Jesús Bastante nous montre dans son article du vendredi 22 juillet 2022 qu’ils sont intouchables depuis des décennies. Purs, sans souillure, au point d'assurer (avec au moins deux fermes convictions dans leur sein) être 'propres' du mal de la pédophilie dans leur sein. Mais la réalité cachait d'autres vérités dont certaines, comme la situation des femmes dans certains de ses centres, ont fini par exploser. L'omertá avec l'Opus Dei est terminée. Et celui qui ouvre les fenêtres n'est ni plus ni moins que le pape François.
Dans un sonore 'Motu Proprio' intitulé "Ad charisma tuendum" (Protéger le charisme), le pape François "juge opportun de confier au Dicastère pour le Clergé la compétence pour tout ce qui revient au Siège Apostolique en matière de Prélatures personnelles, dont le seul érigé jusqu'à présent est celui de l'Opus Dei". La norme, qui entrera en vigueur le 4 août, enlève le statut épiscopal au prélat (Ocáriz n'était plus évêque) et, dans une claque retentissante, rappelle à l'Œuvre qu'«une forme de gouvernement reposant davantage sur le charisme que sur l'autorité hiérarchique». De plus, l'Œuvre devra présenter, chaque année, «au Dicastère pour le Clergé un rapport sur l'état de la Prélature et sur le développement de son travail apostolique». «Souhaitant, par conséquent, sauvegarder le charisme de l'Opus Dei et promouvoir l'action évangélisatrice que ses membres mènent dans le monde, et en même temps devant adapter les dispositions relatives à la Prélature à la nouvelle organisation de la Curie romaine, je afin que les normes suivantes soient observées», souligne le pape.
Ce sont les suivants : Article 1. Le texte de l'art. 5 de la Constitution Apostolique Ut sit est désormais remplacé par le suivant : «Conformément à l'art. 117 de la Constitution Apostolique Praedicate Evangelium, la Prélature dépend du Dicastère pour le Clergé qui, selon les cas, évaluer les questions relatives aux autres Dicastères de la Curie romaine. Le Dicastère pour le Clergé, en traitant les différentes questions, fera usage des compétences des autres Dicastères par la consultation ou le transfert opportun de dossiers». Article 2. Le texte de l'article 6 de la Constitution apostolique Ut sit est désormais remplacé par le suivant : «Chaque année, le Prélat soumettra au Dicastère pour le Clergé un rapport sur l'état de la Prélature et sur la développement de son travail apostolique». Article 3. En raison des modifications de la Constitution Apostolique Ut sit introduites par la présente Lettre Apostolique, les Statuts de la Prélature de l'Opus Dei seront convenablement adaptés sur proposition de la Prélature elle-même, pour être approuvés par les organes compétents du Siège Apostolique.
Article 4. Dans le plein respect de la nature du charisme spécifique décrit dans la Constitution apostolique précitée, il est destiné à renforcer la conviction que, pour la protection du don particulier de l'Esprit, une forme de gouvernement basée davantage sur le charisme que sur la hiérarchie l'autorité est nécessaire. Dès lors, le prélat ne sera pas honoré de l'ordre épiscopal. Article 5. Tenant compte du fait que les insignes pontificaux sont réservés à ceux qui sont insignifiants auprès de l'ordre épiscopal, le Prélat de l'Opus Dei se voit accorder, en raison de sa charge, l'usage du titre de Protonotaire Apostolique Surnuméraire avec le titre de Révérend Monseigneur et, par conséquent, peut utiliser les insignes correspondant à ce titre. Article 6. À partir de l'entrée en vigueur de la Constitution Apostolique Praedicate Evangelium, toutes les questions pendantes dans la Congrégation pour les Évêques relatives à la Prélature de l'Opus Dei continueront à être traitées et décidées par le Dicastère pour le Clergé.
Jesús Bastante nous signale sur religiondigital.org (https://www.religiondigital.org/mundo/opus-dei-Fernando-Ocariz-ordenacion-episcopal-charisma-tuendum-papa-francisco_0_2471152871.html) que le «révérend monseigneur» (qui n'est pas évêque) de l'Opus Dei, Fernando Ocáriz, assure que les membres de l'Œuvre «acceptent filialement» le Motu Proprio papal qui modifie ses statuts et qu'il s'est assis avec une corne brûlante à l'intérieur l'organisation créée par Escriva de Balaguer. "Comme si l'on ne pouvait 'pas accepter filialement' un Motu Proprio papal", souligne un ecclésiastique du Vatican à RD.
Enfin, José Manuel Vidal nous montre dans religiondigital.org (https://www.religiondigital.org/rumores_de_angeles/Francisco-obliga-Opus-redundarse-mismo-Iglesia-Dei-Obra_7_2471522834.html) ce samedi que dès le début, ils se sont crus spéciaux : les seuls, les purs, les propres, les supérieurs, les élus. Comme le dit «Camino, son livre de chevet», l'élite de l'Église face à la «classe des troupes». Dans les séminaires, ils ne cherchaient que les meilleurs (ceux qui avaient les meilleures notes, pas ceux qui avaient le meilleur cœur). Et, dans la vie civile, pareil. Et, peu à peu, ils sont devenus déifiés. Et accéder au pouvoir dans sa forme la plus pure : politique mais aussi sociale et surtout religieuse. Avec des techniques de cooptation qui ont fait d'Opus une machine bien huilée. Une fois que quelqu'un de l'Œuvre occupait un poste, il appartenait à l'organisation à perpétuité et celui qui l'occupait plaçait ses «compagnons» autour de lui.
Avec ces techniques et d'autres et avec leur énorme capacité de travail, de persévérance et de présence (comme l'âne dans la roue), ils gagnaient des espaces toujours plus grands de pouvoir-service ecclésial. On les appelait la «sainte mafia». Ils formaient une sorte d'Église dans l'Église. Cette occupation systématique des postes et des prébendes les a amenés à être détestés par de nombreux ecclésiastiques, notamment en Espagne, où les évêques ne les ont pas accueillis dans leurs diocèses. Car, de plus, elles échappaient à son contrôle direct et dépendaient des ordres et des instructions de son «prélat». L'image publique et ecclésiale de l'Œuvre (surtout en Espagne) a toujours été très mauvaise. Ils ont dit qu'elle avait été "falsifié" exprès par ses ennemis. Et ils ont tout tenté pour la changer, faisant pression sur les directeurs des médias ou obligeant leurs entreprises à les licencier (demandez au jésuite Pedro Miguel Lamet qui, à l'époque, dirigeait Vida Nueva). Ils n'ont pas fait grand-chose en termes de lavage d'image, mais ils s'en moquaient, car leur grand patron et allié maximal arriverait bientôt sur le trône pontifical : Jean-Paul II.
Le pape polonais (membre de la minorité perdante du Concile) est venu à la tête de l'Église avec un objectif clair : restauration ou involution. Et, pour cela, il s'appuie fortement sur ses troupes d'élite : les nouveaux mouvements, commandés par l'Opus. Dans le modèle polonais, transplanté dans l'Église universelle, l'Œuvre serait dédiée aux siens (les classes supérieures) et aux néocatéchumènes de Kiko Argüello, aux classes moyennes et inférieures, escortés par des cielinos ou des focolaris. La promotion wojtylienne auprès de ses troupes d'élite fut écrasante et immédiate : charges, postes, nominations... Et, surtout, des statuts canoniques très particuliers et, pour les entériner comme chose de Dieu, des canonisations expresses. D'abord, celle de son saint fondateur, Escrivá, et, plus tard, celle de son successeur, Álvaro del Portillo, ainsi que celle de nombreux autres membres de l'Œuvre. Celui-ci, pour sa part, était chargé de faciliter les procès de béatification et de canonisation avec toutes sortes de moyens matériels. Et l'argent restait toujours. En fait, à cette époque, on disait même qu'avec l'argent de l'Opus Dei, le Vatican avait été sauvé de la faillite provoquée par le mafieux Monseigneur Marcinkus, seigneur de l’IOR. Jean-Paul II était leur pape et, pour cette raison, ils ont promu le «Totus tuus» durant sa vie et, après sa mort, le «santo subito».
Avec Benoît XVI, son âge d'or se poursuit, mais de manière plus discrète et plus subtile, occupant surtout les deuxième et troisième places dans les rangs de la Curie vaticane et des curies diocésaines à travers le monde. Soutenu par son grand soutien canonique : sa Prélature personnelle, unique et incessible. Un tiroir à part dans l'univers canonique complexe, qui les place au-dessus même des évêques diocésains et à l'abri de toute inconstance vaticane. Mais, avec l'arrivée du pape François sur le trône pontifical, l'Église a quitté le modèle impérial et le christianisme polonais, pour tenter d'être une Église sortante, samaritaine, plus laïque et moins cléricale. Et dans ce nouveau modèle, ni le statut ni la structure du Travail ne rentrent. Et le décret 'Ad charisma tuendum' du pape François est arrivé, pour les forcer à mettre de l'ordre parmi eux. Parce que le pape vient leur dire : vous avez un gros problème. D'une part, la Prélature est cléricale (c'est pourquoi elle dépend du dicastère pour le Clergé) et n'est pas assimilable à une Église diocésaine, mais 95% de ses membres sont des laïcs, qui coopèrent organiquement (?) avec la Prélature.
Comment résoudre ces incohérences ? La solution au problème est typiquement bergoglienne : je ne vais pas prendre tout le gâteau en le résolvant; faites-le vous-mêmes, en adaptant vos propres statuts et en décidant de ce que vous allez faire. C'est-à-dire si, sous mon contrôle, le pape vient dire, dans un de ses coups de maître auxquels nous sommes déjà habitués. En d'autres termes, l'Opus Dei doit développer son charisme de travail sanctifiant et moins se soucier d'exalter Monseigneur Escrivá et de prioriser son travail. Par exemple, l'autorité et la division du travail selon le sexe et les rangs académiques sont des éléments actuels en son sein, mais pas en accord avec les signes des temps ou avec ce que l'Évangile exige. Et ainsi de suite.
Bref, l'Opus perd son privilège d'exception, dans une Église où il ne peut y avoir de classes, car c'est une Église de frères et donc d'égaux, de «classe de troupes». Il était temps !
Merci !