En ce jour, où l’Église catholique fête la Sainte Famille, nous devons nous demander que savons-nous aujourd'hui, à coup sûr, de Joseph, Marie et Jésus ? Que pensent les exégètes catholiques les plus sérieux à propos des frères et sœurs de Jésus ? Est-il crédible que, dans la culture juive de son temps, il n'ait pas formé sa propre famille ? Comment a vécu ta sexualité ? A-t-il ressenti de la tentation? Peut-il tombé amoureux ? Quelle relation a-t-il eu avec Marie Madeleine ? Bien qu'étant le plus étudié et analysé par la culture occidentale, Jésus reste un des personnages historiques les plus méconnus. On ne sait pas grand chose de l'homme qu'un milliard de personnes vénère comme le "Fils de Dieu". Des siècles de manipulations ont effacé les quelques indices sur sa réalité. Et les Évangiles ?
Traditionnellement, ils nous ont été présentés comme des textes historiques. Aujourd'hui, tous les théologiens reconnaissent que vous ne pouvez pas écrire avec eux une biographie de Jésus. «L'Évangile est un témoignage des croyants, ce que les évangélistes racontent n'est pas l'histoire, mais l'expression de leur foi en Jésus-Christ», explique dans ses œuvres le prestigieux théologien néerlandais Edward Schillebeck. Et si nous savons peu de choses sur sa vie, et presque rien sur son enfance. Et de sa famille, encore moins. Les grands-parents maternels de Jésus n'apparaissent pas du tout dans les Évangiles. Mais la tradition chrétienne ne pouvait pas laisser le Grand Enfant sans grands-parents maternels. Ce serait un péché contre la tendresse. Cet écart est pieusement reconstitué à travers le "Proto-Evangile de Jacques", un apocryphe écrit au IIe siècle, dans lequel Joaquim et Anne apparaissent comme les parents de Marie. De la grand-mère paternelle, pas de trace. Le grand-père paternel, d'autre part, figure dans les évangiles de Matthieu et de Luc, mais avec un nom différent : Jacob et Héli.
De Joseph, le père de Jésus, nous savons aussi très peu. Il était un «tekton» (ouvrier du bâtiment ou un artisan, les exégètes optent pour le deuxième métier) et les Évangiles elles-mêmes le présentent comme un peu plus qu'une ombre. Il est bien entendu possible que Jésus ait hérité du métier de son père. Joseph comme beaucoup de Judéens habitant la Galiléen, observe fidèlement les prescriptions de la Loi comme le montre Luc 2,22-39 et Luc 2,41. La famille a pu posséder et cultiver un peu de terrain pour satisfaire ses propres besoins, il y avait au moins sept enfants parvenus à l’âge adulte, et Jésus aurait donc aussi travaillé la terre. Dans ses paroles, il fait montre d’une bonne connaissance du métier de paysans. Le théologien et journaliste Juan Arias affirme dans son récent ouvrage "María, esa desconocida" (éditions Maeva, 2005) que Joseph était "un jeune homme entre 16 et 18 ans, qui a épousé Marie quand elle avait entre 12 et 16 ans, et n'est pas un vieux veuf avec six enfants d'un précédent mariage, comme le soutiennent les apocryphes." Mais le rôle passif de Joseph dans les Évangiles s’explique aussi par le fait que certaines mères avaient une bien plus grande importance. Cette forte présence de Marie s’explique par le rôle important qu’elle a jouée dans les premiers groupes chrétiens. Marie a sans doute joué le rôle de chef de l’unité familiale entre les frères et le père, elle connecta sans doute également les frères avec les disciples de Jésus.
«N'est-ce pas le charpentier, le fils de Marie et le frère de Jacques, Joseph, Siméon et Judas, ses sœurs ne sont-elles pas parmi nous ?» (Marc 6, 2-5), se demandent les voisins de Nazareth quand ils voient Jésus converti en prédicateur. Des références comme celle-ci aux frères de Jésus sont nombreuses dans les Évangiles canoniques. Par exemple, Luc (2,7) l'appelle "le premier-né". Jésus a-t-il eu des frères charnels et, par conséquent, la virginité de Marie doit-elle être comprise dans un sens symbolique ? Pendant des siècles, la question a été discutée. Pour les orthodoxes, ils sont demi-frères, enfants d'un précédent mariage de Joseph. Pour la plupart des protestants, ils sont frères de chair et de sang et, d'un autre côté, pour les catholiques, ils sont cousins. L'interprétation catholique vise à sauvegarder la croyance ecclésiale que Marie était vierge "avant, pendant et après l'accouchement". Aujourd'hui, la plupart des exégètes, y compris les catholiques, soutiennent que Jésus était le fils aîné de Marie, qu'elle a eu plus d'enfants et que sa virginité doit être comprise d'une manière symbolique et, bien sûr, non perpétuelle. Contre le vieil aphorisme qu'elle était vierge "avant, pendant et après la naissance". Parce que ce serait autant que de forcer Joseph à la chasteté perpétuelle, qui violait les lois juives, où les enfants étaient le plus grand bien et l'activité sexuelle quelque chose de noble. Pour Marie, comme pour toute femme juive, le plus important était d'être une mère et non une vierge.
Cette relation de parenté entre Jésus et ses frères et sœurs est orageuse et ouverte selon nos sources. Dans Marc 3,20-21 la famille réagit à son succès populaire et cherche à le récupérer, et dans Jean 7,5, l’évangéliste dit que ses frères ne croyaient pas en lui, conservant le souvenir de tensions entre la famille galiléenne et sa vocation à tout Israël. Cependant, cette distance entre Jésus et ses frères, ou sa famille, exprime l’opposition entre ceux qui se réclame de la «famille» de Jésus et ceux qui se réclament des Douze apôtres ou de Paul. Luc ne mentionnant pas d’opposition, peut laisser entendre un soutien de Jésus par ses frères. Il est possible que les relations entre Jésus et ses frères, notamment Jacques, n’ait été si mauvaise après sa mort, et il est certain que très tôt après la mort de Jésus, sa famille a pris de l’importance dans les milieux d’adepte à Jérusalem et en Galilée.
Une mention dans Actes 1,14 montre que Marie, la mère de Jésus et ses frères ont fait partie du premier cercle de ses adhérents après sa disparition et y ont joué un rôle particulier. Les frères de Jésus ont donc, par la suite, joué un rôle non négligeable dans la jeune communauté chrétienne, notamment Jacques et Jude, ce qui n'est pas le cas de ses sœurs. Par ailleurs, dans l'Antiquité, sauf exception, les femmes ne sont jamais citées. Néanmoins, par la suite, des noms ont été donnés aux sœurs de Jésus (Marie et Salomé), notamment chez Épiphane. Mais ils sont très probablement fictifs. D’après Galates 1,19 Jacques est un personnage important de la communauté de Jérusalem. À côté de la position éminente de Jacques, d’autres «frères du Seigneur» jouèrent un rôle important dans les communautés, Paul les mentionne comme des missionnaires voyageant en couple avec une femme (1 Corinthiens 9,5). D'un point de vue purement historique, on sait assez peu de choses. La documentation provient essentiellement de Flavius Josèphe, ainsi que d'Hégésippe, écrivain chrétien du IIe siècle, et de toute la tradition qui se fonde sur lui jusqu'à Jérôme. D'après les Pères de l'Église, Jacques a dirigé, après Jésus, la jeune communauté de Jérusalem. Luc indique, dans les Actes des Apôtres, qu'il y a eu des querelles de succession entre Jacques et Pierre.
Dans son ouvrage volumineux «Un certain Juif Jésus», le théologien jésuite John P. Meier soutient que Jésus avait des frères de sang. "La plupart des exégètes et des historiens ne croient plus (nous ne croyons pas) en des miracles matériels, qui étaient utilisés pour fonder une "meilleure" foi : nous ne croyons pas que Jésus soit né biologiquement d'une vierge, enfreignant les lois du processus de conception." Pour John P. Meier, «Il est tout simplement faux des dire que la version grecque de l’Ancien Testament emploie régulièrement adelphos pour signifier ‘cousin’» (Un certain Juif Jésus, I, 2004, p. 196). Il faut rappeler qu’en grec jamais adelphos (frère) n’est affecté à champ de signification allant jusqu’au cousinage. L’adelphos est un frère de sang ou de droit. D’ailleurs vers 180, Hégésippe distingue parfaitement Jacques comme le frère de Jésus (adelphos) et Siméon, fils de Clopas comme son cousin (anepsios). "On peut penser que Jésus est très probablement né de la relation entre Marie et Joseph, car la virginité signifie que Jésus est né du mystère de Dieu", explique le théologien Xavier Pikaza. Et, comme l'a soutenu Antonio Piñero, professeur de philologie du Nouveau Testament de la Complutense, «dans l'église primitive on ne défendait pas la virginité absolue de Marie. C’est seulement Saint-Jérôme au IVe siècle, qui postule la virginité physique totale de Marie". Et en fait, la virginité de Marie n'est pas un dogme. Elle appartient à la foi de l'Église, mais n'atteint pas la valeur du dogme de l'Immaculée Conception, par exemple.
Et Jésus est-il tombé amoureux, était-il marié ? Selon l'orthodoxie catholique la plus stricte, Jésus était un homme complet, viril et, par conséquent, sexué. Dieu est devenu l'homme, et dans cette condition se trouve la sexualité. Comment l'a-t-il exercé ? Quelle relation a-t-il eu avec les femmes ? Les grands exégètes s'accordent à nier que Jésus s'est marié. Et ce célibat contrevenait aux lois religieuses de son temps. «Celui qui n'a pas de femme est un être sans joie, sans bénédiction, sans bonheur, sans défense contre la concupiscence, sans la paix, un homme sans une femme n'est pas un homme», dit le Talmud. Et encore moins si l'homme était un rabbin, un interprète de la loi qui, par conséquent, ne pouvait résister au Talmud. Et pourtant, pour les théologiens, la thèse du Da Vinci Code selon laquelle Jésus était marié à Marie-Madeleine semble une "absurdité". "Il n'y a pas de données pour l'affirmer : s'il avait été marié, les Évangiles en parleraient, et il est plausible que le Christ ait choisi d'être célibataire, comme les Esséniens de son temps", explique le théologien Rafael Aguirre.
L’historien Flavius Josèphe parle de ces communautés esséniennes, au temps de Jésus, où certains se marient d’autres pas (Guerre des Juifs 2,160). Philon d’Alexandrie parle des Thérapeutes, voués à la vie contemplative, pratiquants de la continence sexuelle (De vita contemplativa 18). Plus près de Jésus, Jean Baptiste vivait dans le désert sans femme et enfants. Paul a fait le même choix (1 Corinthiens 7,8). Jésus n’est donc pas le seul à transgresser les règles de la paternité. Ou, comme le dit Meier, «Jésus ne s'est jamais marié, ce qui fait de lui un être atypique et, par extension, marginal dans la société juive conventionnelle». Bien sûr, tous les exégètes coïncident également en soulignant le rôle «spécial» de Marie-Madeleine dans la vie de Jésus. Ce n'était pas sa femme, mais elle était très proche de lui. Dans le groupe des femmes qui accompagnaient Jésus et ses disciples, elle est toujours présente. Elle est la première destinataire des événements de Pâques. C'est pourquoi elle est appelée "l'apôtre des apôtres". "Mais la marier au Christ est un non-sens", dit le théologien jésuite Juan Antonio Estrada.
Finalement, nous savons que Jésus était le fils de Marie, qui a sans doute eu un rôle important dans le mouvement de Jésus, et de Joseph qui était un artisan qui doublait ses revenus avec des activités paysannes. Il n’y a sans doute pas eu de conception virginale qui vient du travail des auteurs des évangiles ou d’une réécriture de ceux-ci à partir d’une annonciation et d’une naissance qui n’avaient rien de miraculeux. Enfin, Jésus faisait partie d’une famille nombreuse, car on pense actuellement qu’il a eu cinq frères, sans doute artisans et paysans, et deux sœurs dont ne savons pas grand chose, qui eurent également un rôle important dans le mouvement de Jésus. Jésus ayant fait partie d’une famille nombreuse et n’ayant pas de problèmes d’argent, a pu plus facilement se débarrasser des conventions sociales de son temps et de son argent, tout en choisissant une vie d’homme célibataire.
Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures : Corrado Augias, et Mauro Pesce, Enquête sur Jésus, Éditions du Rocher, 2008, Simon Claude Mimouni, «Jésus, sa famille et ses proches : que sait-on vraiment d’eux ?», Le Monde des Religions n° 74, 2015, et Jacques le Juste, frère de Jésus de Nazareth. Histoire de la communauté nazoréenne / chrétienne de Jérusalem du Ier au IVe siècle, Bayard 2015, Adriana Destro, et Mauro Pesce, From Jesus to his First Followers : Continuity and Discontinuity : Anthropological and Historical Perspectives, Brill, 2017, Daniel Marguerat, Jésus, ses frères et ses sœurs, dans Jésus, une encyclopédie contemporaine, Bayard 2017, Enrico Norelli, Jésus en relation – des adeptes, des relations et des adversaires, dans Jésus de Nazareth, Labor et Fides, 2017, et http://www.periodistadigital.com/religion/familia/2017/12/23/la-familia-de-jesus-esa-gran-desconocida-iglesia-religion-dios-jesus-evangelios-jose.shtml.
Merci !