Publié le 31 Décembre 2020
La pandémie de la Covid-19, nous invite à réfléchir à l’Église de demain, et la réforme doit être audacieuse afin de moderniser l’institution et l’adapter au monde moderne.
À propos de la réponse de l’Église à la pandémie, le jésuite Jean-Blaise Fellay (https://www.choisir.ch/religion/eglises/item/3980-jean-blaise-fellay-l-eglise-connait-un-veritable-effondrement, et https://www.jesuites.ch/nouvelles/echo-de-la-province/2524-l-eglise-connait-un-veritable-effondrement) pense qu'il aurait été opportun de ne pas uniquement chercher à «offrir des alternatives aux messes», mais de «profiter de cette crise pour insister sur les valeurs» qu'elle défend. Il relève notamment que «l’Église subit la même panique que la société envers la mort (...) La Covid a accéléré la tendance avec l’obligation des obsèques dans l’intimité familiale, ce qui est choquant.» Il porte un regard très critique sur l’Église qui, selon lui, «est dans une situation misérable. Elle connaît un véritable effondrement, dans la pratique, dans les vocations, dans les ordres religieux.» Et de relever : Aujourd'hui, «le christianisme n’a plus d’ennemis. En revanche, il essuie du mépris.» Mais il ne désespère pas. «Parce que sinon, jusqu’où faudra-t-il laisser la situation se déglinguer pour qu’on ouvre les yeux. L’Église accumule une somme invraisemblable de retards sur la société». Favorable à l’abandon du célibat des prêtres qui «a été introduit au XIe siècle, à la réforme grégorienne, mais il ne s’est imposé qu’au XVIIe siècle», et à l’accession des femmes au sacerdoce puisqu’«il n’y a aucune raison théologique valable pour l’empêcher», il pointe aussi le tabou de la sexualité venant d’une «défiance historique envers le corps humain» qui «est très marqué par les pensées dualistes, perses et grecques», la misogynie puisque «c’est que ce monde vit dans une atmosphère très misogyne. C’est aussi une des raisons qui expliquent le refus de laisser les femmes accéder à des fonctions importantes dans l’Église», et «Si la question du genre joue un rôle important dans la mise à l’écart (des femmes) des hautes fonctions, celle du pouvoir l’est encore davantage. Je reste persuadé que les hommes ne veulent tout simplement pas partager», et la culture du secret qui entoure l’homosexualité au sein de l’Église, car «L’Église compte, dans certains secteurs, une grande proportion d’homosexuels», et le célibat des prêtres peut sans doute «être pour eux raison d’y entrer. Certains d'entre eux font leur coming out au séminaire, et les choses sont claires», c’est pourquoi «Les ouvertures actuelles du pape François aux unions homosexuelles visent à lever les hypocrisies des prélats qui vivent l’homosexualité en fait et la condamnent en parole».
Pourtant, les solutions existent. Comme le montre les conclusions de la Commission australienne sur les abus sexuels rendues en décembre 2017 qui proposent notamment des actions visant à décentraliser le pouvoir, à mieux inclure la population laïque, en particulier des femmes, tant au sein des structures de gestion que pour la prise de décisions, à avoir un système participatif lors de la sélection des évêques, à la mise en place régulière de synodes diocésains, telle une instance participative de consultation, de dialogue et d'écoute, à avoir recours à des examens spécifiques réalisés par des professionnels qualifiés avant d'accepter un candidat à la prêtrise, à plus de travail dans la formation des prêtres tout en recommandant le célibat facultatif, et à réformer le Code de droit canonique de manière à faciliter les investigations et les sanctions, notamment en ce qui concerne la dissimulation, et elle propose que les abus sexuels sur mineurs bénéficient d'un délai imprescriptible, et si, lors du sacrement de la réconciliation, un mineur confesse qu'il a été abusé sexuellement ou si une personne confesse qu'elle a abusé un mineur, le prêtre doit persuader la personne d'en parler, hors du devoir de secret, à des personnes adéquates pour gérer ce délit (https://www.choisir.ch/religion/eglises/item/3180-abus-sexuels-les-conclusions-de-la-commission-australienne).
Comme le signale Marie-Jo Thiel (https://www.choisir.ch/religion/eglises/item/3649-rencontre-avec-marie-jo-thiel) : «Le pape François a bien compris qu’il fallait réformer l’Église par la base pour que le sommet change. Un mouvement du bas vers le haut, et non l’inverse. Les conférences épiscopales devraient pouvoir gérer les situations locales, comme l’hospitalité eucharistique en Allemagne par exemple. Car la crise actuelle de l’Église est la crise d’un système de gouvernance. Dans une crise de nature systémique, ce n’est pas juste cela. Car derrière les abus sexuels, il y a aussi souvent des abus de pouvoir, des abus financiers et des abus spirituels». «Et pourquoi ne pas séparer le fonctionnement de la Curie, qui est d’abord du management, des ministères ordonnés ? On n’a pas besoin de cardinaux ou d’évêques à la tête de dicastères romains !» Pour Isabelle Hirt (https://www.choisir.ch/religion/eglises/item/3875-une-discrete-presence), l’évolution devrait donc passer par une meilleure reconnaissance des laïcs dans leurs fonctions, car la question du rapport aux laïcs dans l’Église englobe aussi celle des femmes. «Rendre visible la mission donnée aux laïcs, hommes et femmes, par la hiérarchie est vital», soutient-elle. Une bénédiction particulière, comme cela se fait pour les ministres ordonnés, leurs octroierait une reconnaissance légitime et favoriserait, selon la responsable de l’UP Salève, un regain de vocations. Dans la ville d’Altamira, au cœur de l’État du Para (Pérou), face à l’avancée des évangéliques, l’Église catholique s’appuie sur les laïcs, en particulier sur les femmes, pour reconquérir les fidèles. C'est même grâce aux femmes que l’Église reste vivante en Amazonie, de l'avis de Sœur Rose Bertoldo, de la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie, au Brésil, auditrice alors choisie par le Vatican pour participer au Synode amazonien (https://www.choisir.ch/religion/eglises/item/3634-perou-les-femmes-l-avenir-de-l-eglise). On peut alors se demander pourquoi un tel aveuglement de la hiérarchie.
La pandémie de la Covid nous a fait remarquer une chose, comme le révèle Tomás Halik : «Cette époque de vide dans les bâtiments d’église révèle peut-être symboliquement aux Églises leur vacuité cachée et l’avenir qui pourrait les attendre, si elles ne font pas un sérieux effort pour montrer au monde un visage du christianisme totalement différent.» Car, ce dernier n’a pas tort de dire «que le temps est venu de réfléchir à la manière de poursuivre le mouvement de réforme que le pape François estime nécessaire : non des tentatives de retour à un monde qui n’existe plus, ni un recours à de simples réformes structurelles externes, mais plutôt un changement vers le cœur de l’Évangile, «un voyage dans les profondeurs».» Et il signale que «nous devons simultanément accorder plus de place au ministère des laïcs dans l’Église; n’oublions pas que, dans de nombreux territoires, l’Église a survécu sans clergé pendant des siècles entiers. Il se pourrait bien que cet «état d’urgence» soit un révélateur du nouveau visage de l’Église, dont il existe des précédents dans l’histoire.» Et il est «persuadé que nos communautés chrétiennes, nos paroisses, nos congrégations, nos mouvements d’église et nos communautés monastiques devraient chercher à se rapprocher de l’idéal qui a donné naissance aux universités européennes : une communauté d’élèves et de professeurs, une école de sagesse, où la vérité est recherchée à travers le libre débat et aussi la profonde contemplation. De tels îlots de spiritualité et de dialogue pourraient être la source d’une force de guérison pour un monde malade» (https://www.ch.ch/oisirreligion/theologie/item/3795-la-chretiente-a-l-heure-de-la-maladie).
Et cette façon de voir d’une Église en voie de réforme est épousée par Mgr Mario Grech qui est le nouveau secrétaire général du Synode des évêques, dans la laciviltacattolica.fr (https://www.laciviltacattolica.fr/leglise-a-la-frontiere-entretien-avec-mgr-mario-grech-le-nouveau-secretaire-du-synode-des-eveques/) : «Nous avons découvert une nouvelle ecclésiologie, peut-être même une nouvelle théologie, et un nouveau ministère. Cela indique, donc, qu’il est temps de faire les choix nécessaires pour s’appuyer sur ce nouveau modèle de ministère. Ce sera un suicide si, après la pandémie, nous revenons aux mêmes modèles pastoraux que nous avons pratiqués jusqu’à présent. Nous dépensons d’énormes énergies à essayer de «convertir» notre société laïque, alors qu’il est plus important de «nous convertir» pour effectuer la «conversion pastorale» dont le pape François parle souvent.» Pour lui l’avenir de l’Église réside dans la réhabilitation de l’Église domestique en lui donnant plus d’espace : «Une Église-famille composée de plusieurs Église-familles. C’est le présupposé valable de la nouvelle évangélisation, dont nous ressentons tant le besoin parmi nous. Nous devons vivre l’Église au sein de nos familles. Il n’y a pas de comparaison entre l’Église institutionnelle et l’Église domestique. La grande Église communautaire est composée de petites Églises qui se réunissent dans les maisons. Si l’Église domestique échoue, l’Église ne peut pas subsister. S’il n’y a pas d’Église domestique, l’Église n’a pas d’avenir ! L’Église domestique est la clé qui nous ouvre des horizons d’espérance ! Dans le livre des Actes des Apôtres, nous avons une description détaillée de l’Église familiale, domus ecclesiae : «Chaque jour, d’un même cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple, ils rompaient le pain dans les maisons, ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité de cœur» (Actes 2,46). Dans l’Ancien Testament, la maison familiale était le lieu où Dieu se révélait et où était célébrée la Pâque juive, la célébration la plus solennelle de la foi juive. Dans le Nouveau Testament, l’Incarnation a eu lieu dans une maison, le Magnificat et le Benedictus ont été chantés dans des maisons, la première Eucharistie a eu lieu dans une maison et de même l’envoi du Saint-Esprit à la Pentecôte. Au cours des deux premiers siècles, l’Église se réunissait toujours dans la maison familiale.»
Comme il le signale : «Ce n’est pas la famille qui est l’auxiliaire de l’Église, mais c’est l’Église qui doit être l’auxiliaire de la famille. Dans la mesure où la famille est la structure fondamentale et permanente de l’Église, il faudrait redonner à elle, le domus ecclesiae, une dimension sacrée et cultuelle.» Donc, «La communauté paroissiale a le devoir d’aider la famille à être une école de catéchèse et une salle liturgique où le pain peut être rompu sur la table de la cuisine.» C’est pour cela que «les parents sont aussi, en vertu de leur sacrement, les «ministres du culte» qui, pendant la liturgie domestique, rompent le pain de la Parole, prient avec elle, et ainsi la transmission de la foi aux enfants a lieu», et «La liturgie de la famille elle-même incite les membres à participer plus activement et consciemment à la liturgie de la communauté paroissiale. Tout cela contribue à faire le passage de la liturgie cléricale à la liturgie familiale.» Et à travers cette «Église domestique», la famille doit «s’orienter vers la sortie de la maison ; elle doit donc aussi être capable d’assumer ses responsabilités en tant qu’acteur social et politique», car la famille «est appelée à laisser ses empreintes dans la société où elle est insérée, afin de développer d’autres formes de fécondité qui sont comme la prolongation de l’amour qui l’anime».
Comme l’a avancé le père jésuite Joseph Moingt, il ne faut pas baisser les bras, à s’engager avec liberté et audace pour faire bouger les lignes de l’Église et remettre souvent en cause «une Église qui ne sait tenir qu’un langage d’endoctrinement, devenue inapte à parler un langage d’annonce, d’invitation de dialogue, d’appel au bonheur». Pour lui, «le salut ne vient pas de la religion; même dans l’Église catholique, il n’est pas lié à la religion, mais à la charité.» Et «L’Église ne trouvera son salut qu’en cherchant le salut du monde» (https://www.choisir.ch/religion/jesuites/item/3852-deces-du-pere-moingt). Luis Miguel Modino en 2019 plein d’espérance envers le synode amazonien souhaitait «des communautés de vie chrétiennes attentives à la réalité, qui tentent d’analyser cette réalité et d’amener des réponses à partir de l’Évangile; des communautés qui essaient de vivre l’Évangile et d’être le ferment de la société, des constructeurs du Royaume; des petites communautés dispersées, organisées entre elles et vivaces, avec des célébrations, une liturgie qui les emplisse de vie. Je rêve d’une Église autonome, toute simple, en contact avec son environnement, qui se sent maîtresse d’elle-même et sœur d’autres spiritualités et de tous les peuples qui bâtissent le Royaume de Dieu» (https://www.choisir.ch/religion/eglises/item/3637-amazonie-ce-qu-attend-du-synode-mgr-aguirre). Et concluons par le jésuite Jean-Blaise Fellay : «Dieu vient à nous, sans pouvoir. Sans superstructure, sans titres anachroniques. L’Église, pour moi, ce sont les humbles. Comme le monde, elle tient par les bons et les braves gens, pas par les «Monseigneur»» (https://www.cath.ch/newsf/leglise-connait-un-veritable-effondrement/).
En cette année à venir, poursuivons tous nos efforts pour une Église qui ne soit plus misogyne, homophobe, et revoie ses positions sur la sexualité et sur la place des laïcs dans l’Église. Et la pandémie nous a fait comprendre une chose importante, que le cléricalisme n’est plus tenable et il faut désormais faire confiance à la maison-Église, dans un esprit d’ouverture et d’universalité, afin d’éviter que l’Église se retrouve encore entre les mains des nouveaux mouvements ecclésiaux et des communautés nouvelles qui ont perpétués le cléricalisme tant décrié actuellement.
Merci et bonne année à venir !