Publié le 12 Septembre 2023
LeMonde.fr avec l’AFP nous montre que la première étude scientifique sur l’étendue des abus sexuels commis dans l’Eglise catholique en Suisse a permis de trouver 921 victimes depuis 1950, a révélé mardi 12 septembre 2023 l’université de Zurich, chargée de l’enquête par les autorités ecclésiastiques. «Ce n’est sans doute que la [partie émergée] de l’iceberg», a expliqué la professeure Marietta Meier, qui a dirigé l’étude avec sa collègue Monika Dommann, la plupart des cas n’ayant pas été signalés ou les documents les répertoriant ayant été détruits. C’est le premier résultat d’un travail d’enquête d’un an mené par des historiens et destiné à faire la lumière sur les abus dans le pays helvétique, à l’instar d’enquêtes similaires menées de longue date ailleurs dans le monde. Selon ce premier volet, qui va être complété par une nouvelle campagne de recherches d’une durée de trois ans, 74 % des victimes identifiées jusque-là sont des mineurs. Au total, 510 personnes, presque uniquement des hommes, ont commis les abus. Plus de la moitié (56 %) des victimes sont de sexe masculin, 39 % de sexe féminin et on ignore le sexe de la victime pour les cas restants, souligne encore le document.
En Suisse, comme ailleurs, il «est apparu clairement que les responsables de l’Église ignoraient, dissimulaient ou minimisaient la plupart des cas d’abus sexuels analysés jusqu’aux années 2000», notent les chercheurs. «Lorsqu’ils étaient contraints d’agir, ils ne le faisaient souvent pas en se concentrant sur les personnes concernées, mais pour protéger les auteur·e·s [de ces abus sexuels], l’institution ou leur propre position», soulignent-ils. Ce sujet «nous préoccupe depuis longtemps déjà, cela nous afflige et nous fait honte», a déclaré la présidente de la Conférence centrale catholique romaine de Suisse, Renata Asal-Steger, lors de la conférence de presse de présentation du rapport. «Nous sommes passés à côté du sujet, on a présenté d’innombrables excuses et [nous avons accompli] des actions qui ne sont pas à la hauteur de ce à quoi les victimes ont droit», a-t-elle reconnu. Soulignant que «c’est un jour important pour l’Église catholique romaine de Suisse», Mme Asal-Steger a insisté : «Même si des actes atroces et des manquements innombrables dans les rangs des trois organisations nationales de l’Église catholique seront aujourd’hui mis en lumière, nous sommes reconnaissants.»
«Nous ne devons pas seulement nous excuser pour les abus sexuels commis dans le cadre ecclésial, mais aussi réparer et prévenir et surtout ne plus jamais minimiser ou dissimuler», a souligné Mgr Joseph Bonnemain comme le montre cath.ch (https://www.cath.ch/newsf/abus-sexuels-leglise-promet-des-mesures/). Le responsable pour la question des abus au sein de la Conférence des évêques suisses (CES) a promis une série de mesures concrètes. La première est la mise en place d’une instance nationale d’annonce et d’accueil pour les victimes d’abus dont les contours restent cependant encore à dessiner. Jusqu’à présent en effet, les diocèses, monastères, congrégations et associations de victimes agissaient de manière dispersée. La deuxième promesse de Mgr Bonnemain concerne une attention accrue est systématique sur le profil psychologique des toutes les personnes actives en Église. Il s’agit d’uniformiser les procédures en créant des standards nationaux dans le domaine. Dans ce sens, une professionnalisation du travail des ressources humaines est nécessaire pour garantir le respect des personnes. Ceci dans de toutes les instances de l’Église.
L’étude a démontré également que la gestion des archives joue un rôle essentiel dans le traitement des abus sexuels. Mgr Bonnemain recommande de ne plus détruire aucun document, y compris en s’affranchissant du droit canon qui le prévoit (art.489). Enfin, de manière plus générale, il importe que l’Église revoit son approche de la sexualité en s’écartant d’une fausse interprétation de la doctrine. Mgr Joseph Bonnemain a également promis qu’il demanderait au pape l’ouverture des archives du Vatican. Les générations futures ont le droit de vivre dans une Église libre de toute violence. L’étude actuelle n’est que le début d’un long processus, conclut l’évêque de Coire.
«J’ai de la peine à retenir mon émotion. Aujourd’hui comme beaucoup de victimes j’ai envie de pleurer», a relevé Vreni Peterer. La représentante de l’association alémanique des victimes IG Miku a rappelé que derrière le millier de cas signalés, il y a autant de personnes qui ont souffert et qui souffrent encore des abus et des manquements des responsables. Leur souffrance s’étend aussi à leurs familles et leurs proches. Pour elle, la prochaine étape consiste à thématiser la question de l’abus spirituel qui, dans presque tous les cas, a précédé ou accompagné l’abus sexuels.
Jacques Noffer, président du groupe SAPEC en Suisse romande, a lui aussi salué cette étape qui en appelle d’autres. Il souhaite en priorité un appel à témoignages spécifique envers toutes les personnes qui ont vécu dans les institutions d’Église, foyers, écoles, pensionnats ou qui ont été membres des groupements de jeunesse. À l’instar de la CIASE en France, il suggère de développer des études interdisciplinaires intégrant la sociologie, la psychologie, le droit et la théologie. Il s’agit entre autre de mesurer la prévalence des abus, puisque les chercheurs s’accordent pour dire que les cas connus ne sont que la pointe émergée de l’iceberg. Le représentant romand a demandé aussi de rétablir un équilibre avec la partie latine de la Suisse, pour l’heure un peu laissée à l’écart. «Nos associations continueront leur travail de vigilance et d’alerte.»
Le séminaire d’histoire de l’Université de Zurich a annoncé la prolongation pour trois ans de son mandat. À partir de 2024, il s’agira d’approfondir les éléments soulevés dans l’étude préliminaire. Par exemple, la question des abus dans les communautés nouvelles, leur prévalence dans les missions linguistiques, la spécificité catholique des abus, ou la co-responsabilité de l’État. Les historiens ont répété également leur désir d’avoir accès aux archives du Vatican.
Hasard du calendrier, la plus haute autorité de l’Église catholique romaine en Suisse a annoncé dimanche qu’une enquête préliminaire a été ouverte sur des accusations de dissimulation d’agressions sexuelles au sein de l’Église. La Conférence des évêques de Suisse avait précisé, dans un communiqué, que l’enquête avait été ouverte à la suite d’«allégations formulées à l’encontre de plusieurs membres émérites et en exercice de la Conférence des évêques suisses, ainsi que d’autres membres du clergé, dans la gestion des cas d’abus sexuels» après un courrier adressé au nonce apostolique en mai 2023.
Merci !