Monseigneur Albert Rouet, une voix dans le désert

Publié le 4 Mars 2011

111913870 referenceLe Dimanche 13 février 2011, une vingtaine d'évêques ont entouré Mgr Rouet, archevêque de Poitiers, pour rendre grâce de 17 années d'épiscopat. Mgr Pascal Wintzer, évêque auxiliaire, a été nommé administrateur apostolique. 3000 personnes ont pris part à la célébration d'au revoir de l'archevêque de Poitiers, Mgr Albert Rouet. Son œuvre marquera les esprits.

 

Né le 28 janvier 1936 à Thenay (Indre), Mgr Albert Rouet a été ordonné prêtre en 1963 pour le diocèse de Paris. Durant la guerre d’Algérie, il fut affecté, trente mois durant, au service des «affaires indigènes». Il s’est dit marqué à tout jamais par la mort d’un enfant qu’il avait contribué à sauver quelques jours avant. Il fut nommé vicaire général du diocèse de Paris en 1983, puis évêque auxiliaire en 1986. Nommé évêque de Poitiers en 1994, il en était l’archevêque depuis 2002.

 

Président de la Commission sociale de l’épiscopat de 1991 à 1997, il s’est invité à de multiples reprises dans le débat public, s’illustrant par des prises de position vigoureuses sur le chômage, le logement ou la drogue, voire à contrecourant de l’institution, sur le préservatif par exemple. Un homme au verbe courageux qui a su parler devant la lâcheté de certains de nos évêques.

 

«Les périodes de rigidité sont toujours des périodes d’insignifiance, écrit-il dans la préface de J’aimerais vous dire. Car la rigidité n’a de sens que pour ceux qui y participent et qui s’enferment de plus en plus dans des tourelles, dans des murailles, des forteresses et, par conséquent, s’éloignent – et s’éloignent d’une façon qui juge – de tous ceux qui ne partagent pas cette dureté. Il me paraît important de dire que c’est une impasse.»


De tels propos ne lui assurent pas que des amitiés dans les milieux d’Église. Dans son diocèse, ses relations avec les jeunes prêtres plus classiques et réactionnaires ont provoqué de vives tensions, dont l’écho est parvenu jusqu’au Vatican où il s’est fait beaucoup d’ennemis. Certains ont même quitté Poitiers, ce qui n’est pas une perte. Ses détracteurs voient en lui la figure par excellence de «l’évêque progressiste», marqué par l’idéologie des années 1970, une attaque qui au moins montre la hauteur de ses propos comparé à certains. Au sein de l’épiscopat français, sa stature intellectuelle et son franc-parler lui ont toujours fait occuper une place singulière, voire marginale au fil du temps. Lui au moins avait le courage de dire ce qui n’allait pas.

 

On l'avait vu, en 2003, quitter avec éclat une séance de l'assemblée des évêques, à Lourdes, pour dénoncer le «dogmatisme» et l'image d'une «religion d’ordre moral» donnée par une frange active du catholicisme. Ce qui inquiète Mgr Rouet, c'est la propension de l'Église à se replier sur elle-même et à cultiver «le goût du nombre». C'est son incapacité à trouver un langage qui soit compris par nos contemporains. C'est sa tendance à la «cléricalisation» alors qu'il faudrait valoriser le rôle des laïcs. «La question n’est pas de savoir qui vient à l’église, mais vers qui l’Église va», résume-t-il. Mgr Rouet demande donc que l'on en revienne aux fondamentaux, «à des attitudes radicalement premières : nourrir le pauvre, vivre la pauvreté soi-même, être au service des autres et marcher humblement à la suite de Dieu».Mais jamais il ne se situe en opposition à cette Église qu'il aime envers et contre tout. Mgr Rouet revendique ainsi sa filiation spirituelle avec saint Hilaire, père de l'Église, ancien et illustre prédécesseur sur le siège épiscopal de Poitiers. Ses propos ont toujours été enracinés dans les Écritures et la Tradition.

 

Depuis 1995, Mgr Albert Rouet a ouvert la porte à l'inventivité dans le diocèse de Poitiers pour promouvoir une Église de communion dans le sillage du concile Vatican II. Une autre structure doit se mettre en place qui évite la centralisation et invente d'autres modalités d'exercice du ministère presbytéral. Il met en place une révolution copernicienne, celle de passer de laïcs aides d'un prêtre autour duquel tout tourne, des communautés locales responsables, constituées d'une équipe de base animatrice de cinq délégués pastoraux laïcs pour cinq fonctions – annonce de la Parole, prière, charité, finance et coordination –, avec un prêtre. Il avait su sortir de la structure traditionnelle pour apporter un renouveau à l’Église. La paroisse aussi doit changer de forme quand son organisation joue à guichets fermés et les regroupements de paroisses réunissent que des convaincus en un point géographique mais retirent à d'autres localités les forces dont elles ont besoin pour tenir. Bref, il faut préparer l'avenir en quittant les modèles qui sont aujourd’hui intenables.

 

A l’occasion de son départ, Mgr Rouet publie «Vous avez fait de moi un évêque heureux» (Ed. de l'Atelier), une invitation à « imaginer une présence chrétienne qui fasse signe et sens dans la société actuelle». «Le Christ ne nous demande pas de faire du nombre, mais d'avoir du goût, d'être le sel de la terre», rappelle-t-il. Il renvient sur la mission de l'évêque : permettre « à des chrétiens, tels qu'ils sont, d'être les canaux par lesquels la bonté de l'Évangile passe dans la commune, dans le quartier». Son souci a été de faire en sorte que les chrétiens «soient reliés à tous les efforts par lesquels des hommes tentent d'être un peu mieux humains», un «défi» relevé à travers les mouvements apostoliques, les services et les communautés locales. «Il fallait rendre savoureuse la vie chrétienne. Cela était et reste encore une urgence considérable» souligne-t-il.

 

Alors bonne retraite à cet homme courageux qui a su parler face aux dérives de l’Église qui ne sait qu’écouter aujourd’hui une minorité dont l’esprit est tout sauf évangélique. Mais croyons en ces paroles de Pascal Wintzer, l'évêque auxiliaire de Poitiers : «Albert Rouet n'est pas né en arrivant à Poitiers, donc il ne meurt pas en partant, il reste un évêque.». Qui sait une fois à la retraite, il aura la même liberté de ton que cardinal Carlo Maria Martini. Mais de mauvais signes s’annoncent et nous verrons sans doute le Vatican détruire son œuvre pour imposer leur vision de l’Église qui n’est pas la mienne.

 

Merci !

Rédigé par paroissiens-progressistes

Publié dans #Actualités de l'Eglise

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