Publié le 4 Octobre 2023
france24.com nous montre qu’avec un ordre du jour qui prévoit d'aborder les questions les plus taboues au sein de l'institution et un processus ouvert aux laïcs et aux femmes, le synode sur l'avenir de l'Église catholique qui s'ouvre ce mercredi 4 octobre 2023 à huis clos à Rome est inédit à de nombreux égards. Une petite révolution voulue par le pape François mais qui inquiète la frange la plus conservatrice des cardinaux. Avant même ses conclusions, l'événement marque un tournant dans l'histoire du catholicisme. Ce synode, censé imaginer l'avenir de la gouvernance de la plus vieille institution du monde confrontée à une crise des vocations et à une baisse du nombre de fidèles en Occident, ne devrait toutefois ressembler à aucun autre.
Sur la forme d'abord : c'est la première fois qu'une telle assemblée est précédée d'une consultation de simples fidèles. Pendant deux ans, 1,3 milliard de catholiques ont été invités à s'exprimer sur leur vision de l'Église et des sujets de société. "Il y a eu une volonté de la part du pape que cette consultation se fasse à partir de la base, c'est-à-dire à partir des paroisses, les plus petites unités dans l'Église. C'est quelque chose de nouveau même s'il y a eu de nombreux filtres avant que tous ces avis ne remontent", précise Christine Pedotti, essayiste et directrice de la revue Témoignage chrétien, classée à gauche.
Mais ce synode se distingue surtout par le profil inédit des 464 participants, dont 365 ayant le droit de vote, qui se réuniront chaque jour pendant quatre semaines. Parmi eux, 96 ne sont pas des évêques. Mieux, 54 sont des femmes : une petite révolution au sein de l'Église où le synode est traditionnellement dominé par la figure masculine de l'évêque. "C'est presque une contradiction dans les termes, puisque, du point de vue du droit canonique, le synode, c'est une réunion d'évêques. Et voilà qu'y participent des gens qui ne sont pas clercs et même des femmes", note Christine Pedotti. "C'est quasiment miraculeux et cela bouleverse totalement les usages, puisqu'il y avait a priori un privilège absolu pour que la gouvernance dans l'Église catholique revienne exclusivement à des hommes célibataires et clercs."
Cette démarche innovante initiée par le pape François n'a pas tardé à susciter le malaise chez un certain nombre de conservateurs, qui s'inquiètent d'une dilution de leurs prérogatives et d'un affaiblissement de l'institution. "Au sein des évêques, il y a une culture ecclésiastique. Avec les laïcs, elle ne fonctionnera plus : ils ne vont pas se contenter de bonnes paroles, il y aura une exigence sur la procédure, la volonté de changement, l’efficacité", assure un observateur avisé du Saint-Siège auprès de l'AFP. Outre la volonté d'instaurer un fonctionnement moins pyramidal, le pape François a souhaité que le synode aborde une multitude de sujets sensibles voire tabous remontés par les fidèles : les violences sexuelles, les prêtres mariés ou encore la question de l'accueil des personnes divorcées ou homosexuelles. "Dans le synode, il n'y a pas de place pour l'idéologie", avait mis en garde le pape François début septembre alors que le Saint-Siège ne cesse d'insister sur l'importance du dialogue et l'importance du "marcher ensemble".
Mais là encore, la frange la plus conservatrice de l'Église fait de la résistance. Cinq cardinaux ont ainsi publiquement demandé lundi au pape François de réaffirmer la doctrine catholique au sujet des couples gays et de l’ordination des femmes. En juillet, ces cardinaux avaient déjà publié une liste de "dubia" ("doutes", en latin, soit une série de questions posées formellement au pape, selon le droit canon), auxquelles le pape avait répondu. N’étant pas satisfaits de cette réponse, les signataires ont publié une lettre ouverte aux catholiques. Ils y expliquent, "devant la gravité de la matière", avoir le "devoir d’informer" les fidèles "afin qu’[ils] ne soient pas sujets à la confusion, à l’erreur et au découragement". Lundi, le Vatican a renvoyé vers la réponse où le pape affirmait que la "révélation divine" est "immuable", tout en affirmant que l’Église a "besoin de grandir dans sa compréhension".
"Chez les évêques, il y a une culture ecclésiastique. Chez les laïcs, elle ne fonctionnera plus : ils ne vont pas se contenter de bonnes paroles, il y aura une exigence sur la procédure, la volonté de changement, l'efficacité", relève un observateur avisé du Saint-Siège. "On a mis le doigt dans un engrenage, le prochain synode ne pourra plus reculer", se réjouit-il. "En ce sens, François fait bouger les lignes, c'est pourquoi beaucoup ont peur", explique-t-il à l'AFP (https://www.france24.com/fr/europe/20231004-en-images-le-synode-sur-l-avenir-de-l-%C3%A9glise-s-est-ouvert-au-vatican).
Cependant, du côté de ceux qui plaident l'ouverture, la conférence sur l'ordination des femmes s'est tenue ce mardi 3 octobre à Rome. Ses participants espèrent que le synode permettra de mieux intégrer les femmes dans l'Église catholique en abordant notamment la question de leur ordination (https://fr.euronews.com/2023/10/04/un-synode-clivant-pour-leglise). Les participants ont prié ensemble, chanté et entendu quatre témoignages axés sur les luttes uniques des femmes dans l'Église qui ont partagé ce qu'elles ont décrit comme une douleur profonde qu'elles avaient vécue en tant que femmes dans l'Église, avec l'espoir que le synode produira quelque chose pour ceux qui veulent rester, tout en se sentant exclus de la vie de l'Église, le désir de voir si l'Église institutionnelle pourrait changer pour le mieux et devienne un espace sûr pour les femmes et les hommes d'exprimer leur pleine vocation en tant que témoins de Jésus (https://www.ncronline.org/vatican/vatican-news/eve-synod-womens-ordination-advocates-hold-vigil-romes-basilica-st-praxedes).
Si ce synode représente un effort sans précédent pour imaginer une Église plus ouverte et dotée d'une gouvernance moins verticale, le processus de décision reste en réalité largement aux mains des clercs. Ainsi, la synthèse de la grande consultation des fidèles voulue par le souverain pontife a été rédigée par des évêques. Ces derniers resteront aussi très majoritaires au sein de cette assemblée romaine malgré la présence inédite de femmes et de laïcs. Enfin, les conclusions du synode n'ont aucune valeur contraignante. Au final, c'est bien le pape François qui aura le dernier mot. "Le Synode sur l'Amazonie [en 2019] avait par exemple demandé de façon très explicite qu'on envisage l'ordination d'hommes mariés. Certains ont alors pensé que le pape allait franchir le Rubicon. Finalement, il ne l'a pas fait", rappelle Christine Pedotti.
Enfin, cette version moderne et "démocratique" du synode pourra-t-elle survivre au pontificat du pape François ? "On a mis le doigt dans un engrenage, le prochain synode ne pourra plus reculer", juge l'observateur du Saint-Siège cité plus haut. "En ce sens, François fait bouger les lignes, c’est pourquoi beaucoup ont peur." "Le problème, c'est que ces évolutions ne sont pas inscrites dans le marbre", estime de son côté la directrice de Témoignage chrétien. "Or, la société catholique est une société d'origine romaine dans lequel le juridisme prévaut." En attendant, peu d'informations devraient filtrer sur le contenu des discussions qui se dérouleront à huis clos à Rome. Le Vatican a d'ores et déjà annoncé qu'il limiterait la communication jusqu'à la fin de l'événement, prévue le 29 octobre.
Face aux "attentes", "espoirs" et aux "quelques craintes" que suscite ce Synode, le pape François a rappelé qu'il ne s'agissait "pas d'un Parlement". "Nous ne sommes pas ici pour mener une réunion parlementaire ou un plan de réforme" mais pour "marcher ensemble", a-t-il affirmé, mettant en garde contre "certaines tentations dangereuses : être une Église rigide, qui s'arme contre le monde et regarde en arrière; être une Église tiède, qui se soumet aux modes du monde; être une Église fatiguée, repliée sur elle-même" (https://www.france24.com/fr/europe/20231004-en-images-le-synode-sur-l-avenir-de-l-%C3%A9glise-s-est-ouvert-au-vatican).
Mais ce n'est pas la première fois qu'un synode des évêques secoue l'Église catholique. Celui de 1971 avait pour objet "le sacerdoce ministériel", c'est-à-dire le statut des prêtres et notamment leur célibat. Les évêques avaient voté contre une réforme de ce dogme. Cette année, les débats porteront entre autres sur une possible bénédiction accordée aux couples homosexuels. Une pratique à laquelle le pape François a ouvert la voie dans un texte publié en début de semaine (https://www.francetvinfo.fr/monde/vatican/pape-francois/eglise-catholique-trois-questions-sur-le-synode-en-cours-au-vatican_6101304.html).
Enfin, ce mercredi dans le cadre de l’ouverture du synode, le souverain pontife a publié une exhortation apostolique dans laquelle il met en garde contre “l’effondrement de la planète”, conséquence de l’activité humaine, qu’il met en avant avec la phrase “Le monde est en train de s’écrouler”, et il est “contraint de faire ces précisions, qui peuvent sembler des évidences, à cause de certaines opinions méprisantes et irrationnelles que je trouve également à l’intérieur de l’Église catholique”, avec cette une attaque à peine voilée contre ses adversaires internes. Mais pour le pape, tous les pays ne portent pas le même degré de responsabilité dans le dérèglement climatique en cours dénonçant “ l’ampleur des émissions venant de pays qui ont une culture de forte consommation et a affirmé que les pauvres du monde en payaient le prix”, visant directement les États-Unis, et il a également critiqué les leaders mondiaux dans leur ensemble, notamment pour ne pas avoir su “créer un mécanisme pour contraindre les pays à respecter leurs engagements” (https://www.courrierinternational.com/article/verbatim-le-pape-francois-denonce-l-irresponsabilite-des-pays-riches-face-au-changement-climatique).
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