Arnaud Gonzague nous montre dans son article dans nouvelobs.com ce dimanche 23 juin 2024 que dans une tribune en ligne du journaliste et théologien Christian Delahaye, titrée «Honte aux évêques français !», le bimestriel chrétien «Golias» pourfend le «silence» des «évêques mercenaires» coupables de «désertion en rase campagne électorale» qui refusent d’appeler à voter contre l’extrême droite. «Une faute» de l’Église «devant le pays, mais surtout devant l’Évangile». Il est vrai que, si trois évêques du Nord (Mgr Le Boulc’h de Lille, Mgr Dollmann de Cambrai et Mgr Leborgne d’Arras) se sont fendus d’un texte – clairement hostile à l’extrême droite (même si le RN n’y est pas mentionné) –, la Conférence des évêques de France (CEF) publie, ce 20 juin, un communiqué qui ne brille pas par la netteté de son propos.
Et face à cette marée brune, la CEF fait le minimum, alors que, rappelle la tribune de «Golias», après l’arrivée au second tour de la présidentielle de Jean-Marie Le Pen en 2002, les évêques avaient, sans ambiguïté, rejeté «un projet de société qui n’a rien à voir avec le message d’espérance du Christ». Aujourd’hui, alors que le résultat des législatives est encore très incertain, les prélats ne se mouillent plus. «La CEF fonctionne selon le consensus et les évêques sont divisés», rappelle Christian Delahaye. Et «pour ne pas prendre le risque d’afficher des fractures internes » entre progressistes et réactionnaires, la Conférence fait dans l’eau tiède». Une «nuit de l’Église», dit «Golias», qui contraste heureusement avec le volontarisme de quelques associations chrétiennes progressistes (la Cimade, le Comité de la jupe, la Fédération entraide protestante, Pax Christi…), appelant à défiler contre l’extrême droite à Paris ce dimanche 23 juin.
Par dépit ou par colère, voter RN «parce qu’on n’a jamais essayé» comme on l’entend beaucoup, n’est pas une bonne idée. Hongrie, Italie, Finlande… Partout où ils sont aux affaires, les nationalistes, tout à leurs préoccupations identitaires et liberticides, ont tôt fait d’oublier leurs promesses sur le pouvoir d’achat. Contrairement à ce que les partis d’extrême droite promettent quand ils sont en campagne électorale, cherchant à appâter celles et ceux qui redoutent perte de pouvoir d’achat et déclassement, ce n’est pas sur l’amélioration des conditions économiques des citoyens qu’ils agissent en premier, non, c’est sur la chasse à l’étranger et la restriction des libertés (https://www.liberation.fr/idees-et-debats/editorial/les-extremes-droites-a-lepreuve-du-pouvoir-en-europe-le-vernis-social-secaille-les-libertes-serodent-20240621_RQW5KLJOJZA37BPUZM62IM4JNE/).
Droits des immigrés, réchauffement climatique, liberté d’expression… Quand ils exercent le pouvoir, seuls ou en coalition, les partis nationalistes grignotent insidieusement les acquis de l’État de droit. Et laissent derrière eux des mesures difficiles à détricoter et des séquelles béantes au sein des populations. C’est, en Suède, une proposition de loi visant à obliger les fonctionnaires, comme les enseignants ou les soignants, à dénoncer à la police les personnes sans papiers avec lesquelles ils sont en contact. C’est, en Italie, l’élection au suffrage universel du Premier ministre, la «mère de toutes les réformes» lancée par la cheffe du gouvernement, Giorgia Meloni, et dénoncée par l’opposition comme une dérive dangereuse pour le pluralisme démocratique. C’est encore, en Hongrie, un texte en vigueur criminalisant le financement étranger des partis et des ONG, une manière de museler les acteurs de la société civile et les derniers médias critiques du pouvoir, comme en Russie (https://www.liberation.fr/international/europe/dans-les-pays-deurope-ou-lextreme-droite-est-au-pouvoir-une-bien-rance-experience-20240621_WITUC7C6XFDR7OEXCYNUBFYVY4/).
Le modèle finlandais montre que l’amélioration des conditions économiques des citoyens n’intéresse pas l’extrême droite. L’extrême droite s’est glissée au pouvoir en Finlande il y a un peu plus d’un an, et depuis, au sein de la coalition gouvernementale, elle grignote à marche forcée les acquis sociaux. Le 2 avril 2023, le Parti des Finlandais (extrême droite) gagne sept nouveaux sièges au Parlement et devient la deuxième force politique dans le pays. Il aura fallu deux mois d’âpres négociations pour que se forme une coalition des quatre partis, à savoir le Parti de la coalition nationale (conservateur, 20,8 %) du Premier ministre, le Parti des Finlandais (20 %), le Parti populaire suédois de Finlande (centre droit, 4,3 %) et les Chrétiens-démocrates (4,2 %). Comme en Italie, au Brésil, et en Argentine, la droite s’est alliée à l’extrême droite. Et ce gouvernement appuie fièrement l’austérité, la facilitation des licenciements, la possibilité de faire grève restreinte, l’assurance chômage moins accessible… La coalition en place, du centre à l’extrême droite, sape les droits des travailleurs, et ferme les yeux sur le racisme et l’homophobie (https://www.liberation.fr/international/europe/en-finlande-un-detricotage-systematique-des-droits-sociaux-20240621_EH7Z7VY5S5GEVAXX7QCM5WSDYA/).
L’inquiétude envers le RN touche particulièrement les femmes, ce qui explique que des dizaines de milliers de personnes ont défilé ce dimanche à Paris et en France pour dénoncer le danger pour les droits des femmes que représenterait une victoire du RN, à une semaine du premier tour des législatives. Entre 13 000 personnes, selon la préfecture de police, et 75 000, selon les organisateurs, ont manifesté dans la capitale, à l’appel de plus de 200 associations (Fondation des femmes, Planning familial, #Noustoutes...), ONG (Oxfam, France Terre d’Asile...) et syndicats (CGT, CFDT...). En régions, 14 000 manifestants ont été recensés dans 41 rassemblements, de source policière. Les organisateurs en ont dénombré «plus de 100 000» au niveau national (https://www.liberation.fr/politique/en-direct-legislatives-les-derniers-jours-dune-campagne-eclair-20240623_HWI77SQQ2FHUTEPLGSIVLNGFAA/).
Si voter Nouveau Front Populaire pose problème, sachez que LFI n’a que 229 circonscriptions, alors que le PS en a 175, EELV en a 92 et le PCF 50, en gros 317 circonscriptions gagnables sans LFI. Et on a aussi le choix de voter les dissidents de gauche appuyés par les membres du Front Populaire socialistes, écologistes et communistes. Mettre en minorité LFI, permettra aux partis plus modérés à gauche de faire une politique plus apaisée et ainsi Jean-Luc Mélenchon n’aura pas son mot à dire surtout quand il dit des bêtises sur Léon Blum en faisant l’éloge de ses troupes qui n’ont pas son expérience parlementaire : «Quand Léon Blum devient chef du gouvernement en 1936, il n’est pas au niveau de Manuel Bompard, ni de Mathilde Panot ou de Clémence Guetté, il était critique d’art et dirigeant marxiste du Parti socialiste», déclarait-il. Manuel Bompard, Mathilde Panot et Clémence Guetté ne sont pas au niveau de Léon Blum, ce dernier a derrière lui une solide expérience de parlementaire : élu député de Paris en 1919, il prend la tête du groupe parlementaire SFIO jusqu’en 1936. Soit 17 ans d’expérience, là où les personnalités insoumises évoquées par Jean-Luc Mélenchon n’ont qu’un ou deux mandats à leur actif. Léon Blum a aussi compris que la révolution ne pouvait passer que par des organisations et des pratiques démocratiques, ce que l’on ne retrouve pas chez LFI (https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/mathilde-panot-n-avait-pas-revise-l-histoire-de-leon-blum-et-benjamin-duhamel-l-a-placee-devant_235824.html).
Que Jean-Luc Mélenchon se taise, à chaque fois qu’il parle il donne un prétexte à Renaissance, LR, et au RN et ses alliés de dire que le Front populaire est dangereux. En campagne pour le Nouveau Front populaire dans la première circonscription de Corrèze, l’ex Président de la République socialiste François Hollande, n’a pas eu tort d’estimer devant un journaliste de Libération, que Jean-Luc Mélenchon devait «se mettre en retrait pour rendre service au Nouveau Front populaire» réponse à l’interview ce samedi du leader des insoumis sur France 5 qui a réitéré son souhait d’être candidat à Matignon, en cas de victoire de la gauche aux élections législatives. Et pour Clémentine Autain, Mélenchon «n’est pas la personnalité qui peut faire consensus», ce que confirme Fabien Roussel en disant que «L’idée n’a jamais fait l’objet d’un accord entre les forces du front populaire». (https://www.lemonde.fr/politique/live/2024/06/23/en-direct-legislatives-2024-a-paris-dans-la-manifestation-feministe-contre-l-extreme-droite-des-craintes-autour-des-attaques-contre-l-ivg_6242710_823448.html, et https://www.liberation.fr/politique/en-direct-legislatives-les-derniers-jours-dune-campagne-eclair-20240623_HWI77SQQ2FHUTEPLGSIVLNGFAA/).
Merci !