L’Église fait trop confiance à l’Opus Dei
Publié le 8 Février 2013
La stratégie de Benoît XVI est d’utiliser l’Opus Dei qui a toute sa confiance dans le cadre de sa stratégie de mise au silence pour nettoyer la curie romaine suite au scandale Vatileaks. Ce n’est pas forcément une bonne stratégie, car Jean-Paul II avait fait tout autant confiance à l’Opus Dei, et il ne put éviter le scandale des prêtres pédophiles que l’Église voulait couvrir. Une confiance trop aveugle au vu de nombreux experts.
En 2002, Josémaria Escriva de Balaguer est canonisé en grande pompe à Rome. Peu connu du grand public, l’homme est pourtant le fondateur d’un ordre aussi célèbre que discret : l’Opus Dei. Depuis sa naissance en 1928, l’Opus Dei n’en finit pas de soulever des interrogations et des inquiétudes. Grandi à l’ombre du franquisme, il comprend dans ses rangs nombre de dignitaires, de banquiers, d’hommes d’affaires. Mêlé à plusieurs scandales politico-financiers de première importance, l’Opus Dei est une organisation plus ou moins secrète au service d’un catholicisme traditionnel dont l’influence s’étendrait à toutes les sphères. Qu’en est-il réellement ? L’Opus Dei est-il une menace ? Un groupe de pression ? Une association au service de la politique étrangère du Vatican ? Ou bien un ordre à la spiritualité originale et exigeante ? C’est tout cela à la fois.
Le jeune Escriva de Balaguer vécut la guerre civile en Espagne comme une lutte entre catholiques et communistes, en qui il voyait l'incarnation du mal. Sa vision du monde en fut déformée et, tout comme Pie XII, il minimisa l'horreur du nazisme, et même la gravité de l'holocauste, y voyant un rempart " providentiel " contre le communisme, Après avoir maintenu que le christianisme avait été sauvé du communisme par la prise de pouvoir du général Franco, Josémaria Escriva de Balaguer, fait une alliance entre son groupe avec le régime de Franco, conduisant plusieurs membres de l’Opus Dei à occuper des postes clés de son gouvernement. Quatre ans après la fin du Concile, Escriva déplorait un temps d'erreur dans l'Église, mais il aurait mieux fait de s'occuper de ses brebis galeuses, car une série de scandales financiers touchant des membres de l'Opus révéla au grand public les activités de "la sainte mafia " ou "la franc-maçonnerie blanche", comme l'appelle désormais ses détracteurs. Car derrière la fiction d'une association purement spirituelle gravite une nébuleuse de sociétés, de banques et de fondations, dirigées anonymement par des membres de l'Opus.
L'implication politique de l'Opus Dei va grandir dans plusieurs pays sud-américains en s’alliant avec la junte chilienne d’Augusto Pinochet qui avait des liens avec le Vatican. Beaucoup plus préoccupés de droit canon que de théologie, Escriva et ses disciples ont constamment manœuvré pour faire reconnaître à l'Opus le statut juridique qui lui convient le mieux. D'abord défini comme "pieuse union" réunissant des laïcs, l'Opus Dei est devenu, en 1947, le premier " institut séculier " de l'Eglise. Ensuite, Jean-Paul II donna au mouvement un statut unique dans l'Église qui en fait une «prélature personnelle». Elle renforça son influence avec la nomination du futur pape. Aux États-Unis, des liens étroits avec Ronald Reagan semblent s’être tissé. L'influence de l'Opus Dei dans l'ancien bloc de l'Est dans des pays comme la Hongrie, la République tchèque, la Lituanie, l'Estonie, la Pologne et le Kazakhstan était nette et actuellement l'Opus Dei travaille dans les coulisses de nombreux gouvernements aujourd'hui. L'Œuvre a infiltré également les organisations internationales, comme les Nations unies, l'Unesco ou l'OCDE.
Décrite comme une «sainte mafia» par ses détracteurs, "L'Œuvre", comme on le sait, a toutes les caractéristiques d'une secte : dissimulation excessive, des pratiques de recrutement douteuses, un mépris choquant pour les droits de l'homme, et un culte malsain pour son seul fondateur. La spiritualité de l'Œuvre s'appuie sur "la sanctification de la vie ordinaire", et c'est mû par cet idéal que l'on y entre. Pourtant, de nombreux membres la quittent en état de choc, psychologique, affectif et spirituel. Parmi ceux qui restent, beaucoup présentent des symptômes de dépression et d'épuisement chronique. Pourquoi ? L’Opus Dei est dans un phénomène d'absolutisation : l'organisation radicalise à l'extrême les principes traditionnels du christianisme jusqu'à les pervertir. Seule compte l'efficacité. Les jeunes sont embrigadés, l'exercice du pouvoir est dévoyé, l'annonce de l'Évangile se transforme en prosélytisme. Tout ce qui est étranger à l'Opus Dei est suspect, y compris dans l'Église. On est dans un système de contrôle social, d’une police des esprits régissant ce qui est permis et ce qui ne l’est pas, sans compter le dispositif visant à interdire la moindre démonstration d’émotion. L'accent exclusif mis sur " la sanctification par le travail " favorise le culte de la réussite matérielle et le règne du capitalisme libéral. Le théologien Urs von Balthasar a décrit l'Opus Dei comme "la plus forte concentration intégriste dans l'Église."
Dans les années 80, l'ancien responsable de l'Opus Dei, Alvaro del Portillo, a exhorté les membres de son organisation à utiliser la nouvelle "arme de l'apostolat", pour accroître l'expansion et le pouvoir de l'Opus Dei : il entendait par là "la vénération" du fondateur Josémaria Escriva de Balaguer. En 1992, Escriva fut béatifié et il fut canonisé en octobre 2002. Il est possible de le vénérer dans toutes les églises de la sphère catholique, partout dans le monde. D'autant que depuis de nombreuses années on enrobe de silence cette organisation, probablement la plus controversée de l'Église catholique, silence destiné à gommer des mémoires ses pratiques d'endoctrinement, sa manie du secret, et l'obéissance aveugle de ses membres. De la sorte l'Opus Dei a pu se répandre aisément aux quatre coins de la planète et au sein même du gouvernement central de l'Église catholique au Vatican, selon la méthode préconisée par Escriva "Exercer l'apostolat du prosélytisme dans le calme, lentement, au pas de Dieu... mais sans jamais interrompre l'œuvre quoi qu'il en coûte."
Elle occupe désormais de nombreux postes clés au sein de l’Église et du Vatican. Aujourd'hui l'influence de cette organisation secrète dans le gouvernement central de l'Eglise catholique est telle qu'elle se renforce sous le pontificat de Benoit XVI. L'Opus Dei apparaît bel et bien comme le fer de lance de la restauration catholique impulsée par Jean-Paul II.
Laissons conclure l'ancien évêque auxiliaire de Rome, Mgr Pietro Rossano, qui lançait cet avertissement, quelques jours avant sa mort: "L'Église est en état de péché grave parce qu'elle s'occupe de pouvoir, et parce qu'elle est occupée par le pouvoir, à savoir par Satan. Cette occupation a lieu à cause, tout spécialement, de l'Opus Dei. J'estime que c'est un devoir pour chaque chrétien de lutter pour chasser de l'Église un tel péché."
Merci !