La fête de l'Ascension, en route vers la fin du temps pascal

Publié le 6 Juin 2011

 
La fête de l'Ascension, en route vers la fin du temps pascalLa fête de l'Ascension est une des fêtes mobile du calendrier chrétien, quelque soit sa confession et sa divergence de calendrier, comme les trois grandes du temps pascal. Elle célèbre, seul élément d'unité, la montée au ciel de Jésus 40 jours après Pâques, dans la grande continuité des célébrations pascales qui s'achève 50 jours après Pâques à la Pentecôte, à laquelle je consacrerai mon prochain article. Les termes latins utilisés pour la fête, Ascensio et, parfois, ascensa, signifient que le Christ a été élevé par ses propres forces, et c'est à partir de ces termes que le jour saint tire son nom. Toutefois, le Common Book of Prayer de l'Église anglicane parle de « Jeudi saint » qui est un nom alternatif pour l'Ascension. Dans l'Eglise d'Orthodoxe cette fête est connue sous le nom grec d'analepse, la «prise», et aussi d'Episozomene, le «salut d'en haut», indiquant que, en remontant dans sa gloire le Christ a achevé les travaux de la rédemption de tous les hommes. Et c'est un jour d'obligation, donc chômé, pour l'Église catholique. Cette fête, selon le calendrier orthodoxe, est aussi une des trois fêtes pour qui une autorisation d'absence peut être accordée par le chef de service pour les personnes qui travaillent dans la fonction publique en France.
 
Cependant, il convient d'abord de se poser la question de savoir si le récit de l'Ascension existait au sein de la chrétienté primitive. Paul de Tarse, qui parle des récits d'apparition de Jésus après sa résurrection dans la Première Épître aux Corinthiens (15, 3-8) l'ignore, et suggère même que Jésus continue à apparaître de son temps (15, 6 et 8). Un fait que l'ont peut retrouver dans les Actes des Apôtres ou le diacre Étienne et Paul de Tarse ont vu Jésus. D'ailleurs le Kérygme primitif du Christianisme, qui se retrouve dans les Actes des Apôtres dans la bouche du chef des Douze et des apôtres, Simon-Pierre et Paul : « Ce Jésus, Dieu l'a ressuscité, ce dont nous, nous sommes tous témoins. »
Même le récit de l'évangile de Luc et des Actes des Apôtres se contredit sur de nombreux points, et en particulier de son équivalent de l'évangile de Matthieu, qui a sur certains points un plus haut degré d'authenticité, puisqu'il reprend quelques faits que l'on retrouve dans les plus anciens récits d'apparition.
Toutefois, l'introduction du récit des Actes des Apôtres a pour lui une certaine authenticité. Il suggère que Jésus aurait préparé les disciples sur une longue période. Mais probablement pas 40 jours, cette durée est purement symbolique, et est une référence à Moïse qui mourut sur le Mont Nébo où il laissa son testament spirituel. On devrait plutôt choisir une durée entre 1 ou 2 ans, jusqu'à la fête de Pentecôte dont on parle dans les Actes des Apôtres. On ne peut guère reconstituer ce que Jésus aurait réellement dit à ses disciples. Un passage de Actes 1, 6 pourrait être authentique du fait du critère d'embarras tel que le montre son contenu : « ... ils l'interrogeaient ainsi : " Seigneur, est-ce maintenant, le temps où tu vas restaurer la royauté en Israël ? " » Jésus aurait donc préparé ses disciples à prêcher l'émergence du Royaume des Cieux tout comme il l'avait fait de son vivant. Simon-Pierre, les Douze, les Sept Diacres et Paul de Tarse croyait ainsi qu'il ne mourrait pas avant d'avoir vu le Royaume, tel que le montre les passages de Marc 9, 1 ; Luc 22, 28, 30 ; Matthieu 19, 28 et 1Thessaloniciens 4, 15, 17 ; 5, 9.
Actes 1, 13-14 montre que cette préparation a passé également par une organisation plus claire de la communauté : « Tous d'un même cœur étaient assidus à la prière avec quelques femmes, dont Marie mère de Jésus, et avec ses frères. » Mais le rôle de la famille de Jésus semble avoir été profondément diminué par l'évangéliste Luc, sans doute en conflit avec eux, surtout si l'on se reporte à ce que nous rapporte les évangiles apocryphes et les Pères de l'Église à leur sujet. Ainsi, dans l'Évangile de Thomas, un passage (le dit n°12) pourrait nous renseigner à ce sujet : « Les disciples dirent à Jésus : Nous savons que tu nous quitteras, qui se fera grand sur nous ? Jésus leur dit : Où que vous alliez, vous irez vers Jacques le juste pour qui le ciel et la terre ont été créées. » Ce qui pourrez expliquer ce que rapporte le passage du 6ème livre des Hypotyposes de Clément d'Alexandrie : « Pierre, Jacques et Jean (de Zébédée) après l'ascension du sauveur, en tant que particulièrement honorés par le Sauveur, ne revendiquèrent pas pour eux cet honneur mais choisirent Jacques le juste comme évêque de Jérusalem. » Et ce que rapporte Eusèbe de Césarée à son sujet : « Jacques, frère du Seigneur, succéda à l'administration de l'Église avec les autres apôtres. » (Histoire Ecclésiastique II, 23, 4). Une communauté fondée autour de quatre personnes principales, mais qui ne sont pas alors encore qualifiés de « colonnes », avec des rôles bien répartis probablement, sans que l'on puisse en dire plus à part que Jacques, frère de Jésus et Simon-Pierre était les dirigeants principaux de la communauté, le premier en tant que frère de Jésus et donc que régent, et le second, ayant été choisi par Jésus pour être son principal ministre. C'est ce que pourrait démontrer le passage de Matthieu 16, 17-19, et en particulier le v. 19 : « Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié. » Qui est une reprise d'Isaïe 22, 22, où il prophétise la promotion d'Élyaqim fils de Hilqiyyahu, qui devint le maître du palais du roi de Judée, Ezéchias : « Je mettrai la clé de la maison de David sur son épaule, s'il ouvre, personne ne fermera, s'il ferme, personne n'ouvrira. » Ce rôle de maître de palais du roi en faisait un des hommes les plus importants du royaume. D'après Hyam Macoby ce passage serait authentique, même si comme la plupart des spécialistes, je le placerai après la Résurrection de Jésus, probablement au moment de la réorganisation de son mouvement.
Dans ce contexte, Jésus ressuscité reconstitue son mouvement de réveil spirituel. Après tout, il anticipe la venue du Fils de l'homme, qui d'après Geza Vermes, serait en fait une représentation collective du peuple juif purifié qui jugera l'humanité, à la droite du Tout-Puissant, et dont il serait l'élément précurseur en position de médiateur en tant que Messie.
La fête de l'Ascension, en route vers la fin du temps pascalDe plus, le récit tout comme les apparitions de Jésus aux disciples, tel que le montre Matthieu, se serait plutôt déroulé en Galilée, non à Béthanie, dans la zone de domination directe romaine, et dans une certaine atmosphère de clandestinité propre à des mouvements de Résistance, tel qu'on les a connut en France, agissant dans l'ombre. Le passage correspondant de Matthieu 28, 16 semble être une référence favorable à cette théorie : « ...ils se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait donné rendez-vous. » De même, le fait que Jésus, dans des manuscrits plus anciens de l'évangile de Luc et des Actes des Apôtres, n'était pas enlevé au ciel mais « disparaissait au milieu d'eux », donc retourner à la clandestinité un peu à la manière du récit des pèlerins d'Emmaüs. Où ? D'après les disciples : « à la droite de Dieu », d'où il reviendra dans la gloire, à l'image de ce qu'on lit dans les Apocalypses des Synoptiques. Il n'y avait donc pas à l'origine d'élévation au ciel ni présence des deux anges comme dans le récit de l'évangile de Matthieu et de celui de Luc. Ses disciples doivent donc témoigner de ce fait : «à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités d'Israël ». En effet, d'après Daniel Schwartz, et dans ce que l'on voit dans le récit de la Pentecôte, c'est le peuple juif qui était visé par la première prédication chrétienne. Car c'est le peuple régénéré d'Israël, image du Fils de l'homme, qui devait faire revenir les païens à Dieu. La Pentecôte s'avère donc essentielle, car c'est une fête de pèlerinage où seront présents tous les fils d'Israël, dont ceux de la Diaspora. Si l'on suit les Actes des Apôtres, cet événement aurait eu lieu avant la fête, la veille. Ce qui est probable.
Mais Jésus, tel que le témoigne le passage de Matthieu 28, 20, qui n'est probablement pas authentique : « Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde », démontre que les apparitions de Jésus dans les communautés judéo-chrétiennes continuaient dans les années 80-90. Ainsi, d'après 1 Corinthiens 15, 3-8, Jésus serait apparut à 500 personnes à la fois, à d'autres apôtres, proche probablement des frères de Jésus et à Paul. Et dans le livre de l'Apocalypse, rédigé dans les années 90, au visionnaire Jean de Patmos. Une église inspirée qui attendait avec ferveur la seconde Venue du Messie et ce jusqu'à peu près le IIIe siècle, avec l'échec du Montanisme. Mais à la fin du Ier siècle, vers les années 80-90, certaines communautés, dont celle de l'évangéliste Luc, ne bénéficient peut-être plus d'apparition du Christ et commence à manquer de patience face au retour de ce dernier. La réponse face à cette déception aura été de réinterpréter le fait que Jésus était dorénavant « assis à la Droite de Dieu » et que donc il avait été enlevé au Ciel. La même réponse que celle des communautés, où furent rédigés entre 90 et 140, l'épître aux Ephésiens (4, 7-13), la première épître de Pierre (3, 21-22) et la première épître à Timothée (3, 16), à peu au même moment que l'évangile de Luc et les Actes des Apôtres. Le passage des évangiles de Matthieu et de Luc : « l'on ne connaît ni le jour ni l'heure », serait datable de la même période et probablement rédigé dans les mêmes circonstances. Le Christianisme s'est donc adapté à un état de fait dès les années 80-90 à 140 que le Royaume des Cieux ne soit pas venu tout comme l'avait promis Jésus. L'Apocalypse, qui conservait l'espérance en un retour immédiat de Jésus, ne serait peut-être en fait qu'une réponse à cette déception au sein d'une communauté, probablement celle d'Ephèse, où l'inspiration prophétique survivait, à l'image du visionnaire Jean de Patmos. D'ailleurs, c'est au sein des communautés orientales, notamment à Rome, tel que le montre le Pasteur d'Hermas, que se trouvèrent les derniers bénéficiaires d'apparitions.
 
La fête de l'Ascension ne se mit en place que bien plus tard, même si selon Augustin d'Hippone (354-430) cette fête remonterait aux temps apostoliques, mais la même chose était revendiquée pour la fête de Pâques pour lui donner une caution historique. Dans les faits, elle ne semble être apparue que vers le IIIe siècle, où elle était alors fêtée avec la Pâques et la Pentecôte, mais ceci semble avoir connu une modification de son calendrier tel que le prouve le concile d'Elvire (vers 300) qui condamna la pratique de cette fête le 40e jour, car elle était semble-t-il fêté en même temps que la Pentecôte. Sa pratique ne semble s'être généralisée que dans le dernier quart du IVe siècle, entre 375 et 400, tel que le démontre les attestations de Jean Chrysostome, Grégoire de Nysse et dans les Pérégrinations d'Égérie (381-384). Cette dernière nous apprend qu'à Jérusalem, l'Ascension était fêtée lors de la troisième étape des festivités de la Pentecôte qui avait lieu au mont des Oliviers. « Une fois donc qu'on est arrivé sur le mont des Oliviers, c'est à dire à l'Eléona, on va d'abord à l'Imbomon, c'est à dire à l'endroit d'où le Seigneur est monté aux cieux ; et là, l'évêque s'assied ainsi que les prêtres, tout le peuple s'assied, on fait des lectures, on dit des hymnes qu'on intercale, on dit aussi des antiennes appropriées au jour et au lieu ; de même les prières intercalées expriment toujours des pensées qui conviennent au jour et au lieu ; on lit aussi le passage de l'évangile qui parle de l' Ascension du Seigneur ; on lit en outre celui des Actes des Apôtres qui parle de l' Ascension du Seigneur dans les cieux après sa résurrection. » (Chapitre 43,5). Celle-ci était précédée d'une vigile, qui avait lieu dans la nuit, et qui était suivit le lendemain par une procession sur le Mont des Oliviers. Mais on ne trouve trace d'un sanctuaire, formé d'un double portique entourant une rotonde dépourvue de toit pour laisser le ciel visible, situé sur le lieu de l'Ascension du Christ, qu'en 670 mentionné par le moine Arculfe. C'est dans l'église de la Sainte Ascension, bâtie par les Croisés sur le mont des Oliviers et prise en 1187 par Saladin qui la transforma en la mosquée que l'on connaît aujourd'hui, que se trouverait l'empreinte traditionnelle du pied de Jésus dans la pierre, au lieu présumé de son Ascension qui eut lieu à midi selon la tradition. Chaque année, les musulmans permettent aux différentes confessions chrétiennes d'y célébrer la Fête de l'Ascension. Une belle preuve d'œcuménisme.
A l'Ascension, déjà lors du voyage d'Égérie, outre les rites ordinaires, on faisait, au cours de l'office liturgique, la bénédiction solennelle du pain et des fruits de la terre.
 
La fête de l'Ascension, en route vers la fin du temps pascalA partir du Ve siècle elle devient une fête séparée. Dans un sermon sur l'Ascension, le pape Léon Ier le Grand (440-461) déclare : « Aujourd'hui est accompli le nombre de quarante jours qui avait été disposé par un arrangement très saint, et qui avait été dépensé au profit de notre instruction ». Il atteste ainsi qu'à l'époque l'Ascension était bien célébrée quarante jours après la résurrection à Rome.
Mamert, évêque de Vienne sur le Rhône de 462 à 476, institua vers 470 les Rogations, trois jours avant l'Ascension, pour détourner des calamités qui s'abattaient dans le Dauphiné à cette époque (notamment séismes, incendies et bêtes féroces), et qui furent étendue à toute la Gaule lors du concile d'Orléans (511). Celles-ci précédaient la fête de l'Ascension et allaient du dimanche au mercredi inclus. Le mot rogations vient du latin « rogare » qui veut dire « demander ». Les rogations étaient une période de jeûne pour se préparer à la célébration de l'Ascension. Pendant ces journées, les prêtres bénissaient aussi les cultures pour les préserver des calamités au cours d'une procession : pour les fenaisons, les moissons, les vendanges, d'où la raison des trois jours de la célébration. Les processions qui accompagnaient ces journées sont appelées des Litanies mineures. L'origine païenne en est évidente car, lorsque Mamert les mis en place, les rogations ont pris la place, dans le calendrier, de la fête romaine des robigalia, célébrations cultuelles pour la protection des céréales contre la rouille qui se déroulaient le 6e jour avant les calendes de mai.  
Dans son Histoire des Francs, Grégoire de Tours (538-594) fait mention d'une procession qui avait lieu ce jour-là dans presque toutes les églises, en mémoire du voyage des apôtres accompagnant le Sauveur de Jérusalem au Mont des Oliviers et revenant de la montagne au cénacle. La messe de la vigile de l'Ascension est aussi indiquée dans certaines listes romaines du milieu du VIIème siècle, mais elle est antérieure aux Rogations introduites à Rome en 816 sur l'initiative du pape Léon III, qui généralisa cette tradition à l'ensemble de l'Eglise romaine.
Une coutume de certaines paroisses anglaises et galloises, celle de « battre les limites » apparaît au même moment dans les lois d'Alfred le Grand (878-899) et d'Athelstan (924/925-939), qui sont un équivalent britannique des Rogations. Elle consistait à une procession autour des limites de l'église, conduite par le curé de la paroisse et de représentants de l'Eglise, afin de les faire connaître aux fidèles, à une période où le cadastrage n'était pas très développé, et procéder au cours de cet office aux Rogations. L'origine païenne du rite est indéniable, car ce pourrait être une christianisation des Terminalia romaine, célébrée le 23 Février en l'honneur de Terminus, le dieu gardien des bornes, à qui des gâteaux et du vin ont été offerts, et des sports et de la danse se déroulaient devant les bornes.
A Rome au Moyen Age, le jeudi de l'Ascension comportait deux processions : le matin on allait de Saint Pierre à la basilique du Latran et en fin de matinée on allait du Latran à un sanctuaire hors de la ville. Mais la célébration prenait également une couleur particulière avec un certains nombres de coutumes. Cette période avait toujours été riche en fêtes agraires liées au mûrissement de la végétation. Cavalcades, courses équestres, jeux vont se multiplier : le martèlement du sol était lié à la fertilité.
Ainsi, l'ancienne reconnaissance à cheval des bordures d'un territoire se poursuit encore en Suisse ou en Allemagne. Des centaines de cavaliers, aux chevaux parfois parés, se réunissent aussi à l'occasion de pèlerinages ou de processions.
De même, les moldaves, orthodoxes, ont conservé des coutumes particulières pour cette fête qu'ils appellent « Ipsas ». Les femmes apportent à l'église des gâteaux aux noix, des gimblettes, ainsi que des œufs peints pour les faire bénir et en faire ensuite aumône. Le samedi qui précède la fête, les chrétiens orthodoxes se dirigent vers les tombeaux de leurs proches et ils y font l'aumône. A la veille du jeudi de l'Ascension, les jeunes filles plantent des fleurs, car on dit que c'est un temps très propice pour la plantation : les plantes s'élèveront vers les cieux, pareilles au Christ. La veille, aux crépuscules, les gars et les filles vont dans la forêt cueillir des fleurs d'aulne qui s'épanouissent et se fanent cette même nuit. Ces fleurs sont cherchées pour leurs propriétés curatives et aussi... miraculeuses : elles servent à préparer des tisanes d'amour. Le jeudi de la fête, les gens vont cueillir et font bénir des plantes médicinales.
La fête de l'Ascension, en route vers la fin du temps pascalLa signification de la fête à Venise était, elle, plus politique que religieuse. Le jour de l'Ascension, le jour de la fête du jeudi de l'Ascension on célèbre à Venise La Senza qui commémorait l'expédition du Doge Pietro II Orseolo sur les côtes de Dalmatie, qui apporta à Venise la maîtrise de l'Adriatique en l'an 1000. La fête de la Senza fut instituée en 1173. Embarqué sur une prestigieuse galère dorée richement parée le Doge quittait la lagune pour la mer et procédait aux épousailles (sposalizio del mare). Il jetait dans l'eau un anneau d'or et prononçait la déclaration : « Je t'épouse, ô mer, en signe de vraie et perpétuelle domination » Puis le Doge entrait dans la Basilique Saint Marc pour une messe solennelle, entouré de tous les prélats et des chœurs qui glorifiaient le Seigneur. La tradition de la sortie en mer et de la messe solennelle du jour de l'Ascension existe toujours aujourd'hui, désormais sans la présence du Doge, mais en présence du Maire de Venise.
Á l'image des processions anglaises, tout aussi politiques, car il était de coutume en Angleterre de porter à la tête de la procession la bannière portant le dispositif du lion et au pied la bannière du dragon, pour symboliser le triomphe du Christ sur le Mal dans son Ascension, mais qui peut-être également être interprétée par analogie comme une célébration du triomphe de l'Angleterre sur le Pays de Galles en 1282 sur un champ de bataille, avec la victoire d'Édouard Ier sur Llywelyn le Dernier, le dernier prince indépendant.
Á Florence, la fête mettait aussi en valeur la richesse et le prestige de la cité car elle était observée en faisant glisser une colombe le long d'une chaîne à partir du maître-autel de la cathédrale pour déclencher la décoration du grand récipient, rempli feux d'artifice, en face de l'entrée principale de la cathédrale.
Avec ces exemples, les Rogations françaises paraissent bien mineures.
Mais des décorations plus modestes avaient aussi cours pour célébrer le Christ et non sa cité. Ainsi, dans certaines églises à travers l'Europe, la scène de l'Ascension était reproduite par l'élévation de la figure du Christ sur l'autel par une ouverture dans le toit de l'église. Dans d'autres églises, tandis que la figure du Christ était en train de monter, celle du Diable descendait.
Depuis le XVe siècle, l'Ascension comporte également une octave, c'est-à-dire une semaine de huit jours, ce qui est mis à part pour une neuvaine de préparation à la Pentecôte, en conformité avec les directives du pape Léon XIII. Mais celle-ci n'est plus appliquée aujourd'hui par les catholiques comme je le montrerai plus bas.
En France, suite au Concordat (1801) signé entre Bonaparte et le pape Pie VII, l'Ascension est resté, depuis 1802 l'une des quatre fêtes d'obligation avec Noël, l'Assomption et la Toussaint. Coïncidant avec la fête liturgique, l'Ascension est aussi le jour de la commémoration annuelle par le mouvement ouvrier chrétien (notamment syndicales, en Belgique) de l'encyclique Rerum Novarum émis par l'Église catholique romaine le Pape Léon XIII le 15 mai 1891.
La fête de l'Ascension, en route vers la fin du temps pascalL'obligation légale de jour chômé a été maintenue en France en 1905 lors de la renégociation des relations entre l'Etat français et l'Eglise catholique suite à la mise en place de la Loi de séparation de l'Église et de l'État. Ce qui est l'occasion pour certains de faire un grand pont jusqu'au Lundi suivant, mais ce n'est pas la norme. Il faut savoir que le Jeudi de l'Ascension est également un  jour férié dans beaucoup d'autres pays, par exemple en Allemagne, en Autriche, en Belgique, au Danemark, en Finlande, en Islande, au Liechtenstein, au Luxembourg, en Norvège, aux Pays-Bas, en Suède, en Suisse, au Burundi, à Madagascar, en Namibie, en Colombie, à Haïti, en Indonésie, au Vanuatu, etc. L'Allemagne célèbre aussi sa fête des Pères à la même date. Mais on trouve, par exemple en Europe, quelques exceptions, tel en Espagne, en Hongrie, en Italie, en Grèce et au Portugal
Avant la Réforme de 1951 la liturgie romaine demandait d'éteindre le cierge pascal après la lecture de l'évangile de la messe de l'Ascension et jusqu'au samedi avant la pentecôte pour symboliser que Jésus-Christ est monté au ciel et n'est plus visible aux yeux des hommes. Maintenant c'est après la Pentecôte. Le cierge pascal, qui était dans le sanctuaire pendant le temps pascal, est placé auprès des fonts baptismaux.
Les Églises anglicanes supprimèrent, elles, les Rogations en 1976. Cependant, en cette période actuelle de sécheresse, les Rogations semblent revenir à la mode en France alors qu'elle n'avait pas été pratiquée depuis un siècle, tel que le montre l'initiative du père Cyprien dans le Beauvaisis. De même, la coutume anglaise, consistant à « barrer les limites » qui sembla menacée par l'interdiction d'Elisabeth Ière en 1559, ne fut pourtant pas abandonné partout et commencèrent à se généraliser en 1856-1858 et est aussi célébrée aux États-Unis dans le New Hampshire. C'est peut-être une des raisons de l'interdiction des Rogations, car elle se déroule au cours de celle-ci et aussi peut-être parce que c'est coutume traditionnelle anglaise.
Le missel romain 2002 prévoit aussi « L'Ascension du Seigneur est célébrée le quarantième jour après Pâques, à moins que, là où elle n'est pas de précepte, elle ne soit reportée au VIIe dimanche de Pâques » (Titre II II-25). En effet, l'Eglise catholique romaine dans un certain nombre de pays a obtenu l'autorisation du Vatican pour déplacer le respect de la Fête de l'Ascension du traditionnel jeudi au dimanche suivant, le dimanche avant la Pentecôte. Ceci est conforme avec une tendance à déplacer les fêtes d'obligation de la semaine au dimanche, pour encourager plus de catholiques à observer les fêtes considérées comme importantes. Le déplacement au dimanche a été faite en 1992 par l'Église en Australie ; avant 1996 dans certaines parties de l'Europe; en 1996 en Irlande ; avant 1998 au Canada et des parties de l'ouest des États-Unis; dans plusieurs autres provinces aux États-Unis à partir de 1999 ; et en Angleterre et au Pays de Galles à partir de 2007. Les diocèses des États-Unis qui conservent le respect du jeudi en 2009 sont Boston, Hartford, New York, Newark, Omaha, et Philadelphie.
 
L'Ascension est ainsi l'une des fêtes les plus importantes du calendrier chrétien, et même l'une des douze plus importantes de celui orthodoxe.
Les célébrations catholiques et orthodoxes commencent la veille par une vigile ou veillée de l'Ascension. Chez les catholiques, on chante à cette occasion le Gloria in excelsis. Mais actuellement, on préfère plutôt la remplacer par une messe anticipée le mercredi soir. Ce qui n'est pas le cas des orthodoxes, où la vigile de l'Ascension, qui est une veillée qui dure toute la nuit, tout comme celle de Pâques. Le mercredi qui suit le cinquième dimanche après Pâques est, en effet, le jour où, selon la terminologie liturgique, on « prenons congé » de la fête de Pâques, l'apodose. Trois leçons de l'Ancien Testament, le Paroemia, sont lues aux vêpres de l'Ascension, le mercredi soir. La première leçon (Isaïe 2, 2-3) nous parle d'une montagne : « Il adviendra dans l'avenir que le mont du Temple du Seigneur sera établi au sommet des montagnes... Toutes les nations y afflueront... Venez, montons à la montagne du Seigneur ». C'est une allusion au Mont des Oliviers, d'où Jésus s'éleva vers son père. La deuxième leçon (Isaïe 62, 10 – 63, 3, 7-9) a été choisie à cause des paroles suivantes : « Franchissez, franchissez les portes ! Frayez un chemin au peuple... Dans son amour et sa pitié, lui-même les racheta ; il se chargea d'eux, les porta... ». Jésus montant aux cieux ouvre les portes à son peuple, lui prépare la route, le porte et l'élève avec lui. La troisième leçon (Zacharie 14, 1, 4, 8-11) est encore une allusion au mont qui fut la scène du triomphe final de Jésus : « Voici qu'un jour vient pour le Seigneur... Ses pieds, en ce jour se poseront sur la montagne des oliviers, qui fait face à Jérusalem du côté de l'Orient... En ce jour-là, des eaux vives sortiront de Jérusalem... ».
Les matines de l'Ascension sont déjà, dans leurs chants, pleines d'allusions à l'Esprit consolateur que Jésus va envoyer. En effet, l'Ascension prélude à la Pentecôte dans les trois grandes confessions chrétiennes.
La fête de l'Ascension, en route vers la fin du temps pascalLa messe de l'Ascension du Seigneur est une messe solennelle, pendant laquelle les Chrétiens ressentent une grande allégresse parce que Jésus va entrer au Ciel comme un triomphateur dans la gloire de Dieu, Son Père, après nous avoir délivrés de la mort et du péché par sa mort et sa Résurrection. Ce qui est également renforcé dans l'Église orthodoxe par la commémoration des Saints Martyrs de Perse (XVIIe – XVIIIe siècles). La couleur des ornements liturgiques (vêtements du prêtre et ornements de l'autel) est le blanc, couleur qui représente dans l'Église la lumière et l'allégresse.
Dans l'Église catholique, les prières de la messe du jour de l'Ascension de Jésus-Christ mettent en valeur la signification de l'Ascension. Elles expriment la participation des Chrétiens à la montée du Christ au ciel comme le montre la prière d'ouverture de la messe : « Dieu qui élèves le Christ au-dessus de tout, ouvre-nous à la joie et à l'action de grâce, car la montée au ciel de ton Fils est déjà notre victoire : nous sommes les membres de son corps, il nous a précédés dans la gloire auprès de toi, et c'est là que nous vivons en espérance. » Il en est de même, au sein de l'Église orthodoxe, pour la prière d'ouverture de la messe, qui sera aussi récité tout au long de l'Octave de l'Ascension : «O Dieu Tout-puissant, nous Te supplions de nous accorder Ta grâce, à nous qui croyons que Ton Fils unique Jésus-Christ, notre Seigneur, est monté aux Cieux, d'y monter aussi cœur et âme, et de demeurer continuellement avec Lui, Qui vit et règne avec Toi et le Saint Esprit, Dieu Un, pour les siècles des siècles. »
La fête de l'Ascension, en route vers la fin du temps pascalLes lectures se rapportent toutes à l'événement de l'Ascension. Dans la liturgie orthodoxe, la Divine liturgie est composée d'abord par le début du livre des Actes des Apôtres (1, 1-12), où Jésus, après un dernier entretien avec ses apôtres, s'élève et disparaît dans un nuage. Ensuite, par l'évangile de la liturgie (Luc 24, 36-53) reprend le récit des événements depuis la première apparition de Jésus ressuscité à l'assemblée des disciples et continue ce récit jusqu'à l'ascension proprement dite. Dans la liturgie catholique, en première lecture de la messe de l'Ascension, on a toujours le récit des Actes des apôtres sur l'évènement de la montée au ciel (Actes 1, 1-13), tout comme les orthodoxes. Ensuite, l'épître du Pseudo-Paul Apôtre aux Éphésiens (1, 17-23). L'évangile de la messe de l'Ascension varie sur le cycle de 3 ans, ce qui fait que les sujets d'homélies du jour de l'Ascension sont assez divers. Pour l'Année A (2011, 2014, 2017), c'est l'évangile de Matthieu 28, 16-20, où Jésus n'est pas enlevé au ciel, pour l'Année B (2009, 2012, 2015), le récit de l'annexe de Marc 16, 15-20, et pour l'Année C (2010, 2013, 2016), Luc 24, 46-53, où dans les deux récits, Jésus est enlevé au ciel, même si l'annexe de Marc semble plutôt résumer les récits des apparitions des autres évangiles, à part quelques exceptions. Ces récits ont une vocation universaliste, par l'appel de Jésus à convertir les Nations. Le principe est identique dans la liturgie orthodoxe, qui est suivit par l'homélie de Grégoire le grand sur les évangiles.
Les homélies de la messe de l'Ascension sont différentes dans la liturgie catholique, selon les années A, B et C parce que les lectures de la messe de l'Ascension sont différentes. Mais actuellement les homélies de l'Ascension commentent souvent cette parole « Pourquoi restez-vous ainsi à regarder le ciel ? » Afin d'expliquer que Jésus n'est pas monté au ciel comme une fusée, mais que ce départ a été le développement de tout son enseignement, où il sera dorénavant notre médiateur. Les Protestants, notamment luthériens et anglicans, au cours de leur homélie, font de même. On pourrait y voir une certaine forme d'œcuménisme. Mais dans les faits, cela viendrait peut-être du fait que l'Ascension pose aussi problème aux protestants, comme nous le verrons plus bas. La liturgie catholique se poursuit par la prière eucharistique, ainsi que par la bénédiction finale, sont également propres à la liturgie de l'Ascension.
La formule de salut utilisée par les orthodoxes le jour de l'Ascension, après la célébration, est « Le Christ s'est élevé », la réponse y étant « En vérité, il s'est élevé », qui met alors fin au salut pascal, « Le Christ est ressuscité » , auquel on répondait « En vérité, il est ressuscité », qui a été sur toutes les bouches pendant les 39 jours que durèrent les festivités pascales.
Toutefois, la fête de l'Ascension est de toutes celles du calendrier chrétien la moins célébrée chez les protestants, plus particulièrement réformés. Plusieurs paroisses la suppriment purement et simplement, ou bien la remplace par une sortie paroissiale. La principale raison de cette désaffection est à trouver dans le caractère mythologique d'un événement qui, il est vrai, n'occupe pas une place importante dans les textes évangéliques.
Les huit jours, suivant la fête, forment l'Octave de l'Ascension. Cependant, en 1955, le Décret de simplification des rubriques a supprimé l'Octave de l'Ascension de la liturgie catholique. Les jours dans l'octave sont devenus des fériés du Temps pascal, où l'on reprend la Messe de l'Ascension sans Credo ni Communicantes propre. Au bréviaire, l'Office est réduit à la lecture de l'Écriture occurrente (ancien premier nocturne des Matines), la psalmodie est celle du jour de la semaine et non plus celle du Jour de l'Ascension. Le Code des Rubriques de 1960 a entériné cet état de fait. Toutefois, comme auparavant, le Dimanche, qui suit l'Ascension, nous prépare à la Pentecôte, à l'image des disciples de Jésus réunit dans le Cénacle après l'Ascension, qui se préparaient à leur nouvelle mission par la prière, et qui constitue la première lecture de ce jour, tiré d'Actes 1, 12-14.
Par contre, la liturgie orthodoxe a conservé ces huit jours de festivité après l'Ascension. Le dimanche après l'Ascension est le dimanche des Saints Pères des six premiers conciles œcuméniques depuis le concile de Nicée en 325 car leur enseignement a bien défendu les deux natures, divines et humaine, en Christ, ainsi que la consubstantialité du Fils avec le Père, confirmée par l'Ascension du Christ, tel que l'a formulé le Credo de Nicée jusqu'à ces mots: «Il (Jésus) est monté aux cieux, est assis à la droite du Père, et viendra de nouveau, avec la gloire, pour juger les vivants et les morts; son règne n'aura pas de fin. » La période de la fête se termine le vendredi précédant la Pentecôte. Le lendemain, est communément le samedi de la mort, une commémoration générale de tous les fidèles défunts, un équivalent de la fête des défunts de l'Église catholique qui a lieu le 2 novembre, le lendemain de la Toussaint.
Mon prochain article sera consacré à la fête de la Pentecôte.
                                                                                                                                                                                                       Freyr1978

Rédigé par paroissiens-progressistes

Publié dans #Culture biblique

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