francetvinfo.fr avec Radio France nous montrent que c'est la première fois que deux victimes de l'affaire Notre-Dame de Bétharram prennent la parole en présence de représentants de la congrégation. C'était samedi 15 mars, à Bayonne, à l'occasion d'un forum public consacré aux violences sexuelles organisé par une ONG.
Il y a d'abord eu une conférence de presse, en début d'après-midi, initiée par des membres de la congrégation religieuse de Bétharram. Ils s'installent sur les petits fauteuils de l'amphithéâtre. Ils sont là pour donner des détails supplémentaires à propos de la commission d'enquête indépendante lancée par la congrégation religieuse et commencent à prendre la parole quand soudain : "Soutien ad vitam aux victimes de Bétharram", crient trois Fémens dont les messages sont tatoués sur leur poitrine nue. La scène dure quelques minutes. Le père Laurent Vachaud et le vicaire régional Jean-Marie Ruspil regardent le sol, gênés puis les Fémens s'en vont et la conférence se poursuit. Ils annoncent alors que c'est le président de l'Institut Joinet qui organise ce forum, Jean-Pierre Macias, qui présidera cette commission. La congrégation annonce aussi que les réparations financières concerneront aussi les victimes de violences physiques à Bétharram et pas seulement les victimes de violences sexuelles. Elle garantit également un accès total aux archives et propose à un représentant des victimes de faire partie des travaux de la commission dont la composition sera connue la semaine prochaine. Elle devra rédiger, dans un délai d'un an, le rapport final retraçant l'ensemble de ses travaux.
L'après-midi a été en partie consacré aux témoignages de deux victimes de Bétharram. Ils témoignent devant un membre de la congrégation qui se fait discret dans le public. Avant, c'était hors de question mais plus, disent-ils, depuis que l'institution reconnaît les violences. Jean-Rémi Arruyer prend la parole en premier, victime d'agressions sexuelles, dit-il, dans l'institution. Son témoignage est fort, il s'accroche à ses feuilles, décrit l'enfer : "Quand nous débarquions du bus, chaque dimanche soir, nous étions, pour la plupart, pleinement conscients qu'une nouvelle semaine en enfer s'annonçait. Le 'Stalag', c'est ainsi que nous surnommions le camp d'internement au bord du Gave et sa galerie de tortionnaires." "Nous sommes tous brûlés de l'intérieur", dit-il en finissant son intervention. Puis c'est au tour d'Olivier Bunel de monter au pupitre. Élève à Bétharram entre 1981 et 1983, entre ses 11 ans et ses 13 ans, il a apporté une photo de lui enfant. Un jeune garçon, les cheveux bruns, coupe au bol, qui respirait la joie de vivre avant que les portes de Bétharram ne se referment sur lui : "J'étais une proie, extrêmement facile pour eux." Il décrit les abus, les coups qui s'abattent sur lui, donnés par un pion que tout le monde surnommait Cheval : un pervers, tyran, sadique. Lui qui ne voulait pas de réparation financière a finalement changé d'avis : "Moi, ma seule réparation aurait été que cette personne finisse là où elle doit être. Mais depuis une dizaine de jours, j'ai changé d'avis, dans la mesure où le procureur nous a dit que malheureusement, ça ne sera pas possible." "D'une certaine manière, poursuit Olivier Bunel, il faut qu'il y ait une autre forme de réparation qui pour moi était compliquée à envisager parce que, quand je demande de l'argent, j'ai l'impression que c'est malsain. Je n'en veux pas à la base mais si c'est la seule manière, je dis pourquoi pas. Ce n'était pas un viol, c'était 71 semaines de viols, d'agressions sexuelles et de coups." Le collectif des victimes de Bétharram a aussi demandé à la congrégation d'assumer les traitements psychiatriques très coûteux des victimes ainsi que les frais d'avocats.
francetvinfo.fr avec Radio France (https://www.francetvinfo.fr/societe/education/affaire-de-violences-sexuelles-a-notre-dame-de-betharram/affaire-betharram-pour-l-enseignement-catholique-proteger-l-institution-plutot-que-la-personne-est-revolu_7131651.html) nous montrent aussi un examen de conscience induit par l'affaire Bétharram. Le secrétaire général de l'enseignement catholique, Philippe Delorme, a affirmé, samedi 15 mars, que le temps où l'on "cherchait à défendre l'institution plutôt que la personne [était] révolu". "Plus jamais nous ne devons chercher à masquer des affaires pour protéger l'institution. La personne, parce que c'est vraiment au cœur de notre projet, doit toujours être protégée", a-t-il insisté dans un discours évoquant, à la suite de l'affaire de Notre-Dame-de-Bétharram, le "grand nombre de témoignages d'anciens élèves de l'enseignement catholique [qui] révèlent des actes de violence inqualifiables et des abus sexuels allant jusqu'au viol".
"Tout le monde a ces évènements en tête et je tiens à ce que ce message soit porté par tous", a ajouté auprès de l'AFP Philippe Delorme, après son intervention en ouverture des journées nationales de la fédération nationale des organismes de gestion de l'enseignement catholique, à Toulouse. "On le doit aux victimes, on doit, pour ces victimes, avoir un langage clair, sans chercher à minimiser les choses, mais en avançant résolument pour que nos maisons soient toujours des maisons sûres aujourd'hui." Il a également rappelé que l'enseignement catholique avait mis en place des dispositifs de vigilance et de protection, notamment à la suite du travail de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église catholique (Ciase). "Il appartient aujourd'hui à chaque acteur de l'enseignement catholique dont vous faites partie de vérifier que les dispositifs mis en place depuis plusieurs années, (...) pour que chacune de nos écoles soit des lieux de bientraitance éducative, soient efficients", a-t-il dit aux représentants des organismes de gestion de l'enseignement catholique.
L’affaire Bétharram a un effet boule de neige puisque le parquet de Limoges annonce vendredi 14 mars l’ouverture d’une enquête préliminaire, révèle "ici Limousin" (ex-France Bleu), après les révélations de deux anciens élèves de l'école Ozanam à Limoges (Haute-Vienne). Scolarisés dans les années 1970, ils dénoncent des agressions sexuelles et mettent en cause des prêtres de la congrégation de Bétharram qui y ont officié. Cette congrégation était, à l’époque et durant des décennies, responsable de cette institution catholique de Limoges (https://www.francetvinfo.fr/societe/education/affaire-de-violences-sexuelles-a-notre-dame-de-betharram/apres-l-affaire-betharram-l-ecole-ozanam-a-limoges-mise-en-cause-par-deux-anciens-eleves-pour-abus-sexuels_7129290.html). Et le collège Saint-Pierre du Relecq-Kerhuon, à côté de Brest, surnommé «le bagne» par ses anciens élèves, qui a été le théâtre d’une extrême violence du personnel enseignant, est dénoncé par les 114 membres du collectif des victimes de l’établissement. Ils accusent une dizaine d’enseignants (https://www.liberation.fr/checknews/jai-administre-des-bonnes-raclees-un-ex-enseignant-du-betharram-breton-admet-et-assume-les-violences-sur-les-eleves-20250315_ETSKXBULJZHQTJLPXPHBWTNNDM/).
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