 1000 morceaux. Tout explose", confie-t-elle. D'autres témoignages visent à faire changer les réflexes qui ont conduit, notamment, à réduire au silence de tels drames parfois connus de membres de l'Église. L'intervention d'Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef du journal La Croix, par exemple, invite tous les acteurs de l'église à se mobiliser : "la pédophilie nous concerne tous. Cela concerne la hiérarchie. On est tous responsables de la manière dont ça se passe dans l’Église. On est tous l’Église", explique-t-elle.
Au total, 600 membres de l'église participent à des sessions de visionnage, et à des rencontres avec les différents intervenants invités à s'exprimer sur ces vidéos. Une session a eu lieu lundi, une autre ce jeudi, et une autre est prévue avant la fin de l'année, pour sensibiliser, à chaque fois, 200 participants : des prêtres en activités, diacres, aumôniers, responsables d'écoles catholiques, qui sont appelés à devenir, à leur tour, des relais de sensibilisation dans tout le diocèse. Au total, 4 à 5 000 personnes devraient être touchées dans le diocèse de Lyon. "Les prêtres du diocèse ont tous obligation de visionner toutes les vidéos", explique M. Gobilliard.
Mais le site s'adresse aussi au grand public. Dans une lettre introductive, Mgr Michel Dubost, administrateur apostolique local depuis la prise de recul annoncée par le cardinal Barbarin, invite "toute la communauté chrétienne" à accompagner cette "grande action". Et cela ne s'adresse pas qu'au monde catholique, tout le monde est invité à se connecter. "Plus ces vidéos seront vues, partagées, plus l'écosystème changera, pour que tous ensemble nous réagissions, nous agissions", a exhorté M. Gobilliard sur le réseau Twitter. Par ailleurs, le dispositif serait bientôt présenté à la Conférence des évêques de France.
Le diocèse de Lyon a été ébranlé ces dernières années par l'affaire entourant les agissements du père Bernard Preynat notamment. Ses agressions sexuelles présumées sur de jeunes scouts de la région lyonnaise ont déclenché le retentissant procès du cardinal Philippe Barbarin, condamné en mars à six mois de prison avec sursis pour ne pas l'avoir dénoncé à la justice. Face à ce scandale, le Vatican comme l'Église de France ont pris une série de mesures pour lutter contre la pédophilie. "Dans le diocèse, tout le monde parlait de ces affaires, mais c'était trop subjectif, on était dans l'affectif. Et peu connaissaient la loi. L'idée est de se mettre du côté des victimes, car en défendant trop l'institution on peut contribuer à la détruire", explique Emmanuel Gobilliard.
L'association La Parole Libérée, créée par des victimes lyonnaises suite aux révélations de nombreux abus présumés du prêtre Preynat, à l'origine de l'affaire Barbarin à Lyon, n'a pas participé aux vidéos. M. Gobilliard explique avoir contacté un membre de l'association, qui a décliné sa proposition. L'évêque regrette, mais dit "pleinement comprendre" son refus, alors que la procédure judiciaire initiée par l'association est prévue pour janvier prochain. Contacté, Pierre-Emmanuel Germain-Thill, membre de l'association, n'est pas convaincu par la démarche du diocèse. Il indique ne pas avoir été sollicité pour y participer, et estime que les comportements au sein du diocèse n'ont pas changé. Enfin pour lui, cette démarche arrive bien tard : "l'affaire Preynat a éclaté il y a plus de 4 ans, et il faut attendre 4 ans pour faire ce genre de pas, et donner la parole à des victimes ?"
Dans une des vidéos, une interlocutrice résume l'urgence : "j’attends que l’Église, après avoir compris la gravité, avoir pesé, peut-être avoir pleuré, répare ce qui est encore possible à réparer, et surtout s’engage à tout faire pour ce ça ne recommence pas."
Et comme le montre Augustine Passilly sur la-Croix.com le mardi 16 octobre (https://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/Monde/LEglise-polonaise-dote-dune-fondation-soutenir-victimes-dabus-sexuels-2019-10-16-1201054740) la Conférence épiscopale polonaise a adopté, le 8 octobre, les statuts de la Fondation Saint Joseph qui devrait entrer en fonction début janvier. Composé à la fois de représentants d’associations de victimes d’abus sexuels, d’experts laïcs et de clercs, ce dispositif vise à apporter un soutien global et adapté aux victimes. Au-delà de la compensation financière garantie par la justice à l’issue du procès, il s’agit d’assurer la reconstruction des victimes. Le choix même du nom de la fondation se réfère d’ailleurs à cette volonté de placer les personnes abusées au centre du dispositif. Un tel dispositif s’est imposé alors que la Conférence des évêques de Pologne a publié, le 14 mars, un rapport recensant, entre 1990 et 2018, 382 prêtres et religieux auteurs d’agressions sexuelles sur pas moins de 625 victimes. Financée par les diocèses, et bientôt reconnue par l’État, cette instance pourrait, par la suite, s’étendre aux victimes d’actes pédophiles perpétrés sans aucun lien.
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