Publié le 1 Décembre 2021

Comme nous le montre L’Express.fr dans son article du lundi 29 novembre 2021 publié début octobre, le rapport de la commission a estimé à 330 000 le nombre de personnes de plus de 18 ans ayant fait l'objet de violences sexuelles depuis 1950, quand elles étaient mineures, de la part de clercs, de religieux ou de personnes en lien avec l'Église. 

 

Plus d'un mois après, huit des quelque 200 à 250 membres de l'Académie catholique, qui réunit des intellectuels, ont remis en cause ces conclusions dans un texte de 15 pages révélé par La Croix. Cette Académie, créée en 2008 pour "faire avancer la réflexion sur des thèmes choisis, d'actualité intellectuelle ou sociale" n'est pas une instance officielle de l'Église catholique. Parmi les critiques se trouve son président, Hugues Portelli, avocat et professeur émérite de sciences-politiques à l'université Paris II, Philippe Capelle-Dumont, professeur de théologie à l'université de Strasbourg, ou encore le philosophe Pierre Manent. Leurs critiques, soulignent ils, n'engage pas l'Académie - dont M. Sauvé est par ailleurs membre. Selon eux la Ciase a utilisé une "méthodologie défaillante et contradictoire". En particulier le chiffre de 330 000 victimes, qui est une estimation issue d'un sondage Ifop exploité par l'Inserm. Les signataires reconnaissent qu'il repose sur un "très vaste" échantillon (28 000 personnes) mais pointent du doigt le "gouffre" avec d'autres chiffrages obtenus par la commission (2.738 victimes comptées lors de l'appel à témoignages et 4832 à 27 803 via le travail sur les archives). Le rapport de la Ciase présente en outre des "carences sérieuses dans les domaines théologique, philosophique et juridique" et ses 45 recommandations sont "discutables dès lors que leurs prémisses le sont".  Formulées par une commission "sans autorité ecclésiale ni civile", elles "ne peuvent être qu'indicatives pour guider l'action de l’Église et de ses fidèles. Certaines pourraient s'avérer ruineuses pour l'Église", mettent-ils en garde, à propos du processus de réparation prévu. 

 

Interrogé par l'AFP, Jean-Marc Sauvé a jugé ces "mises en cause aussi graves qu'indigentes". "Aucune n'est de nature à remettre en cause nos analyses" ajoute-t-il. Il a invité l'Académie catholique "à mener une étude scientifique avec toutes les garanties scientifiques nécessaires, sur les violences sexuelles dans l’Église catholique, comme dans notre société, de telle sorte qu'elle puisse étayer ou non ses soupçons". "Il ne suffit pas d'insinuer et de dénigrer ou encore de dénoncer de graves biais ou manquements déontologiques et méthodologiques. Il faut de la clarté, (...) du débat contradictoire et, pour nos détracteurs, des preuves", a insisté l'ancien haut fonctionnaire. 

 

Mgr Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF), qui a commandé le rapport de la Ciase en 2018, est lui aussi venu défendre ses travaux.  "si des experts et des scientifiques peuvent toujours discuter de leurs méthodes et de leurs résultats, nous, évêques, avons reçu les conclusions de la Ciase pour ce qu'elles sont: un travail que nous devons prendre au sérieux et qui désigne des chemins de renouvellement possibles pour notre Église" écrit-il lundi dans La Croix. "Ce n'est pas tant face aux chiffres accablants établis par la Ciase et que discutent certains que les évêques se sont décidés à assumer la responsabilité institutionnelle de l'Église et à parler de dimension systémique", ajoute-t-il.   "C'est en écoutant les personnes victimes, celles dont la Ciase a recueilli le témoignage, celles que nous rencontrons (...) depuis des années que nous avons avancé", assure l'archevêque.   "Le plus triste" avec ce débat, ajoute-t-il, "est que les premières personnes qui risquent d'en être atteintes sont les personnes victimes." Sur twitter, Eric Boone, qui fut l'une des premières victimes à témoigner devant la Ciase, a invité les autres victimes à écrire sur le site internet de l'Académie pour "faire part de notre stupeur, notre colère, notre incompréhension". 

 

Des dissensions et des critiques qui ont mené à la démission de plusieurs membres de l’institution. Selon La Croix, plusieurs des membres de l’Académie ont annoncé leur démission dans la foulée de la publication du rapport contestataire par Le Figaro. Parmi eux, note La Croix, Mgr Éric de Moulins-Beaufort lui-même ou sœur Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref). Selon l’influent blogueur catholique Erwan Le Morhedec, plusieurs autres personnalités seraient également démissionnaires sans que leurs noms aient été dévoilés pour l’heure. Le positionnement de Jean-Marc Sauvé, lui-même membre de l’Académie, n’est pas non plus connu, même s’il a déjà pu faire part à La Croix d’un «sentiment de tristesse» à la suite de ces critiques.

 

Pourtant, l’initiative des académiciens contestataires n’est que la pointe émergée d’un plus vaste mouvement de critique du rapport Sauvé. Une vague qui infuse au plus haut sommet de l’Église. Ainsi, suggère Le Figaro, le geste des huit académiciens ne serait pas pour rien dans le report d’une rencontre entre le pape et les membres de la commission Sauvé. «À la publication du rapport, les évêques ont décidé de retenir leurs critiques», avait déjà confirmé l’un d’entre deux à La Croix, au début du mois de novembre. Les doutes, pourtant, sont bien présents : «D’une manière générale, le travail de la Ciase est beaucoup trop soumis à l’émotion : nous nous attendions à un rapport juridique, pas du tout à ce résultat», expliquait le même évêque. De quoi accentuer encore un peu les désordres alors que l’Église vient d’entamer le temps de l’Avent – qui, traditionnellement, marque le début de l’année liturgique (https://www.lepoint.fr/religion/rapport-sauve-demissions-en-serie-au-sein-de-l-academie-catholique-28-11-2021-2454210_3958.php).

 

Merci !

Voir les commentaires

Rédigé par paroissiens-progressistes

Publié dans #Actualités de l'Église

Repost0