Guerre en Ukraine : pourquoi le Saint-Siège s’inquiète face au réarmement de l’Europe
Publié le 27 Mars 2025
Mikael Corre, envoyé spécial à Rome, nous montre dans la-croix.com ce jeudi 27 mars 2025 que les projets de réarmement des dirigeants européens sont jugés «bellicistes» au Vatican, où l’on n’adhère pas au narratif français d’une nécessaire «dissuasion», en particulier nucléaire. Depuis quelques semaines à Rome se diffuse, dans certains cercles diplomatiques, notamment français, l’idée que tout le monde au Vatican n’est pas aligné sur la parole du pape François. Le secrétaire aux relations avec les États, réputé pour sa ligne moins pacifiste que le pape François et le cardinal Parolin, a plusieurs fois rappelé qu’un État agressé – l’Ukraine, par exemple – a le droit de se défendre, y compris par les armes. En revanche, Mgr Gallagher s’est toujours publiquement inquiété de la prolifération de ces dernières, et en particulier des armes nucléaires.
En 2019, le pape François avait sévèrement démonté l’argumentaire de la «dissuasion» auquel la France est attachée, à l’occasion d’un discours au Japon, et avec une lettre diffusée le 18 mars 2025 au patron du journal italien Corriere della Sera et intitulée «Désarmons la Terre», le pape livrait un message était tout autant adressé aux dirigeants européens qu’aux journalistes du Vieux Continent : «Ce qui frappe, c’est la couverture non contradictoire que la presse européenne fait des déclarations bellicistes de ses dirigeants», confie un membre de la Curie, travaillant sur des questions internationales. Fidèles à ce raisonnement, aucune des sources vaticanes interrogées ces derniers jours ne souscrit à l’idée selon laquelle, aujourd’hui en Europe, «qui veut la paix prépare la guerre». Le cardinal Pietro Parolin aurait d’ailleurs retourné l’adage, lors d’une récente réunion de travail à la Secrétairerie d’État, déclarant : «Ce qui est certain, c’est que qui veut la guerre, prépare la guerre.» «L’inquiétude face à la prolifération des armes est sincèrement partagée au Saint-Siège, insiste une haute source vaticane. Cela ne me semble pas juste d’imaginer une administration opposée à François sur ce sujet, en particulier en ce qui concerne le nucléaire et les drones.»
Laurent Larcher nous montre aussi dans la-croix.com (https://www.la-croix.com/societe/face-a-la-russie-les-catholiques-divises-sur-la-necessite-de-se-preparer-a-la-guerre-20250326) que l’appel au réarmement en France et en Europe en raison de la menace représentée par Vladimir Poutine est loin de faire l’unanimité chez les catholiques. Certains s’y opposent par pacifisme dans la ligne traditionnelle du Vatican, d’autres à l’extrême droite par sympathie pour Moscou, quand les plus indécis, face au dilemme, préfèrent parfois se détourner de l’actualité. Il y a ceux, enfin, qui se rangent avec plus ou moins de conviction du côté des annonces d’Emmanuel Macron. «Ils pensent nécessaire de se réarmer face aux ambitions et au comportement dangereux de Vladimir Poutine.» Dans l’armée, une tendance pro-Poutine et pro-Trump se retrouve chez les officiers catholiques de tendance tradi, et la haute hiérarchie, adhérerait majoritairement au discours de l’Élysée. La nouveauté n’est pas non plus du côté du discours sur la nécessité de réarmer la nation, de se préparer au retour de la guerre de haute intensité, car dans une partie des milieux catholiques de l’armée, c’est le terrorisme islamiste, bien plus que la Russie, qui est vu comme la menace principale. Et le pays qui menacerait le plus la France serait l’Algérie.
Cependant, comme le montre katholisch.de (https://katholisch.de/artikel/60445-bischoefe-in-der-eu-kirche-muss-bei-aufruestungsdebatte-mitreden) l'assemblée plénière de la Commission des conférences épiscopales catholiques de l'UE (COMECE) a débuté par une déclaration différenciée sur le réarmement de l'Europe. Le président, l'évêque Mariano Crociata, a déclaré mercredi au début de la réunion de trois jours à Nemi, près de Rome, que les changements les plus graves actuellement sont l'attaque de la Russie contre l'Ukraine et le retour du «nationalisme pur». Cela change également l’UE. L'Église est appelée à accompagner l'Union avec son enseignement dans cette phase difficile, a souligné Crociata, évêque de Latina près de Rome. En ce qui concerne la guerre en Ukraine, Crociata a déclaré que c'était une mauvaise chose que de tenter de déformer la réalité et de transformer l'Ukraine d'une victime en un agresseur. Dans le même temps, des tentatives sont faites pour la dégrader au rang de marchandise dans le cadre d’une négociation qui se déroule par-dessus sa tête.
Concernant l'avenir de l'UE, Crociata a expliqué qu'avec la fin de la phase de paix en Europe, la question se pose de savoir comment l'UE peut rester fidèle à elle-même en tant que projet de paix. L’Église doit avoir son mot à dire dans le débat sur le réarmement en Europe. Leurs enseignements ne conduisent pas à un pacifisme inconditionnel, qui conduit finalement les perdants à se soumettre. Il enseigne plutôt qu’une défense de dissuasion doit être recherchée en conjonction avec un effort de dialogue. «De par sa nature même, l’UE doit construire des ponts et rechercher le dialogue (...) Mais lorsque la confiance est trahie et que tous les efforts non militaires pour parvenir à la paix échouent, la nécessité d’une défense commune à des fins de dissuasion doit être reconnue.» Néanmoins, a déclaré Crociata, il faut éviter une course générale aux armements. En outre, les dépenses consacrées à la protection de la dignité humaine, à la justice sociale, à l’aide au développement et à la protection de l’environnement ne doivent pas être réduites.
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