Raphaël Zbinden dans cath.ch nous montre dans son article du jeudi 23 mars 2024 que lors d’une récente interview à la chaîne américaine CBS, le pape François a semblé exclure l’accès des femmes au ministère diaconal. Après sa réponse négative, le pontife a précisé: «S’il s’agit de diacres avec les ordres sacrés [ordonnées], non (…) Mais les femmes ont toujours eu les fonctions de diaconesses sans être diaconesses, n’est-ce pas? Les femmes offrent un grand service comme femmes, pas comme ministres […] au sein de l’ordre sacré». Des propos qui ont suscité de nombreuses réactions, alors que plusieurs conférences synodales nationales ont mis ce point en exergue en vue de la session d’octobre à Rome. «Je suis triste et en colère», confie ainsi à cath.ch Marie-Christine Conrath, membre du Réseau des femmes en Eglise, en Suisse romande. «C’est une énorme déception, cela montre encore une fois à quel point les femmes ne sont pas reconnues dans l’Eglise. Quand est-ce qu’elle se réveillera?» Les paroles du pape ont d’autant plus choqué qu’un certain nombre de rumeurs couraient sur une orientation positive de l’évêque de Rome pour le diaconat féminin. La religieuse Linda Pocher, l’une des principales consultantes du pontife en la matière avait récemment assuré que le Saint-Père était «très favorable au diaconat féminin».
Après écoute attentive de l’interview, des observateurs constatent toutefois que le pape François n’écarte pas la possibilité, si ce n’est «d’ordonner», «d’instituer» des femmes diacres. Un pas qui ne satisfait pas tous les tenants d’une juste place des femmes dans l’Eglise. «Si cette évolution [d’une institution des femmes] se confirme, nous la prendrons, car il est sûr que les choses bougent par petits pas, assure Marie-Christine Conrath. Mais ce sont des pas de fourmis. Les responsables de l’Eglise ne se rendent pas compte à quel point ces rôles de ‘seconde classe’ que l’on daigne accorder aux femmes sont blessants. Nous avons l’impression de ne pouvoir être que des servantes silencieuses et soumises, malgré tout le travail que nous accomplissons.» Claire Jonard, facilitatrice au Synode d’octobre 2023, estime aussi que le pape François a pu esquisser une forme de «troisième voie» pour le diaconat féminin, qui ne nécessiterait pas une ordination. «La question du diaconat féminin est très présente dans les rapports envoyés à Rome par les Conférences épiscopales de nombreux pays. Et, comme c’est le cas dans la synthèse suisse, ces documents exhortent à ne pas aller vers un diaconat ‘au rabais’.» «Une forme spéciale de diaconat ‘pour les femmes’ serait considérée, dans le contexte suisse, comme l’expression d’une relégation des femmes, au même titre que la gradation du diaconat par rapport au ministère ordonné», dit exactement le texte envoyé mi-mai au Vatican (p7).
L’intervention sur CBS a-t-elle donc définitivement «enterré» l’idée du diaconat féminin, où peut-on encore s’attendre à un revirement? «Le pape aura le dernier mot sur cette question, rappelle Claire Jonard. Mais il faut se rappeler qu’un interview n’est pas un texte magistériel. Il ne valide aucune décision. Je pense que pour donner un avis définitif, il faudra attendre la fin du processus synodal.» Il n’est pas impossible que l’épisode de la déclaration Fiducia supplicans (décembre 2023), qui a autorisé la bénédiction des couples irréguliers, ait eu une influence sur le pontife dans le dossier du diaconat féminin. Pourrait-on ainsi aller, comme avec les bénédictions des couples homosexuels, vers une «solution sur mesure», qui tiendrait compte des diverses sensibilités ecclésiales? Une telle idée a été énoncée par la théologienne américaine Phyllis Zagano. Tout en assurant que le diaconat féminin n’est «qu’une question de temps», elle estime que, sans explicitement accepter des diaconesses, le pape pourrait mettre en place une situation dans laquelle un diocèse pourrait procéder à des ordinations diaconales féminines qui seraient ensuite validées par le Vatican.
Helena Jeppesen, déléguée suisse au Synode, appelle d’ores et déjà les diocèses du pays à agir de leur propre chef. Ils doivent «continuer d’introduire d’urgence ce qui peut se faire liturgiquement sans consécration: les baptêmes, les célébrations de la Parole avec communion, les prédications», assure-t-elle à kath.ch. C’est, selon elle, l’action pragmatique sur place, en plus de la collaboration au niveau du Synode mondial, qui «aura également une influence et changera l’Église, peut-être aussi la théologie». Mais, autant que le fond, la forme de l’intervention du pape François interroge. «Je n’arrive pas à comprendre le sens de cela, admet Claire Jonard. Le pape a-t-il voulu ainsi susciter le débat sur ce sujet? Je pense que cela ne rend en tout cas pas plus claire la lecture du processus synodal. Le diaconat féminin est un point qui a été mis à l’ordre du jour par beaucoup de rapports nationaux, il sera de toute façon discuté et inscrit dans l’Instrumentum laboris (instrument de travail). Les propos du pape peuvent certainement jeter un trouble sur le vote de l’assemblée.» Marie-Christine Conrath est également perplexe. Même si elle assure qu’elle continuera à participer au synode, ce dernier épisode a écorné sa confiance dans le processus. «Si le but est de nous écouter les uns les autres, mais que l’on n’entend finalement pas les femmes, à quoi tout cela sert-il?»
Enfin, katholisch.de (https://www.katholisch.de/artikel/53573-ordensfrau-papst-veto-zu-diakonat-der-frau-nicht-ueberbewerten) nous montre ce samedi que Selon ses propres mots, la religieuse bénédictine Philippa Rath souhaite promouvoir davantage l'ordination des femmes dans l'Église catholique même si depuis quelque temps déjà, des «signaux contradictoires viennent de Rome». "Nous sommes très, très nombreux. Et nos arguments en faveur de l'ordination des femmes sont les meilleurs", a déclaré Rath dans une interview sur le portail kirche-und-leben.de. Le récent «non» du pape François au diaconat des femmes ne doit «pas être surestimé», mais de nombreuses femmes «ne sont pas disposées à attendre plus longtemps» et elle signale que "Les femmes ne sont pas des enfants immatures qu'il faut avertir du doigt levé". En revanche, elle était d'accord avec la demande du cardinal Hollerich concernant un test d'aptitude. "Une vocation, chaque vocation doit être examinée." Elle souhaiterait «qu’un tel test soit également réalisé sérieusement pour les candidats masculins».
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