Publié le 31 Mars 2023
Sérénité, collégialité, écoute et fraternité. Voici quelques-unes des lignes directrices mises en avant par Monseigneur Moulins de Beaufort, président de la conférence des évêques de France (CEF), vendredi 31 mars 2023 comme nous le montre Lauriane Nembrot dans france3-regions.francetvinfo.fr. Durant trois jours, il a présidé la cérémonie de clôture de l’assemblée plénière des évêques de France, qui s’est tenue à Lourdes (Hautes-Pyrénées).
Pour ce “printemps des évêques et de l’Église”, plusieurs points étaient à l’ordre du jour cette année. À commencer par l’adoption ou le rejet par la CEF des recommandations formulées par la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église catholique (CIASE) dans son rapport remis en octobre 2021. Deux ans après sa publication, “nous ne pouvons pas oublier les crimes, les violences, les agressions commises et l’incapacité globale de l’Église en France comme ailleurs de les repérer, de les dénoncer, de les traiter avec clarté”, reconnait Monseigneur Eric de Moulins-Beaufort. “Nous ne pouvons pas non plus oublier les souffrances portées par des personnes, beaucoup plus nombreuses que nous ne nous le représentions jusqu’à récemment”, ajoute-t-il encore. Au final, bien que bon nombre des recommandations de la CIASE n’aient pas été retenues par les membres de la CEF, plusieurs pistes tirées dudit rapport sont privilégiées par l'Église catholique pour lutter contre la pédocriminalité en son sein.
À commencer par la mise en place d’un système de mentorat au sein même de la conférence des évêques de France. Selon Monseigneur Eric de Moulins-Beaufort, des contrôles renforcés au sein des diocèses ou encore le développement d’un fichier national partagé doivent également être mis en place. Après la vague de révélations sur les abus sexuels dans l’Église catholique, la conférence des évêques de France entend tout d’abord renforcer les contrôles au sein des diocèses afin d’identifier tout risque d’abus ou de déviance. Objectif affiché pour la CEF : mettre fin à la pédocriminalité dans l'Église catholique. “Il faut que l’Église catholique que nous servons soit libérée du poids des violences et agressions sexuelles”, a tenu à rappeler Monseigneur Eric Moulins de Beaufort dans son discours de clôture. Pour y parvenir, la CEF entend mettre en place plus de contrôle et surtout plus d’accompagnement des hommes d’Église. Dans les différentes études menées par la CIASE dans le sillage des révélations d’abus sexuels commis par des prêtres sur des jeunes catholiques, leur isolement continu a été identifié comme un facteur de risque aggravant dans les affaires de pédophilie. “Nous avons appris, ces dernières années, à écouter les personnes victimes. Tout passe par la formation, l’accompagnement et donc le mentorat de jeunes évêques par des prêtres aînés”, souligne Monseigneur Eric de Moulins-Beaufort.
Outre la lutte contre la pédocriminalité au sein de l’Église, la CEF s’est également exprimée sur le débat concernant le droit à mourir dans la dignité. Dès l’ouverture de l’assemblée plénière, les évêques ont indiqué qu’ils souhaitent que "le débat en cours sur la fin de vie constitue l’occasion positive d’un progrès significatif de l’accompagnement et de la prise en charge notamment de la dépendance due au grand âge dans notre pays". Parlant d’une “aide active à vivre”, le Conseil permanent de la CEF reconnait dans un communiqué publié mardi 28 mars 2023 que “nous avons pleinement conscience que notre société doit encore progresser dans l’accompagnement de la fin de vie et de la grande fragilité”. En amont des discussions, les évêques ont souligné et salué le dévouement du personnel médical. Selon leurs déclarations, "le développement encore insuffisant mais significatif des soins palliatifs" est aussi un sujet de préoccupation dans le sillage des débats sur la fin de vie en France. "La facilité légale et économique de l’aide active à mourir" peut devenir une "injonction de renoncer à vivre" pour les personnes fragiles, avance encore la CEF.
Outre la lutte contre la pédocriminalité au sein de l’Église, la CEF s’apprête également à une vaste période de restructuration. De nombreuses pistes de réforme sont sur la table. Une équipe synodale va être formée afin de rendre un point d’étape au Vatican. Une initiative déjà encouragée par le pape François lui-même. Le souverain pontife souhaitait lever l’omerta dans l’Église catholique lors de la vague de révélations concernant les abus sexuels perpétrés des années durant par des prêtres, faisant de nombreuses victimes. “C'est un processus qui nous oblige désormais à mettre en commun nos actions, à partager toutes nos données et de nourrir un fichier national sur les auteurs d’abus ou de violences sexuelles”, indique Monseigneur Eric de Moulins-Beaufort. Il entend ainsi “insérer au sein de l’Église une nouvelle culture de la vigilance”. Dans le détail, cette équipe synodale va être chapeautée en interne par le conseil permanent de la conférence des évêques de France. Deux personnes dédiées de la CEF y seront dédiées. Un point d’étape est prévu à l’horizon 2025. Mais avant de se lancer dans toutes ces réformes, le droit canonique doit donner son approbation à cette initiative. La décision devrait être rendue lors des rencontres méditerranéennes de l’Église catholique, prévues du 18 au 23 septembre prochains à Marseille.
La mission d'évaluation de la loi du 2 février 2016 relative à la fin de vie a présenté ses conclusions, mercredi 29 mars, devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée. À l'issue de trois mois de travaux, le rapport met notamment en évidence l'absence de culture palliative en France puisque 21 départements ne disposaient actuellement pas d'unités de soins palliatifs, ainsi que la méconnaissance de certains droits chez les patients vu que deux-tiers des malades qui devraient pouvoir en bénéficier n'y avaient pas accès, mais aussi chez les soignants. Parmi les recommandations du rapport afin d'impulser une réelle "culture palliative" qui fait aujourd'hui défaut, notamment le fait de rendre la filière plus "attractive", voire d'en faire "une discipline autonome" dans le parcours de formation des médecins, avec le souhait que "les prises en charge curative et palliative [puissent] être menées conjointement", et non désolidarisées l'une de l'autre. Et les soins palliatifs devraient pouvoir être abordée comme "une nouvelle étape de la vie", même s'il s'agit de la dernière (https://lcp.fr/actualites/fin-de-vie-un-acces-aux-soins-palliatifs-insatisfaisant-pointe-la-mission-d-evaluation).
Finalement, les évêques se sont prononcés sur les propositions de deux groupes de travail sur neuf, se concentrant sur les éventuels changements relevant directement de leurs compétences. Les autres propositions ont été transmises aux instances concernées. Cependant, le président de la Conférence des évêques de France tient à préciser que «Ce n’est pas pour nous en débarrasser. C’est au contraire pour que les réflexions partagées et les décisions suggérées puissent entrer concrètement dans les faits et devenir la norme des comportements de tous et de chacun.» Éric de Moulins-Beaufort a néanmoins assuré que le conseil permanent des évêques avait reçu mission de veiller à l’avancée du «travail d’appropriation et de traduction en décisions concrètes chaque fois que ce sera possible» (https://www.lavie.fr/christianisme/eglise/groupes-de-travail-ce-que-les-eveques-ont-finalement-vote-lors-de-leur-assemblee-pleniere-87767.php).
Enfin, LePoint.fr dans son article du vendredi (https://www.lepoint.fr/monde/le-vatican-condamne-les-derives-coloniales-dans-l-histoire-de-l-eglise-30-03-2023-2514331_24.php) nous montre que le Vatican a publié jeudi un document pour prendre ses distances avec les dérives coloniales de l'Église catholique, où il «rejette» les édits papaux du XVe siècle autorisant l'asservissement des peuples autochtones, essentiellement en Amérique. Cette prise de position fait référence aux terribles campagnes de conversions forcées menées par l'Église catholique après l'arrivée des Européens sur le continent américain dans la foulée de l'expédition de Christophe Colomb en 1492. Ce texte a trouvé un écho particulier au Canada, où, entre la fin du XIXe siècle et les années 1990, quelque 150 000 enfants autochtones ont été retirés à leur famille et enrôlés de force dans des pensionnats, souvent régis par l'Église catholique, où ils ont été coupés de leur famille, de leur langue et de leur culture. Le pape a depuis reconnu que ce drame des pensionnats s'assimilait à un génocide. Ce rejet des édits papaux, « c'est immense », a réagi auprès de l'Agence France-Presse la sénatrice autochtone canadienne Michèle Audette. «Pour beaucoup d'entre nous, ça fait des décennies qu'on le demande», a-t-elle ajouté.
Dans la note publiée jeudi conjointement par les dicastères (ministères) pour la Culture et l'Éducation et le Service du développement humain intégral, le Vatican fait référence à trois «bulles» pontificales émises au XVe siècle par Nicolas V et Alexandre VI. Le Vatican considère ces «bulles» comme des «documents politiques, instrumentalisés pour des actes immoraux», et estime qu'ils «n'ont jamais été considérés comme des expressions de la foi catholique». Le Saint-Siège reconnaît en outre qu'ils «n'ont pas reflété de manière adéquate l'égale dignité et les droits des peuples autochtones». «L'Église catholique rejette donc les concepts qui ne reconnaissent pas les droits humains inhérents aux peuples autochtones, y compris ce qui est connu sous le nom juridique et politique de “doctrine de la découverte”.» Le document du Vatican reconnaît que «de nombreux chrétiens ont commis des actes malveillants à l'encontre des peuples indigènes, pour lesquels les papes récents ont demandé pardon à de nombreuses reprises». Et l'Église catholique, poursuit-il, a pris conscience de «leurs souffrances, passées et présentes, dues à l'expropriation de leurs terres […], ainsi qu'aux politiques d'assimilation forcée». La Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) s'est déclarée dans un communiqué «reconnaissante» envers le Saint-Siège pour la publication de ce texte.
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