La semaine sainte : des rameaux à Pâque (4ème partie)

Publié le 24 Avril 2011

Je continue sur ma progression avec cet article sur le jour qui termine la Semaine Sainte, c'est-à-dire le Samedi Saint, que les orthodoxes appellent le Grand Samedi.
 
Le Samedi saint est le troisième jour du Triduum pascal, mais constitue également le point de passage vers Pâques.
Le Samedi saint est appelé le Grand Sabbat selon un usage ancien qui remonte aux Pères de l'Église. Ce jour-là en effet, le jour qui précède le dimanche de Pâques, est la commémoration de repos dans la mort de Jésus à l'intérieur du tombeau et de sa descente dans l'abîme avant que sa résurrection n'établisse un jour nouveau et une semaine nouvelle, qui donna naissance à la fête de Pâques chrétienne.
 
Toutefois, le fait que Jésus soit mort rapidement et ait été enterré dans le tombeau a donné naissance à quelques théories saugrenus si l'on tient compte du fait que les Romains avaient très bien paufiné le supplice de la crucifixion et s'assurait toujours que le crucifié était bien mort en lui perçant le cœur, tel que le montre l'évangile de Jean au sujet de Jésus, sinon Pilate ne l'aurait pas remis au Sanhédrin. D'après celles-ci, Jésus serait tombé dans un coma prolongé et se serait réveillé le jour de Pâques grâce à la fraîcheur du tombeau. Si on ne tient pas compte des théories qui accusent les disciples d'avoir volé le corps pour faire croire à sa Résurrection, théorie que tentera de remettre en cause l'évangéliste Matthieu en créant l'épisode de la garde devant le tombeau. En effet, il ne se trouve que dans cet évangile. C'était pourtant une pratique semble-t-il courante alors car l'empereur Claude (41-54) l'interdira par un senatus-consulte qui a été affiché en Palestine. Mais les disciples, si l'on suit les récits, semblent d'abord ne pas croire à la Résurrection, tel que le montre ce que diront les disciples d'Emmaüs, probablement des membres de la famille de Jésus, encore à leur déception de l'échec de Jésus :
« Ce qui concerne Jésus le Nazarénien, qui s'est montré un prophète puissant en œuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple, comment nos grands prêtres et nos chefs l'ont livré pour être condamné à mort et l'ont crucifié. Nous espérions, nous, que c'était lui qui allait délivrer Israël ; mais avec tout cela, voilà le troisième jour depuis que ces choses sont arrivées ! Quelques femmes qui sont des nôtres nous ont, il est vrai, stupéfiés. S'étant rendues de grand matin au tombeau et n'ayant pas trouvé son corps, elles sont revenues nous dire qu'elles ont même eu la vision d'anges qui le disent vivant. Quelques-uns des nôtres sont allés au tombeau et ont trouvé les choses tout comme les femmes avaient dit ; mais lui, ils ne l'ont pas vu ! »
Étrange pour des gens qui aurait volé le corps de Jésus, car ils sont surpris par l'annonce du fait que le tombeau est vide à tel point, qu'à l'annonce des femmes, des disciples iront vérifier le fait. Il faut se rappeler que le témoignage de ces dernières n'avait aucune valeur devant un tribunal à l'époque de Jésus. De plus, ensuite, les disciples rentrent tous chez eux, reprenant leur vie avant leur rencontre avec Jésus, tel que le montre l'évangile de Jean et celle de Pierre, qui a pour elle ici une certaine authenticité. Ce qui n'aurait pas été le cas de personne tentant de faire vivre leur mouvement par le biais d'une supercherie. Les premiers à avoir bénéficié d'une apparition de Jésus étaient des proches de la famille de Jésus, les femmes, et puis des membres de la famille de Jésus eux-mêmes, ce que pourrait indiquer le fait qu'ils soient mis en dernier en 55 par l'apôtre Paul de Tarse dans la Première épître aux Corinthiens, mais j'y reviendrais dans mon article de Pâques.
Au moment où se développe le récit de la garde au tombeau dans l'évangile de Matthieu, entre 80 et 90, la Première épître de Pierre, publié soit entre 70 et 90 soit entre 90 et 110, est la première à rapporté le séjour de Jésus au Shéol, le lieu où dans le Judaïsme les morts vivent, attendant l'arrivée du Royaume de Dieu, qui n'arrivera que lors des fins dernières : « C'est en lui qu'il s'en alla même prêcher aux esprits en prison, à ceux qui jadis avaient refusé de croire lorsque se prolongeait la patience de Dieu, aux jours où Noé construisait l'Arche, dans laquelle un petit nombre, en tout huit personnes, furent sauvées à travers l'eau. » (3, 19-20.) Donc Jésus, par sa mort, prépare l'avènement du Royaume de Dieu, et la fin du Shéol. On pourrait y voir une allusion à l'évangile de Matthieu, dont il se serait peut-être inspiré si l'on privilégie plutôt une date basse de la première épître de Pierre : « les tombeaux s'ouvrirent et de nombreux corps de saints trépassés ressuscitèrent ils sortirent des tombeaux après sa résurrection, entrèrent dans la Ville sainte et se firent voir à bien des gens. » (27, 52-53.) Donc, dans le cadre du Christianisme primitif, s'était développée la croyance que Jésus aurait préparé par un voyage au Shéol les fins dernières qu'aurait manifesté sa Résurrection.
 
Par une exception notable, au temps de l'Église primitive c'était le seul samedi où le jeûne était autorisé (Constitutions Apostoliques, VII, 23, fin du IVe siècle), et celui-ci était d'une gravité particulière. Les jeûnes de l'époque d'Irénée, évêque de Lyon (177-202), était d'une absolu rigueur, concernant toute sorte de nourriture, et était observé pour les quarante heures qui précèdent la fête de Pâques, et bien que le moment assigné pour rompre le jeûne à l'aube du dimanche varie en fonction du temps et du pays, l'abstinence de nourriture le Samedi Saint était générale.
La nuit de la veillée de Pâques a connu un déplacement étrange. Au cours des six ou sept premiers siècles, des cérémonies étaient en cours pendant toute la nuit, de sorte que l'Alleluia a coïncidé avec le jour et le moment où l'on célébrait la Résurrection. Au VIIIe siècle, ces mêmes cérémonies ont eu lieu le samedi après-midi et, par un anachronisme singulier, ont ensuite été menés le samedi matin, donc le temps pour la réalisation des solennités avait été avancé de presque une journée entière. Mais suite à ce changement, les services spéciaux étaient maintenant affectés au Samedi saint qui, au préalable, nétait pas actif jusqu'à l'heure tardive de la veillée.
Cette veillée était ouverte après de la bénédiction du feu nouveau, l'éclairage des lampes, des bougies et du cierge pascal, cérémonies qui ont perdu beaucoup de leur symbolisme en étant prévus et avancées au crépuscule du grand jour. Cyrille, évêque de Jérusalem de 350 à 386 a parlé de cette nuit comme étant aussi brillante que le jour, et l'empereur romain Constantin Ier le Grand (306-337) a ajouté splendeur sans précédent dans son éclat par une profusion de lampes et de torches énormes, de sorte que non seulement les basiliques, mais les maisons privées, les rues et les places publiques ont été resplendissait de la lumière qui a été symbolisait la Résurrection de Jésus. Les assemblées fidèles se rendaient aux prières communes, au chant des psaumes et des hymnes, et la lecture des Écritures commentés par l'évêque ou les prêtres. La veillée de Pâques était spécialement consacrée au baptême des catéchumènes qui, dans les plus importantes églises, ont été très nombreuses. Sur le Saint samedi suivant la translation du corps du patriarche de Constantinople Jean Chrysostome dans la cité en 438, il y avait 3000 catéchumènes dans cette église seule. Ces chiffres, bien entendu, ne se rencontrent que dans les grandes villes, néanmoins, le Samedi saint et la veillée de la Pentecôte ont été les seuls jours où le baptême ont été administrés, même dans les petites églises, il y avait toujours un bon nombre de catéchumènes. Cette réunion de personnes dans l'obscurité de la nuit a souvent occasionné des abus dont le clergé se sentait impuissant à empêcher par une surveillance active, sauf par l'anticipation des cérémonies qui pourrait avoir lieu en plein jour. Raban Maur (780-856), moine bénédictin, archevêque de Mayence (847-856) (Institution des clercs et des cérémonies de l'Église, II, 28), donne un compte rendu détaillé de la cérémonie du Samedi saint. La congrégation restée en silence dans l'église dans l'attente de l'aube de la Résurrection, y joignant, à des intervalles, des psalmodies, des chants et de commentaires sur les lectures. Ces rites sont identiques à ceux de la primitive Église et ont été célébré à l'heure même. Mais le fidèle à travers l'Occident chrétien n'avait pas encore consenti à anticiper la veillée de Pâques et c'est seulement au cours du Moyen-Age que l'uniformité a été établie. Au XIIe siècle, l'Église fixa le début de l'année le jour du Samedi saint.
La célébration de la Résurrection commence dorénavant le samedi soir à la veillée pascale, alors qu'avant la réforme de la Semaine sainte entreprise par Pie XII, elle avait lieu le samedi matin. En 1951, Pie XII a permis par le décret inattendu « Dominicae resurrectionis » du 9 Février que la veillée ait lieu de la nuit, ce qui ne devint obligatoire qu'en 1956 après un autre décret, le « Maxima Redemptionis » du 16 Novembre 1955.
Le Samedi Saint est peu connu parce qu'il n'y a pas célébration visible comme les processions qui peuvent être vues dans les pays comme l'Espagne, le Portugal ou encore l'Italie pour le Vendredi Saint. Dans les maisons des chrétiens pratiquants, un grand ménage est fait pour enlever toute trace de l'année passée: poussières, saletés et en particulier la levure sont méticuleusement nettoyées, qui à l'origine aurait peut-être servi à faire de la place pour les nouvelles récoltes. L'Église aurait juste récupéré une pratique courante en l'intégrant au jour où l'on préparait la Pâque.
 
Pendant la journée du Samedi saint, selon l'usage catholique romain, les cloches des églises ne sonnent pas. C'est un jour vide par rapport aux deux précédents : le Christ est au tombeau, rien ne se passe. Les disciples sont effrayés et déçus. La journée se passe en attente.
C'est un jour de silence et d'attente. Il ne comporte pas d'office particulier. On ne célèbre ni baptême, ni mariage ce jour-là. La célébration de la résurrection commence le samedi soir à la Veillée Pascale.
On ne célèbre ni baptême, ni mariage ce jour-là, si ce n'est simplement la liturgie des Heures (office dit « des ténèbres »), et la communion n'est délivrée que dans le cadre du sacrement des malades. La célébration de la résurrection commence le samedi soir à la Veillée Pascale. Ce ne doit pas être seulement une journée consacrée aux préparatifs de la fête de Pâques, mais un jour privilégié de silence et de recueillement.
La veillée pascale commence après la tombée de la nuit. C'est une messe qui dure toute la nuit et se termine au lever du soleil le dimanche de Pâque.
Cette Veillée Pascale se décompose en 4 grands moments :
La célébration commence par la bénédiction du feu nouveau (un grand feu allumé à l'extérieur de l'église), le Rite de la lumière, et le nouveau cierge pascal, qui symbolise le Christ ressuscité, est allumé à ce feu.
La procession de la lumière pénètre dans l'église obscure symbolisant ainsi la sortie des ténèbres à la suite du Christ.
Au milieu de la nef, la flamme du cierge pascal est transmise aux cierges des fidèles.
Un chantre chante l' « Exultet », grand chant de joie qui annonce la Résurrection.
Ensuite la liturgie de la parole comprend 9 lectures (au lieu des 3 d'une messe classique) l'histoire du Salut est récapitulée, faisant le le lien entre le premier homme, Adam, qui a perdu l'humanité, et Jésus, le Nouvel Adam, qui par son sacrifice et sa Résurrection, a sauvé l'humanité, en passant par la sortie d'Egypte, les prophètes, etc. La boucle étant ainsi bouclée. Ceci amène à chanter la gloire de Dieu, en faisant sonner les cloches à toute volée. L'évangile est acclamé en chantant Alléluia (ce qui n'avait pas été fait pendant tout le Carême).
Après avoir procédé à la bénédiction de l'eau baptismale, qui sera employée lors des baptêmes, le célébrant baptise les catéchumènes.
La célébration se poursuit par le rite de l'Eucharistie, et se termine par une bénédiction solennelle : « Ils sont finis, les jours de la Passion ! ... »
C'est alors qu'au lever du soleil que les Chrétiens entrent dans les célébrations solennelles de la fête de Pâque.
Dans la liturgie orthodoxe, le Grand Samedi Saint on célèbre les Vêpres et la Liturgie de Saint Basile, ponctués de lectures des Psaumes et d'hymnes de la Résurrection qui parlent de la descente du Christ aux Enfers, célébrés comme la "Première Résurrection" d'Adam et la victoire sur la mort. Le Typikon établit ce service pour l'après-midi, mais il est souvent célébré le matin. Ce service provient de l'ancienne tradition liturgique de l'Église de Constantinople : il était son premier service pascal. L'hymne « Relève-Toi, Seigneur », tiré des Psaumes (Exsurge, Domine) était, à l'origine, le premier hymne pascal avant que Le Christ est ressuscité... (Hristos anesti...) ne le remplace. Sa place dans l'ancienne célébration pascale constantinopolitaine est celle qui donne à ce service se caractère résurrectionnel, tellement lumineux.
 
Je consacrerai un prochain article à la fête de Pâques, où je me livrerai de nouveau au sujet de la Résurrection à un exercice d'exégèse historico-critique.

 

                                                                                                                                                                                                Freyr1978

Rédigé par paroissiens-progressistes

Publié dans #Culture biblique

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