Daniel Lindenberg : «La droitisation de l’intelligentsia ne fait plus aucun doute»

Publié le 21 Janvier 2016

Libération.fr nous montre dans son article du mercredi 20 janvier 2015 que vilipendé à la publication en 2002 de son essai, l’historien des idées persiste et signe : la bascule idéologique a eu lieu et les «nouveaux réactionnaires» ont investi le champ politique.

De lui-même, il n’aurait sans doute pas republié son essai le Rappel à l’ordre. Trop de coups échangés, encaissés. Mais l’historien des idées Daniel Lindenberg ne regrette rien. Jamais les «nouveaux réactionnaires» ne se sont si bien portés.

«A la publication de mon essai, en 2002, je m’attendais à un débat, pas à des insultes. On m’a accusé d’être un inquisiteur, d’appartenir à la police de la pensée. On a voulu faire croire que tous ces gens de gauche que je qualifiais de nouveaux réactionnaires se posaient simplement des questions sur la nation ou l’immigration et qu’ils avaient le droit de ne pas être angéliques. Mais cette droitisation de l’intelligentsia, elle ne fait plus aucun doute aujourd’hui. Je ne regrette rien. Ceux qui me mettaient en accusation sont aujourd’hui les premiers à faire sauter les bouchons de champagne pour célébrer leur victoire dans la guerre des idées. En mars 2015, la revue Eléments, magazine de la nouvelle droite, titre le "grand retournement" à propos de la débâcle du progressisme.

«On m’a reproché d’avoir écrit un livre court. Il répondait au format de tous les textes publiés par "la République des idées", de Pierre Rosanvallon. Il rendait compte aussi d’un mouvement naissant. Mes coups de sonde ont pu paraître impressionnistes et prêter le flanc à des critiques, qui sont allés jusqu’à me taxer de "délire" et d’"ignorance" pour mieux tuer le débat dans l’œuf.

«Je ne crois pas avoir jeté un interdit sur la critique des idées de gauche. Simplement, c’est autre chose de remplacer des idées de gauche obsolètes et naïves par celles de l’extrême droite. La gauche a été tiers-mondiste, par exemple, il fallait remettre en cause cette approche, cela ne veut pas dire réhabiliter une nouvelle forme de colonialisme. D’une certaine façon, nouveaux et anciens réacs finissent par se fondre.

«La grande nouveauté aujourd’hui est que ces thèmes sont passés dans le champ politique. Manuel Valls reprend les idées néoconservatrices que j’identifie dans mon livre, il aurait pu en faire partie. Nul ne peut nier que nous assistons en France, comme ailleurs dans le monde, à une révolution conservatrice qui affiche désormais la couleur et dont les relais politiques ne sont pas toujours ceux que l’on croit. Il serait intéressant de suivre la réceptivité des gauches radicales à certaines thématiques venues des discours du repli.

«De façon plus générale, nous assistons à un affaiblissement des principes républicains, il faut bien que des digues aient cédé pour qu’un gouvernement de gauche fasse comme proposition la déchéance de la nationalité. Le camp progressiste est dans un tel état qu’on peut le cambrioler en plein jour : Marine Le Pen s’est dite récemment féministe, se réclamant de Simone de Beauvoir.

«La nature idéologique a horreur du vide. Depuis des années, l’offre d’idées nouvelles est venue de l’extrême droite. Ces idées ont pris le masque de la rébellion et du non-conformisme. Il y aurait un certain courage à dénoncer le pouvoir étouffoir de la gauche. Le bilan de cette bascule idéologique est catastrophique, mais je reste un incorrigible optimiste. Peut-être faudra-t-il passer par des expériences politiques extrêmes pour qu’il y ait une réaction aux réactionnaires. Pour l’instant, c’est la traversée du désert.»

Daniel Lindenberg dans son ouvrage Le Rappel à l'ordre : Enquête sur les nouveaux réactionnaires en 2002 avait osé s'attaquer à de nombreux intellectuels réactionnaires que nous connaissons montrant une extrême droitisation du débat public, avec un tournant identitaire d’une partie de l’intelligentsia, qui a contribué à la libération de la parole réactionnaire. Aujourd'hui son essai pour prévenir les gens de ne pas succomber aux préjugés les plus bas que nous donnent les réactionnaires pour ne pas voir la réalité économique et ainsi faire accepter un discours favorable aux élites économiques, semble avoir bien monté ce qu'il craignait. À travers cette interview, il démontre qu'il ne s'était pas trompé et qu'il est encore temps de changer la donne.

Merci !

Rédigé par paroissiens-progressistes

Publié dans #Actualités

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article