Comme nous l’apprennent Libération.fr et l’AFP, critiqué pour sa gestion erratique du diocèse de Toulon et pour sa proximité affichée avec l’extrême droite, Mgr Dominique Rey a annoncé le mardi 7 janvier 2024 sa démission. Il sera remplacé par Mgr François Touvet, qui avait été nommé par le Vatican pour le seconder. «Le nonce m’a informé que le Saint-Père me demandait de déposer ma charge d’évêque diocésain de Fréjus-Toulon, a écrit l’évêque de 72 ans dans un communiqué. Face aux incompréhensions, aux pressions, et aux polémiques toujours néfastes pour l’unité de l’Eglise, le critère ultime de discernement reste pour moi celui de l’obéissance au Successeur de Pierre.»
Dans un entretien à Famille chrétienne, il précise avoir envoyé une lettre de démission le 31 décembre, au pape François, officialisée par le Vatican ce mardi. Le pape l’avait reçu en audience privée le 22 décembre 2023. Une rencontre où, selon Mgr Rey, le pape François l’aurait «encouragé à assumer cette collaboration dans un esprit fraternel, et à ne pas démissionner». Le pape l’a à nouveau reçu le 30 novembre 2024. «J’étais prêt à poursuivre ma mission, assure-t-il à Famille chrétienne. Ce brusque changement de cap constitue donc une épreuve et un moment de remise en cause de moi-même» Pourtant, cette démission apparaît comme la suite logique d’un désaveu concernant sa gouvernance du diocèse. Une enquête apostolique du Vatican avait mis au jour un accueil inconsidéré d’une multitude de communautés, notamment traditionalistes, de prêtres, parfois en rupture de ban, et de séminaristes, qui ont abîmé l’unité et l’équilibre du diocèse. Une enquête qui faisait suite à une «visite fraternelle» conduite en 2021 dans le diocèse par l’archevêque de Marseille, Jean-Marc Aveline (https://www.la-croix.com/religion/sous-la-pression-du-vatican-mgr-dominique-rey-demissionne-de-sa-charge-d-eveque-de-frejus-toulon-20250107).
À la tête du diocèse du Var depuis 2000, Mgr Dominique Rey, considéré comme l’un des évêques les plus conservateurs de France, était un adepte de la messe en latin, promoteur d’un masculinisme catholique et supporteur de «la Manif pour tous». Tout avait débuté en 2022 par une décision extrêmement rare du Vatican : la suspension de l’ordination de prêtres dans le diocèse puis le déclenchement d’un audit. À l’issue de cet audit, le Vatican avait annoncé fin 2023 la nomination de Mgr François Touvet, jusqu’alors évêque de Châlons-en-Champagne (Marne), pour gérer l’administration, le clergé, la formation des séminaristes et des prêtres, laissant de fait peu de pouvoirs à Mgr Rey. Une mise sous tutelle destinée à infléchir ses méthodes controversées dans le diocèse. C’est ce même évêque qui a été nommé ce mardi par le pape pour remplacer Mgr Dominique Rey. Issu de la communauté de l’Emmanuel (un symbole du «renouveau charismatique»), ce promoteur d’un catholicisme remusclé était critiqué au sein de l’Église pour son style qui a pu s’inspirer de pasteurs évangéliques américains, et son ordination de nouveaux prêtres à tour de bras, souvent originaires d’Amérique latine et souvent considérés ailleurs comme non ordonnables.
Au moment de démissionner, l’évêque connu pour avoir été le fer de lance de la nouvelle évangélisation dans les années 2000-2010, multipliant les initiatives missionnaires, a voulu défendre son bilan de presque vingt-cinq ans d’épiscopat. «Grâce à la mobilisation pastorale des paroisses, à l’apport des mouvements et des communautés de diverses sensibilités spirituelles, à la diaconie du Var, au rayonnement de la vie religieuse, notre diocèse a pu offrir un témoignage évangélique et une vitalité missionnaire reconnue », plaide-t-il dans son communiqué, sans évoquer les dérives et graves irrégularités. «J’ai lancé de nombreuses initiatives, explique-t-il à Famille chrétienne. La majorité d’entre elles ont porté des fruits et sont pérennes. Néanmoins, certaines – je pense de l’ordre de 10 % – ont été problématiques.» (https://www.la-croix.com/religion/sous-la-pression-du-vatican-mgr-dominique-rey-demissionne-de-sa-charge-d-eveque-de-frejus-toulon-20250107).
Cependant, son bilan est difficilement défendable, car comme le signale Mgr Antoine Hérouard, archevêque de Dijon invité de la matinale de RCF et Radio Notre-Dame, "le diocèse était assez fracturé, divisé". D'un côté, "Ceux qui mettaient en avant et à juste titre, les réalisations, le dynamisme, la priorité donnée à la mission, la confiance dans les initiatives, la prise de risque, la place des laïcs, le projet, les projets qui ont été conduits tout au long de l'épiscopat", mais de l'autre, "il y avait aussi ceux qui soulignaient les difficultés créées, les échecs aussi dans l'accueil d'un certain nombre de communautés ou de prêtres, des manques dans le suivi, dans l'accompagnement des personnes, des erreurs sans doute de discernement, et puis la souffrance d'un certain nombre de personnes". "Moi, j'ai quand même été témoin de choses qui m'ont un peu surpris", raconte l'archevêque de Dijon. "Au séminaire de la Castille, il y avait des personnes qui étaient chargées d'organiser matériellement les ordinations chaque année. Ils me disaient que c'était toujours très compliqué. Je disais, pourquoi c'était très compliqué ? Parce qu'on ne savait jamais combien il y avait d'ordonnés". L'ancien secrétaire de la Conférence des Evêques de France y voit là un signe "qu'il y avait quelque chose qui, dans le discernement, ne s'effectuaient pas bien". Au cours de sa visite apostolique, Mgr Hérouard rapporte avoir vu de la tension autour du chef de l'Église Catholique dans le Var. "J'ai vu beaucoup, beaucoup de souffrances chez les collaborateurs les plus directs de l'Évêque ou chez un certain nombre de gens qui étaient en responsabilité dans ce diocèse, en disant, finalement, on ne sait plus très bien où on va, et où on a des difficultés à maintenir un peu un cap, une politique", rapporte-t-il (https://www.rcf.fr/articles/actualite/demission-de-mgr-dominique-rey-les-raisons-dun-depart).
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