Gustavo Gutierrez, considéré comme le père de la théologie de la Libération, est mort à 96 ans
Publié le 24 Octobre 2024
francetvinfo.fr avec l’AFP nous annoncent le mercredi 23 octobre 2024 que l'intellectuel et prêtre péruvien Gustavo Gutierrez, considéré comme le père de la théologie de la Libération, un courant de pensée chrétienne centré sur la dignité des pauvres, est mort mardi 22 octobre à Lima à l'âge de 96 ans, a annoncé l'ordre religieux auquel il appartenait. "La province dominicaine de San Juan Bautista del Peru a le regret d'informer qu'aujourd'hui, 22 octobre 2024, notre cher frère Gustavo Gutierrez Merino s'est rendu à la Maison du Père", a annoncé l'ordre religieux sur les réseaux sociaux, une formule signifiant qu'il est mort. "C'est avec une profonde tristesse que nous annonçons la mort ce soir de notre cher ami et fondateur Gustavo Gutierrez", a confirmé sur X l'Institut Bartolomé de las Casas, un centre de soins pour les déshérités, que le prêtre fonda en 1974.
Né en 1928 à Lima, au Pérou, il se dirige vers la prêtrise après avoir entamé des études de médecine. Ordonné prêtre en 1959, il s’engage rapidement auprès des pauvres en devenant vicaire d’une paroisse dans un quartier défavorisé de la capitale péruvienne. Gustavo Gutierrez, devenu dominicain à 76 ans, comptait parmi les prêtres qui dénonçaient les injustices et les inégalités du sous-continent américain. C’est en côtoyant la misère qu’il a construit sa pensée : la théologie de la libération propose de soulager les pauvres de leurs conditions de vie, mais aussi d’en faire les acteurs de leur propre libération. Il prônait une réorganisation de la société et dénonçait les ravages du capitalisme, responsable, selon lui, des souffrances d’innombrables «frères et sœurs humains». Dans le même temps, Gustavo Gutiérrez enseignait à l’université pontificale catholique du Pérou et dans plusieurs universités nord-américaines et européennes. Fort de ces rencontres, alors aumônier des étudiants, il écrivit le premier grand traité sur le sujet dans un livre, Théologie de la Libération : perspectives, paru en 1971 et traduit dans le monde entier. L'ouvrage de Gustavo Gutierrez offre une nouvelle spiritualité fondée sur la solidarité avec les pauvres et exhorte l'Église à participer au changement des institutions sociales et économiques pour promouvoir plus de justice sociale. À sa suite, de nombreux catholiques latino-américains ont écrit sur le sujet. Certains ont été critiqués par le Vatican – en particulier par Jean-Paul II – pour avoir adopté une grille de lecture jugée marxiste et révolutionnaire du thème de la libération chrétienne. Après l’installation de régimes militaires au cours des années 1960 et 1970 dans la plupart des pays de celle-ci, les militants de la théologie de la libération participeraient activement à la résistance contre ces dictatures (https://www.lavie.fr/christianisme/eglise/disparition-de-gustavo-gutierrez-pionnier-de-la-theologie-de-la-liberation-96603.php, et https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2024/10/23/mort-a-96-du-pretre-gustavo-gutierrez-considere-comme-le-pere-de-la-theologie-de-la-liberation_6358443_3382.html).
La relation de Gutiérrez avec la hiérarchie ecclésiastique au Pérou et en Amérique latine était très bonne. Toujours entendu et soutenu par des personnalités latino-américaines telles que le cardinal Juan Carlos Landazuri (Pérou), Enrique Alvear (Chili), Leonidas Proaño (Équateur), Pablo Evaristo Arns et Pedro Casaldáliga (Brésil), et Elcar Arnulfo Romero, un saint martyr du continent latino-américain. Ceux-ci, et beaucoup d'autres évêques, ont apporté leur contribution à la Conférence générale de l'épiscopat latino-américain de Medellin en 1968, Puebla en 1979, Saint-Domingue en 1992 et Aparecida en 2007. Cependant, certains évêques, comme l'archevêque de Lima et appartenant à l'Opus Dei, un ami de Sodalicio (une société qui a créé des centaines de victimes d'abus sexuels, de conscience et de pouvoir) l'ont non seulement critiqué, mais ont cherché à le condamner, sans y parvenir . Le père Gutiérrez, lui, n’a jamais rompu avec l’Église malgré les critiques qu'il a reçues, en particulier pendant la papauté du Jean-Paul II lorsque la Congrégation pour la Doctrine de la foi se prononce une première fois sur le sujet en 1984 dans une note rédigée par le cardinal Ratzinger (futur Benoît XVI). Il n'a jamais été sanctionné dans un contexte où certains de ses collègues et amis, comme Leonardo Boff, ont subi de sévères représailles, et en 1986, l’Église intègre cette théologie au magistère romain de l’Église avant que Jean Paul II ne la cite dans son encyclique Sollicitudo rei socialis en 1987. L'arrivée de la papauté de Jorge Bergoglio, qui avait une proximité particulière et un choix clair pour les pauvres, était un soulagement et justifié par le pape François et ceux qui, comme lui, avaient lutté pour une Église plus attachée aux plus vulnérables et rejetées dans l'histoire. (https://www.lavie.fr/christianisme/eglise/disparition-de-gustavo-gutierrez-pionnier-de-la-theologie-de-la-liberation-96603.php, https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2024/10/23/mort-a-96-du-pretre-gustavo-gutierrez-considere-comme-le-pere-de-la-theologie-de-la-liberation_6358443_3382.html, et https://www.religiondigital.org/corresponsal_en_chile-_anibal_n-_pastor/Fallecio-Teologia-Liberacion-Gustavo-Gutierrez_7_2718398135.html).
Assoiffé de savoir, Gustavo Gutiérrez poursuit sa formation intellectuelle en étudiant la philosophie, la théologie et la psychologie à l’université de Louvain en Belgique puis à Lyon, en France. Alors qu’il approche 70 ans, il entre chez les dominicains et effectue son noviciat à Lyon en France en 1998, où il prononce sa profession solennelle en 2004 (https://www.lavie.fr/christianisme/eglise/disparition-de-gustavo-gutierrez-pionnier-de-la-theologie-de-la-liberation-96603.php). Gustavo Gutierrez a reçu un grand nombre de diplômes honoris causa et de récompenses dans le monde entier. En France, il est notamment distingué par la Légion d'honneur en 1993 des mains du président français, François Mitterrand, qui salue, à l’occasion, «l’accord entre la foi» de son hôte «et son combat contre l’exploitation, la domination, la pauvreté et la misère», et entre en 2002 à l'Académie américaine des arts et des sciences. En 2003, il a reçu le prix Prince des Asturies pour la communication et les sciences humaines, l'un des plus grands honneurs internationaux, en reconnaissance de son engagement envers les secteurs les plus défavorisés et de leur indépendance face aux pressions idéologiques. Il a également reçu de multiples prix de théologie, y compris le prix Yves Congar pour la Théologie et le Religious Book Award pour son travail pour la théologie de la libération (https://www.religiondigital.org/corresponsal_en_chile-_anibal_n-_pastor/Fallecio-Teologia-Liberacion-Gustavo-Gutierrez_7_2718398135.html). Pour les 90 ans de Gustavo Gutiérrez, le pape François avait salué son «service théologique » et « son amour préférentiel pour les pauvres et les exclus de la société». Le pape l’avait remercié pour «sa façon d’interpeller la conscience de chacun, afin que personne ne reste indifférent au drame de la pauvreté et de l’exclusion» (https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2024/10/23/mort-a-96-du-pretre-gustavo-gutierrez-considere-comme-le-pere-de-la-theologie-de-la-liberation_6358443_3382.html).
L’ordre dominicain du Pérou a annoncé que des messes seraient célébrées en son honneur dans les prochains jours et qu’un hommage lui serait rendu dans la basilique de Santo Domingo de Lima. Sa dépouille reposera à partir de mercredi soir dans une salle de recueillement de la communauté dominicaine de la capitale. En 2018, le pape argentin avait canonisé une autre figure majeure de la théologie de la libération, monseigneur Romero, qui avait été assassiné en pleine messe en 1980 au Salvador ). Le père Gutiérrez a toujours été clair dans sa vision : «La pauvreté n'est pas un signe de vertu, mais d'injustice». Ces paroles résonnent dans son travail pastoral et académique. Dans les paroisses les plus humbles de Lima, en particulier dans le district de Rímac, Gutiérrez a construit une communauté en lien avec l'Évangile et la transformation sociale. L’option préférentielle pour les pauvres, une des pierres angulaires de la théologie de la libération, est pour elle une réponse à l’appel du Christ à l’amour et servir les plus pauvres ((https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2024/10/23/mort-a-96-du-pretre-gustavo-gutierrez-considere-comme-le-pere-de-la-theologie-de-la-liberation_6358443_3382.html, https://www.religiondigital.org/corresponsal_en_chile-_anibal_n-_pastor/Fallecio-Teologia-Liberacion-Gustavo-Gutierrez_7_2718398135.html).
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