Publié le 17 Avril 2020

Le Samedi Saint a eue lieu une vénération exceptionnelle du linceul de Turin dirigée à 17h par l’archevêque de la capitale piémontaise, Mgr Cesare Nosiglia. Le pape François a soutenu et s’est joint à cette liturgie de prière depuis la chapelle de la cathédrale de Turin, gardienne du Saint-Suaire. Il s’y était rendu en 2015, tout comme les précédents Souverains Pontifes (https://www.vaticannews.va/fr/pape/news/2020-04/les-papes-et-le-saint-suaire-de-turin-icone-du-samedi-saint.html). L'archevêque de Turin Cesare Nosiglia a donc dirigé l'extraordinaire prière devant le Suaire de la cathédrale de Turin le samedi après-midi. Elle a été diffusée en direct à la télévision partout dans le monde, par le signal Rai et par TV2000, relancé par le Centre de Télévision du Vatican. Il a été calculé que les téléspectateurs potentiels des réseaux connectés dépassaient le milliard de personnes. De nombreux accès également à la page spéciale Facebook "Shroud 2020", où l'événement a été diffusé pour les réseaux sociaux (https://www.ceinews.it/rilanci/2020/4/13/ostensione-straordinaria-della-sindone-la-potenza-del-risorto-vince-ogni-avversita/). Et on nous a raconté aussi le fait que le Saint Suaire a été installé à Turin, après une épidémie de peste à Milan, au XVIe siècle. En 1578, Charles Borromée, évêque de Milan, promet un pèlerinage à pied au Saint Suaire si la ville est délivrée de la maladie. Le duc de Savoie Emmanuel Philibert déplace le drap sacré de Chambéry, où il se trouve, à Turin, pour raccourcir la route de Charles Borromée (https://fr.euronews.com/2020/04/11/le-saint-suaire-expose-exceptionnellement-pour-paques-contre-le-covid-19). En réalité, ce qui préserva la ville de Milan, ne fut pas cette relique, mais un des mesures de plus en plus draconiennes telles que la purge des maisons infectées, la fermeture des magasins non essentiels et une quarantaine générale, on ordonna aussi l'abattage des chiens et des chats (https://brill.com/view/book/edcoll/9789004375871/BP000012.xml). C’est très énervant de voir que face à une épidémie, on fasse appel à la superstition et aux fausses reliques comme le linceul de Turin.

Dès son émergence au Moyen Âge, chez les chanoines de Lirey, en Champagne, les autorités ecclésiastiques locales dénoncent la «fraude». L’évêque de Troyes aurait découvert, après enquête en 1357, qu’il s’agissait d’un faux. Un artiste arrêté et interrogé aurait même avoué en être l’auteur. En réalité, il a été offert par le roi Jean II à son ami Geoffroi de Charny, le chevalier le plus renommé du Moyen Âge, qui est décédé peu de temps après lors de la désastreuse bataille de Poitiers tout en sauvant la vie du roi. Bien que conçue comme rien de plus qu'une image de dévotion inoffensive pour l'église nouvellement construite de Geoffroi dans le hameau français de Lirey, elle fut bientôt déformée. Les miracles ont été truqués, l'argent a été fait. La bande de tissu était pliée avec un bâton central, on fait rentrer les croyants qui ont payé. On hisse doucement le suaire éclairé par les bougies, on chante, on prie et c’est fini. Et ainsi on a pu financer la construction de l’abbatiale de Lirey. Ensuite, une nouvelle enquête fut menée entre 1389 et 1390 qui en arriva à la même conclusion, sauf que celui qui montre le suaire est le neveu du pape en Avignon. Comme il n’est pas à l’aise sur le sujet, le pape trouve une astuce formidable pour autoriser qu’on le présente désormais. Il fait placarder sur les églises une lettre en latin disant que le suaire est une véritable icône. La différence en latin entre une image véritable et une véritable image est difficile à saisir pour des paysans. Le suaire a été fabriqué comme toutes les soi-disant reliques faites après la grande peste pour conjurer ce malheur qui a tué un tiers de la population européenne. Les reliques attiraient les fidèles vers une abbatiale ou un église et surtout les dons. Puis la relique a connue de vastes tribulations, puisqu’elle se retrouve entre les mains de Marguerite de Charny en 1418, qui la vend à Louis Ier de Savoie en 1453, puis elle s'est installée à Chambéry, au cœur de la Savoie en 1502, dont le pape Jules II lui conféra une fête liturgique le 4 mai en 1506, mais décembre 1532, la Sainte-Chapelle qui abritait le drap brûlé, et le suaire a survécu, et enfin elle arrive à Turin en 1578, la nouvelle capitale du duché de Savoie puis du royaume d'Italie, avant d’être donné au Saint-Siège en 1983, et un nouvel incendie se produit en 1997, le suaire est sauvé une seconde fois des flammes. Régulièrement des clercs, et non des moindres, tels que trois ecclésiastiques de Liège, qui traiteront de l'affaire en 1449, et Ulysse Chevalier de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, entre 1898 et 1903 mettent en garde les fidèles tentés de vénérer un objet nullement contemporain de Jésus («Trois Christs» : Unis par la Passion, 26 octobre 2010, dans https://www.actuabd.com/Trois-Christs-Unis-par-la-Passion, Le suaire de Turin : La vraie histoire d'un faux, L’histoire mensuel N°372, février 2012, Andrea Nicolotti, Sindone : Storia e leggende di una reliquia controversa, Eanudi, 2015, Gary Vikan, The Holy Shroud: A Brilliant Hoax in the Time of the Black Death, Pegasus Books, 5 mai 2020, et https://www.ligneclaire.info/eric-liberge-gerard-mordillat-76850.html).

Pourtant, après la photographie de Secondo Pia en 1898, qui relance l’engouement pour la relique de Turin, commence la sindonologie. Ce sont surtout des laïcs –scientifiques, chirurgiens, physiciens - qui se sont acharnés à démontrer que ce linge était le suaire de Jésus et en général convaincu de son authenticité. En 1988, l'étude au carbone 14 confirme que le linceul en question date des environs de 1350. On a pu penser que l’affaire était close, mais pas du tout. Une quinzaine d’ouvrages de livres furent publiés disant que si le carbone 14 donnait ce résultat, c’était que la science était fausse. Rien n'y fait. Les «sindonologues» n'en démordent pas, la ferveur populaire les encourage, les tentatives de démonstration se succèdent contre les travaux scientifiques : le suaire de Turin porte la marque indélébile de Jésus-Christ mort en croix et ressuscité, rien ne pourra les convaincre du contraire. Et ils on essayé d’infirmer la datation au carbone14, en disant que le feu de 1532 a fixé des atomes de carbone modernes sur le Suaire, le rendant apparemment plus jeune, mais des tests expérimentaux répétés ont exclu que l'effet soit possible, ou bien que l'échantillon utilisé pour le test du carbone 14 a été pollué par de la saleté, pourtant il avait été parfaitement nettoyé, et la datation de fragments de tissus d'un âge bien connu, effectuée à titre de contrôle, avait donné des résultats parfaits, ou encore que l'échantillon prélevé appartenait à un raccommodage invisible et récent, cependant l'échantillonnage a été effectué en présence d'experts du textile, et dans la restauration de 2002, personne n'a jamais trouvé de raccommodage dans ce coin. En 2019, Benedetto Torrisi met en avant des problèmes de concordances statistiques entre les résultats des instituts et relève la non-conformité des conditions de prélèvement des tissus. Peine perdue puisqu’en 1994, J. A. Christen a appliqué un test statistique solide aux données de radiocarbone et a conclu que l'âge donné pour le linceul est, d'un point de vue statistique, correct, et Timothy Jull a confirmé en 2011, que les analyses ont porté sur le tissu originel et rien n’a pollué la datation (J. Andres Christen, "Summarizing a Set of Radiocarbon Determinations: A Robust Approach". Applied Statistics. 43 (3): 489–503, 1994, Le suaire de Turin : La vraie histoire d'un faux, L’histoire mensuel N°372, février 2012, Rachel Mulot, Le suaire de Turin est censé avoir enveloppé le corps du Christ. Mais il date bien du Moyen Âge, 23 avril 2015 dans https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/2-etudes-montrent-que-le-suaire-de-turin-date-en-fait-du-moyen-age_21857, Luigi Garlaschelli, Perché la sindone è un falso, 11 septembre 2018, dans https://ilbolive.unipd.it/it/news/perche-sindone-falso, Jérôme Prieur, et Gérard Mordillat, Le Suaire (Tome 3) - Corpus Christi, 2019, Éditions Futuropolis, 2019, et Raphaël Zbinden, Saint Suaire : le doute augmente quant à une origine médiévale, 26 mai 2019, dans https://www.cath.ch/newsf/saint-suaire-le-doute-augmente-quant-a-une-origine-medievale/).

La sindonologie est continuellement engagée dans une tentative de délégitimer les résultats des études au détriment de l'authenticité, en construisant des explications alternatives extrêmement compliquées ou en recourant au sujet du miracle. Elle rejette toujours les arguments contraires et a tendance à citer des recherches propices à l'authenticité (le lin qui serait pareil à ceux de Massada selon Mechthild Flury-Lemberg dans un article publié en allemand en 2000, a été vite éventé par deux experts israéliens qui disent qu’il n’y aucun tissu ressemblant à celui du suaire et le tissage est en «S» et non en «Z»; les pollens que Max Frei a dit avoir trouvés, personne d'autre ne les a examinés, pourtant c’est son travail frauduleux qui est toujours utilisé par les sindonologues, alors que les études de Giovanni Riggi en 1978, de Raymond Rogers en 1978 et de Pier Luigi Baima Bollone en 1978 et 2002, ont rapporté des indices décevants sur leurs études à ce sujet, , et l’étude de Marta Mariotti Lippi en 1998 afin d'évaluer l'importance de la présence de pollen sur le suaire, montre avec des morceaux de lins comme celui du suaire dont certains sont trempés avec une solution d'aloès et de myrrhe, tous suspendus dans diverses positions dans une oliveraie, la perte de pollen a alors atteint 77% en 2 mois, en 10 ans on ne trouverait plus de pollens; pour les monnaies et les traces d’écritures, ce serait de la paréidolie produite à partir d'une vieille photo, dans les photos couleur haute définition modernes, les traces des pièces et d’écritures ont disparu et d’ailleurs n’ont pas été vues par les scientifiques qui ont examiné le suaire en 1969, en 1973 et en 1978, ni même ceux qui ont restauré le linceul en 2002; la présence de sang n’a été certifiée certifiée que par Pier Luigi Baima Bollone, présence explicitement exclue en 1973 par la commission qui avait été chargée d'effectuer les analyses du cardinal Pellegrino, et par le microscopiste de Chicago Walter McCrone, qui en 1977 déclara que "la figure de l'homme du Suaire a été peinte avec l'application d'ocre rouge dans une tempera de collagène animal très diluée"; les sources historiques ont été aussi déformées puisque le mandylion d’Édesse se trouvait en France dans la Sainte-Chapelle après son achat par Louis IX et fut détruite pendant la révolution française en 1793, et le Codex de Pray, ne montre nullement le suaire de Turin, puisque le linceul empilé sous la main de l'ange ne porte aucune image, et ce qui est vu comme des brûlures ressemble à des motifs ornementaux, comme ceux vus sur l'aile de l'ange, sur sa ceinture et sur la robe de la femme au centre du dessin comme motifs ornementaux, tandis que la théorie reposant sur les Templiers est écartée par les experts de l’histoire des Templiers et jusqu’ici aucune preuve étayant cette thèse n’a été présentée, vu qu’elle vient de manipulations de texte, des approximations et des erreurs matérielles, et l’histoire du suaire venu selon la tradition orale du sac de Constantinople commis en 1204 ne reprendrait que l’histoire de celui de Besançon qu’on disait amené par le chevalier Othon de la Roche, mais dont l’existence n’était sûre qu’à partir du XVIe siècle; enfin, pour l’aragonite de travertin, elle serait arrivée non de Palestine mais par moyen plus simple comme le décrit le biochimiste John Heller, c’est un religieux qui a placé un mouchoir sur le Suaire, racontant ensuite que par le passé il avait touché le Saint-Sépulcre de Jérusalem et depuis lors l'avait gardé dans sa poche sans le laver) sans jamais tenir compte du moment où elles sont rejetées par la communauté scientifique (Sindone : le false notizie si tissuti di massade, 7 juin 2007, dans http://www.antoniolombatti.it/B/Blog/39E8EAE8-0DB4-4545-9703-ABC2F277EB9F.html, Gaetano Ciccone, Sindone, pollini e bugie, MicroMega 4/2010, Luigi Gallarschelli, Perché la Sindone è un falso, dans MicroMega 4/2010, Le suaire de Turin : La vraie histoire d'un faux, L’histoire mensuel N°372, février 2012, Andrea Nicolotti, Le Saint Suaire de Besançon et Othon de La Roche, Éditions Franche-Bourgogne, 2015, Luigi Garlaschelli, Perché la sindone è un falso, 11 septembre 2018, dans https://ilbolive.unipd.it/it/news/perche-sindone-falso, et http://sindone.weebly.com/pray.html).

Pourtant, il est très simple de contredire les arguments des sindonologues. Dans l'histoire personne depuis treize siècles, depuis la tombe de Jésus jusqu'au Moyen Âge, n'a jamais parlé de ce linceul; et lorsque l'évêque de Troyes et le pape en ont parlé pour la première fois, ils l'ont fait pour dire que c'était une fraude. Il est donc extrêmement improbable que cet objet remonte au temps de Jésus. Si Jésus est juif il a été inhumé selon la tradition juive. Sûrement pas comme le montre le suaire avec les mains posées sur le pubis, impureté majeure. Et deuxièmement, s’il y a eu des linges souillés on ne les a pas gardés. Dans le judaïsme c’est impossible. Les tissus funéraires juifs du premier siècle qui ont été découverts lors des recherches archéologiques nous indiquent qu'aucune des découvertes n'a de caractéristiques compatibles avec celles du tissu du Suaire. Le seul tissu de lin connu, à chevrons et identique à celui du Suaire, est conservé dans la section médiévale du Victoria & Albert Museum de Londres, il a été daté du XIVe siècle. D’ailleurs, un linceul célèbre a été trouvé à Akeldamà, daté entre 50 et 70 par le C-14, montre que les bras étaient étirés le long du tronc, le cadavre étroitement enveloppé et le cou, les poignets et les chevilles maintenus en place avec des bandages supplémentaires. Le tissu était en laine (le Suaire est en lin), la texture se compose d'une structure 1: 1 simple (le Suaire est en chevrons 3: 1), la filature est S (celle du Suaire est Z). Pour la crucifixion, l’homme de Giv'at HaMivtar, dont les restes avec un clou toujours coincé dans le talon ont été trouvés en 1969 à la périphérie de Jérusalem nous montre avec certitude que la position sur la croix de cet homme était incompatible avec celle de la figure du Suaire : les pieds étaient cloués latéralement au poteau de la croix avec deux clous qui transperçaient les talons transversalement et les bras étaient probablement attachés avec des cordes. Et pour bien enfoncer le clou, une nouvelle découverte - les restes squelettiques vieux de 2000 d'un romain crucifié - rapportée sur Live Science (Metcalfe 2018). L'article (4 juin 2018) décrit l'examen des os (découvert à l'origine en 2007 près de Venise), confirme que le clou était enfoncé sur le côté du talon, et les bras étaient attachés. Enfin, des vestiges archéologiques, des textes historiques et de l'art funéraire égyptien ancien montrent que comme la plupart des gens en Judée et en Égypte à l'époque, Jésus avait très probablement des yeux bruns, des cheveux brun foncé ou noirs et une peau brun olive. Il se peut qu'il ait mesuré environ 1,66 cm de hauteur, la taille moyenne de l'homme à l'époque. L’homme du suaire ne correspond pas à un juif de l’époque et il est trop grand (Luigi Gallarschelli, Perché la Sindone è un falso, dans MicroMega 4/2010, Anna Rita Longo, Speciale Sindone: gli ultimi studi scettici, 31 Mars 2018, dans https://www.queryonline.it/2018/03/31/speciale-sindone-gli-ultimi-studi-scettici/, Joan Taylor, What Did Jesus Look Like?, Bloomsbury T&T Clark, 2018, et https://www.ligneclaire.info/eric-liberge-gerard-mordillat-76850.html).

Et contrairement à ce qu’a avancé le Sturp (Shroud of Turin Research Project) en 1978, il était possible de faire un linceul avec les mêmes caractéristiques que celui de Turin, et ce serait plutôt une copie corporelle semblable à une photographie d'un Français médiéval créée par un artiste brillant servant la cour royale au temps de la Peste noire. Et Gary Vikan, aurait retrouvé ce faussaire, Nardo di Ceccarelli, élève de Simone Martini, alors à Avignon et travaillant pour le pape vers 1350. L’empreinte du suaire était constituée de pigments d’oxydes de fer, associé à un médium à base de collagène, et l’ensemble a été appliqué sur le linge par un artiste très informé et appliqué, qui utilisa la méthode de tamponnage, ce qui explique qu’on ne trouve pas de traces de pinceaux comme l’avançait le Sturp, quant aux tâches de sang, elles se révèlent être du vermillon, composées de sulfure de mercure, ou cinabre. Cela explique pourquoi les taches de "sang" ne sont pas réalistes. Ce qui a été confirmé une étude expérimentale réalisée en 2018 par Luigi Gallarschelli et Matteo Borrini selon la technique BPA (Bloodstains Pattern Analysis) en faisant couler du sang sur le corps d'un volontaire et sur un mannequin a démontré l'improbabilité de la position des différentes traces de sang du suaire. Elle montre que les tâches de sang n’ont pu être laissées que par un homme en position horizontale. Cette étude a suscité la perplexité des sindonologues qui essayèrent de l’invalider sans la tester. Elle permet d’expliquer pourquoi les cheveux semblent tomber droit, comme pour un homme se tenant debout et non couché.. L’expérience sera réalisée à plusieurs reprises avec assez de succès par Vittorio Pesce Delfino, Joe Nickell, Henri Broch, Luigi Garlaschell et Jacques Di Costanzo. Une telle méthode rend compte de certaines propriétés de «négatifs photographiques» du suaire et de la nature tridimensionnelle de l’image. Ainsi d’ailleurs que des erreurs anatomiques – doigts démesurément long, bras gauche plus court que le droit, etc.-, qui apparentent le suaire à l’iconographie byzantine et gothique. D’ailleurs le suaire suit, les représentations graphiques gothiques de la crucifixion, clous dans les paumes (à la base de celles-ci) et dans les pieds, et les traces de la flagellation sur le corps ressemblent beaucoup à celle des flagellants du XIVe siècle. Le suaire suit aussi les Mystères de la Passion du XIIIe siècle, où maint acteurs ont faillit périr dans un jeu trop réaliste. Son état de conservation a accentué son aspect fantomatique qui favorise toutes les rêveries, ce qui s'explique très bien : presque toutes les toiles médiévales peintes a tempera ont été détruites suite à leur dégradation rapide et le suaire n'aurait pas survécu s'il n'avait pas été considéré comme une relique, d'autant plus qu'il avait été gravement endommagé par l'incendie de 1532 dans la Sainte-Chapelle. Cela n’empêche pas les sindonologues plus «scientifiques», dont Giulio Fanti est le leader, à rechercher les hypothèses les plus imaginatives pour expliquer la formation de l'image du Suaire et qui se sont répandues ces dernières années comme le tremblement de terre, le bombardement de proton, ou l’irradiation par laser, ces hypothèses ont toutes été invalidées par la science dure (Odile Celier, Le Signe du linceul, le saint suaire de Turin de la relique à l'image, Cerf, 1992, «Trois Christs» : Unis par la Passion, 26 octobre 2010, dans https://www.actuabd.com/Trois-Christs-Unis-par-la-Passion, Gian Marco Rinaldi, Datazioni alternative della Sindone: la controreplica di Gian Marco Rinaldi, 16 avril 2013, dans https://www.queryonline.it/2013/04/16/datazioni-alternative-della-sindone-la-controreplica-di-gian-marco-rinaldi/, Raphaël Zbinden, Le juif qui défend l'authenticité du Saint-Suaire, 27 avril 2015, dans https://www.cath.ch/newsf/le-juif-qui-defend-lauthenticite-du-saint-suaire/, Andrea Nicolotti, Sindone : Storia e leggende di una reliquia controversa, Eanudi, 2015, Philippe Delorme, Les théories folles de l'Histoire, Presses de la Cité, 2016, Antonio Lombatti, The Shroud Is Just Another Hoax Forged During the Middle Ages, août 2017, dans https://www.bibleinterp.com/articles/2017/08/lom418014.shtml, Le Saint-Suaire de Lirey : l’histoire d’une vaste supercherie, 14 janvier 2018, dans https://abonne.lest-eclair.fr/art/53788/article/2018-01-14/le-suaire-l-histoire-d-une-vaste-supercherie, et Luigi Garlaschelli, Perché la sindone è un falso, 11 septembre 2018, dans https://ilbolive.unipd.it/it/news/perche-sindone-falso).

On aurait pu espérer la fin de cette folie autour d’un faux médiéval après qu’en 2011 Timothy Jull qui a conservé un petit échantillon du suaire prélevé en 1988 qui n’a pas été détruit, corrobora la datation au carbone 14 réalisée en 1988 par trois laboratoires à Tucson, Oxford et Zürich (Frédéric de Monicault, Le Suaire de Turin date bien du Moyen Âge, L’Histoire mensuel 771, avril 2011). Pourtant, cela n’a pas suffit. Dans l'intervalle, l'accès au Suaire est interdit aux chercheurs depuis des décennies : il est même interdit de travailler sur des photographies haute définition, une situation franchement inacceptable, qui permet aux sindonologues de mettre en avant tous leurs délires. Dans les discours officiels, l'Église fait preuve d'une certaine prudence, mais dans la pratique (livres, télévision, catéchèse, conférences) elle privilégie la propagande sur l'authenticité et décourage le contraire. Cela crée beaucoup d'ambiguïté (Andrea Nicolotti, Sindone : Storia e leggende di una reliquia controversa, Eanudi, 2015). Pourquoi ? Rien de noble dans tout cela, puisque la relique attire des pèlerins et forcément leur argent. 2 millions d’entre eux étaient venus en 2015, et on peut comprendre que l'archevêque de Turin Cesare Nosiglia a tant tenu à assurer l’avenir de ce faux médiéval en utilisant une ostension à la télévision et sur les réseaux sociaux pendant l’épidémie du Covid-19.
Alors pour ceux qui essayent de me convaincre sur l’authenticité du suaire, je considère la sindonologie comme une pseudoscience – de la même manière que l'ufologie, le spiritisme ou l'astrologie - qui offre continuellement des annonces extraordinaires et de grandes découvertes présumées, mais jamais trouvées sur l'objet qui malheureusement ne peut plus être examiné.
Merci !