Ouest-France.fr avec l’AFP nous montre dans son article du lundi 24 avril 2020 que deux jours après son ouverture, le carnaval de Rio de Janeiro a accueilli dans la nuit du dimanche 22 février, les fameux défilés des écoles de Samba. Au programme, des spectacles féeriques et contestataires, à contre-courant de la politique d’extrême droite de Jair Bolsonaro.
Le carnaval de Rio de Janeiro entre dans le vif du sujet dans la nuit de dimanche à lundi, avec les somptueux défilés des écoles de samba, qui transmettent un message contestataire, à contre-courant de la vague ultraconservatrice sur laquelle surfe le président d’extrême droite Jair Bolsonaro. Rio, situé au sud-est du Brésil, est déjà plongé dans l’ivresse du carnaval depuis plusieurs jours, avec pas moins de deux millions de fêtards dans les rues tout au long du week-end, selon les autorités locales.
Mais c’est au sambodrome que cette gigantesque fête populaire prend toute sa dimension féerique, avec des chars monumentaux pouvant mesurer plus de dix mètres de des milliers de danseurs aux costumes multicolores, parfois ornés de plumes géantes. Cette année, avec un Jésus né dans une favela, des hommages aux peuples indigènes et aux artistes noirs, le sambodrome présentera un spectacle à tonalité très politique au-delà du strass et paillettes.
«Je crois que c’est très important de porter des messages politiques à un moment où notre gouvernement écrase les travailleurs. Les écoles de samba représentent la classe ouvrière», déclare Henrique Lott, perché sur un char de près de 8 mètres de haut qui représente un énorme fossile de dinosaure. Déguisé en homme préhistorique, ce comédien de 27 ans est membre d’Estacio de Sa, la première école à défiler dimanche soir, sur le thème de la pierre.
Sept des 13 principales écoles de samba de Rio défilent tour à tour pendant toute la nuit, devant 70 000 spectateurs et des dizaines de millions de téléspectateurs. Chacune d’entre elles a 60 à 70 minutes pour convaincre les jurés, qui attribuent des notes sur des critères très variés, de la richesse des costumes à celle des chars en passant par l’harmonie avec laquelle les 3 000 membres de chaque école évoluent sur le sambodrome, une avenue de plus de 700 mètres longée de gradins.
La championne en titre, Mangueira, sera la troisième à se présenter dimanche, avec un défilé qui s’annonce très engagé : un Jésus «au visage noir, au sang indigène et au corps de femme», né dans une favela et prêchant un message de tolérance. Le choix de ce thème a suscité de nombreuses critiques de groupes ultraconservateurs, qui l’ont jugé blasphématoire. La chanson de Mangueira a pour titre «La vérité vous rendra libre», extrait d’un verset biblique cité à maintes reprises par Jair Bolsonaro, qui a bénéficié de l’appui massif des Églises évangéliques lors de son élection en octobre 2018.
École la plus titrée du carnaval de Rio avec 22 trophées, Portela évoquera lors du dernier défilé de dimanche un des sujets les plus sensibles sous le gouvernement Bolsonaro : la question indigène. Le thème choisi par l’école aux couleurs blanche et bleue rend hommage au peuple Tupinamba, qui vivait à Rio avant l’arrivée des colonisateurs européens. «Notre village ne s’incline pas devant le capitaine», dit un couplet de la chanson de Portela, une référence à peine voilée à Jair Bolsonaro, ancien capitaine de l’armée dont la politique environnementale est jugée nocive par la plupart des autochtones vivant en Amazonie.
Une autre école, Grande Rio, avait pris pour thème celui de la tolérance religieuse, avec des chars exaltant les croyances afro-brésiliennes. Lutte pour la diversité et les droits des opprimés - Noirs, femmes ou communauté LGBT - les dernières écoles de samba devraient enfoncer le clou dans la nuit de lundi à mardi, dans un pays de 210 millions d'habitants qui a porté à sa tête un président ouvertement misogyne et homophobe et accusé de racisme. Une fois dans l'année, "le carnaval, c'est l'allégresse pour tous, les gens souffrent tant et travaillent tant", dit Marcelo Tchetchelo de Castro, danseur de Sao Clemente. "En même temps c'est le moment pour nous de passer les messages pour une prise de conscience de tous, pour un Brésil meilleur". Ainsi, dans une éphémère prise de pouvoir, les laissés pour compte sont traditionnellement au premier plan lors du carnaval qui puise dans ses racines indigènes, mais particulièrement cette année, an II du gouvernement Bolsonaro (https://information.tv5monde.com/info/derniere-nuit-d-un-carnaval-de-rio-qui-en-veut-bolsonaro-348380).
Pour la première fois, les écoles de samba, qui donnent toute sa splendeur au carnaval brésilien, se présenteront sans subvention publique de la mairie. Depuis son élection en 2016, le maire Marcelo Crivella, pasteur évangélique, a toujours snobé la plus grande fête populaire du Brésil. Les subventions, qui s’élevaient à deux millions de réais par école en 2017 (environ 625 000 € au taux de change moyen de cette année), ont été réduites progressivement, jusqu’à disparaître cette année.
Les écoles ont donc dû se réinventer, avec des chorégraphes plus jeunes redoublant de créativité pour faire face aux problèmes budgétaires, recyclant notamment des costumes ou des pièces de chars d’années précédentes. «Comme on n’a plus de subvention, on doit se débrouiller pour que le défilé soit prêt à temps. On organise des événements au siège de l’école pour obtenir des fonds, on est une grande famille», explique, Leila Aparecida, 52 ans, membre d’Estacio de Sa.
Avant-dernière à défiler dans la nuit, l'école de Mocidade doit rendre un hommage à la chanteuse mythique Elza Soares, 89 ans, icône de la lutte contre le racisme et l'homophobie. Avant elle, celle de Salgueiro devait honorer Benjamin de Oliveria, premier clown noir du Brésil qui a révolutionné le cirque et le théâtre et lutté contre le racisme. Le carnaval de Rio est également particulièrement ancré cette année dans l'actualité : la déforestation en Amazonie (elle a doublé en 2019, première année du gouvernement Bolsonaro), ou d'autres atteintes à l'environnement avec la pollution des océans, qui doit être dénoncée par l'école Unidos da Tijuca (https://information.tv5monde.com/info/derniere-nuit-d-un-carnaval-de-rio-qui-en-veut-bolsonaro-348380).
Il est bon de voir que ce carnaval montre la résistance à Jair Bolsonaro et sa politique qui s’invite à travers de nombreux messages contestataires montrant que le Brésil a un autre visage, celui de la tolérance et de la préoccupation à l’environnement.
Merci !