Vatican : mort à 94 ans du cardinal italien Angelo Sodano
Publié le 28 Mai 2022
Éric Senanque, correspondant au Vatican pour RFI.fr nous montre ce samedi 28 mai 2022 que c’est une figure de la Curie romaine qui s’est éteinte, le cardinal italien Angelo Sodano est mort dans la nuit du vendredi 27 au samedi 28 mai à Rome à l’âge de 94 ans des suites du Covid-19. Ce grand diplomate a été, pendant des années, le bras droit du pape Jean-Paul II. Son image est aussi associée aux nombreux scandales sexuels qui ont éclaté ces dernières années dans l’Église catholique.
Jamais l’expression «prince de l’Église», par laquelle on nomme parfois les cardinaux, a sans doute aussi bien collé à la figure d’Angelo Sodano. Pendant des années, le cardinal italien est resté l’un des hommes les plus puissants de la Curie. Né dans une famille rurale du Piémont en 1927, ordonné prêtre à 22 ans, il se forme en philosophie et théologie dans les universités pontificales à Rome avant d’être appelé au service du Saint-Siège en 1959. En 1977, il est nommé par Paul VI nonce apostolique au Chili, où il prône une attitude accommodante avec le régime militaire du dictateur Augusto Pinochet. Là, certains lui reprocheront d’avoir trop ménagé la dictature militaire. Comme nonce au Chili, c’est lui aussi qui fit nommer de nombreux évêques accusés d’avoir couvert des crimes sexuels. Rentré à Rome en 1988, il devient le bras droit du cardinal secrétaire d’État Agostino Casaroli et est nommé en 1989 secrétaire pour les relations avec les États, un poste équivalent à celui de ministre des Affaires étrangères (https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2022/05/28/le-cardinal-angelo-sodano-secretaire-d-etat-de-jean-paul-ii-et-figure-controversee-du-vatican-est-mort_6128012_3382.html, et https://www.sudouest.fr/societe/religion/angelo-sodano-ancien-numero-deux-du-vatican-sous-deux-papes-est-mort-11098098.php).
Le pontificat de Jean-Paul II est une consécration, il le nomme secrétaire d’État du Saint-Siège le 1er décembre 1990 et le crée cardinal. À ce titre, il a accompagné le pape lors d’une cinquantaine de voyages à l’étranger. Lorsque le mur tombe à Berlin en 1989, les champions de l’Ostpolitik vaticane, Agostino Casaroli et Achille Silvestrini, jugés trop accommodants avec le bloc de l’Est, ont fait leur temps, et Jean Paul II choisit une ligne plus dure, des hommes solides à l’anticommunisme reconnu. Cela profite à Sodano, pur produit de la carrière diplomatique vaticane. Taiseux, hautain, Sodano n’a ni la finesse ni le charisme de son prédécesseur Casaroli, mais une connaissance rigoureuse des dossiers, notamment ceux de l’Amérique latine. À mesure que va décliner la santé du pape polonais, le pouvoir de Sodano va se renforcer. On l’a alors comparé à Mazarin pour sa soif de pouvoir et d’intrigues, son talent à faire et défaire les carrières (https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2022/05/28/le-cardinal-angelo-sodano-secretaire-d-etat-de-jean-paul-ii-et-figure-controversee-du-vatican-est-mort_6128012_3382.html).
Benoît XVI, aussitôt après son élection en 2005, l’avait confirmé à son poste, où il était resté jusqu’en septembre 2006. Le cardinal Sodano a donc été numéro deux du Vatican pendant presque 15 ans. En 2005, il était aussi devenu doyen du collège des cardinaux, qu’il dirigeait donc au moment de la démission de Benoît XVI en février 2013. Mais âgé de plus de 80 ans et ayant donc perdu sa qualité de cardinal électeur, il n’avait pu participer au conclave chargé d’élire le nouveau pape (https://www.sudouest.fr/societe/religion/angelo-sodano-ancien-numero-deux-du-vatican-sous-deux-papes-est-mort-11098098.php).
Le cardinal Sodano a été au centre de plusieurs polémiques. Il est notamment l’un des personnages centraux du livre «Sodoma : Enquête au cœur du Vatican» de Frédéric Martel, dans lequel le journaliste français dénonce son train de vie à Rome et ses liens avec Pinochet quand il était nonce au Chili. Après l’annonce de sa mort, Frédéric Martel a d’ailleurs révélé que le cardinal Sodano était bien le personnage nommé «La Mongolfiera» dans son livre. Les scandales d’abus sexuels jettent également une lumière sombre sur le prélat, c’est lui qui par exemple défendra Marcial Maciel, le fondateur pédophile des Légionnaires du Christ, contre le cardinal Ratzinger, futur pape Benoît XVI. Et selon l’hebdomadaire «National Catholic Reporter», Angelo Sodano aurait aussi protégé le fondateur des Légionnaires du Christ, qui a vécu pendant de nombreuses années avec une femme avec laquelle il avait eu un enfant. Marcial Maciel est aussi soupçonné d’agressions sexuelles sur des enfants et des séminaristes (https://www.sudouest.fr/societe/religion/angelo-sodano-ancien-numero-deux-du-vatican-sous-deux-papes-est-mort-11098098.php).
Dans un télégramme de condoléances, le pape François a salué un «homme discipliné sur le plan ecclésial» et un «pasteur aimable animé du désir de répandre partout le levain de l’Évangile». Des mots qui contrastent avec le personnage sulfureux que fût le cardinal italien. Un avis que ne partage pas l'une des victimes de Karadima, le Chilien Juan Carlos Cruz, en apprenant la nouvelle, qui a écrit sur les réseaux sociaux que "c'était un homme qui a fait tant de mal à tant de gens et qui a couvert des années d'abus au Chili et dans le monde". Et La biographie du Vatican, publiée après la mort de Sodano, ne fait aucune mention des scandales, ce qui est tout de même choquant au vu de son peu de soucis des victimes de Marcial Maciel et des prêtres pédophiles (https://www.religiondigital.org/vaticano/Papa-sodano-pesame-telegrama-secretario-estado-vaticano-uruguay-chile-ecuador_0_2454654517.html, et https://www.ncronline.org/news/accountability/cardinal-sodano-once-powerful-vatican-prelate-tarnished-support-abuser-maciel).
Merci !