La nouvelle évangélisation au cœur des méditations de l'Avent
Publié le 5 Décembre 2011
Cette année, le prédicateur de la Maison pontificale, le père Capucin Raniero Cantalamessa, prédicateur de la maison pontificale, devant Benoît XVI et les dirigeants de la Curie romaine, a choisi pour la première de ses quatre méditations de l'Avent le thème la nouvelle évangélisation du monde sécularisé, articulée à partir de cette phrase de l'Évangile de Marc : "Allez dans le monde entier et proclamez la bonne nouvelle à toute la création".
Ce sermon donné le vendredi matin, 2 décembre, au Vatican, qui suit de près l'évolution du Conseil pontifical du Vatican pour la promotion de la nouvelle évangélisation, confirme que la nouvelle évangélisation des antiques pays chrétiens est un élément clé du pontificat de Benoît XVI. Ce thème a été choisi pour participer à "l’effort actuel de l’Eglise pour une nouvelle évangélisation", dans la perspective du prochain synode sur le sujet en octobre 2012, a expliqué le capucin dans une interview accordée le 1er décembre à L’Osservatore Romano. Le prédicateur de la Maison pontificale a dressé un parallèle entre les débuts du christianisme et l’époque actuelle
"En réponse au Souverain pontife qui appelle à de nouveaux efforts d’évangélisation et en préparation du Synode des évêques de 2012 sur le sujet, je me propose de déterminer, dans ces médiations de l’Avent, quatre vagues de nouvelle évangélisation, soit quatre moments qui, dans l’histoire de l’Eglise, ont été marqués par une accélération ou une reprise de l’engagement missionnaire", a annoncé le prédicateur. Ces vagues d’évangélisation ne peuvent se voir sous la même forme et sous le même contexte, leur histoire est différente et les pensées qui les ont menées aussi.
Puis il a distingué ces quatre moments. Tout d’abord, "les trois premiers siècles de l’expansion du christianisme, jusqu’à la veille de l’édit de Constantin où les personnages clefs sont d’abord les prophètes puis les évêques". Je suis d’accord, mais il faut voir beaucoup plus loin les faits.
En fait, «l'Église Primitive» n'existe pas historiquement : tout au plus peut-on parler d'églises conciliaires. Il n'y a pas «d'Église» au sens contemporain du terme avant l'institutionnalisation à laquelle procède Constantin. Le christianisme est d'abord constitué de communautés locales considérées comme plus ou moins hérétiques par le judaïsme à partir de la phase de Yabneh. Quand elles s'organisent, il n'y a pas «l'Église» mais l'assemblée locale autour de ses anciens presbyteroi et de son episcopos. Ce sont des écoles de pensée imitant les écoles de philosophie grecques dont le nom propre est «aeresis». L'idée de l'unité d'une Église Primitive, avec des "hérésies" qui seraient venues après, reste une doctrine propre au centralisme catholique. Les 3 premiers siècles, les différentes tendances chrétiennes ont cohabité ensemble malgré elles dans de passionnés débats apologétiques. Au IVe siècle, au moment de la crise arienne, on trouve des organisations comprenant épiscopes et presbytres plus ou moins importantes en Orient (Nicomédie puis Constantinople, Césarée-Antioche, Tyr, Alexandrie, Rome, Cordoue). Chacune d'entre elle est indépendante des autres comme le montre la convocation de Constantin pour le concile de Nicée faite à toutes les Églises.
Puis, aux VIe-IXe siècles : "On assiste, grâce aux moines, à une nouvelle évangélisation de l’Europe après les invasions barbares". Nouvelle évangélisation, non. Vide qui laissa la place à l’Église. Après la disparition de l'empire d'Occident, en 476, l'Église latine s'affranchit de la tutelle de Constantinople et supplée, dans bien des cas, le pouvoir politique occidental qui se désagrège. Les invasions barbares – surtout celles du Ve siècle – font de l'Église, face aux ruines de l'Empire romain, la gardienne de la civilisation; puis, peu à peu, la conversion des Barbares au christianisme, en leur donnant accès à l'ancienne civilisation romaine, prépare la formation d'un Empire chrétien, éphémère mais brillant, sous Charlemagne (800-814), qui, comme l'ont fait les Mérovingiens et comme le feront les Carolingiens, s'appuie sur les papes, les évêques locaux, les moines celtiques, pour lutter contre le retour des mœurs païennes. L'expansion chrétienne dans le nord de l'Europe accompagne cette reprise en main.
Au Xe siècle, la christianisation de l'Europe est achevée. En Occident, le pape devient le personnage principal, ajoutant un pouvoir temporel à son pouvoir spirituel. En Orient, en revanche, le patriarche de l'Église grecque dépend le plus souvent de l'empereur byzantin. Aux Xe-XIe siècles, les papes sont faits et défaits par les féodaux. Une réforme profonde s'amorce sous Nicolas II, qui fixe l'élection des papes par les cardinaux (1059) et s'amplifie aux XIIe et XIIIe siècles. Les papes réformateurs, notamment Grégoire VII (1073-1085), Alexandre III (1159-1181) et Innocent III (1198-1216), élaborent en même temps une doctrine théocratique qui se heurte au césaropapisme des empereurs romains germaniques; d'où des luttes acharnées qui culminent avec la querelle des Investitures (1075-1122) et la lutte du Sacerdoce et de l'Empire (1154-1250). Cependant, dans l'orbite pontificale se développent les grandes forces de la chrétienté : réforme monastique (Cluny, Cîteaux); réseau paroissial ; élan des constructions d'églises (roman puis gothique); croisades en Terre sainte et en Espagne; lutte contre les hérésies. Peu à peu, l'Église anime toute la vie sociale.
Apparu dès la constitution des Églises, le monachisme prend au début la forme du départ au désert (ermites), puis celle de la vie communautaire (cénobites). Alors que pendant la longue période de relations ambiguës avec le pouvoir, les Églises se sont substituées à l'État défaillant (éducation, santé), les ordres monastiques ont joué un rôle important dans l'élaboration des civilisations orientales et occidentales. Il faut dire qu’aux XIIe et XIIIe siècles, les ordres mendiants (franciscains et dominicains) accordent leur apostolat missionnaire et populaire au réveil économique de l'Europe et à la résurrection des villes, tandis que le droit canon devient une véritable science ecclésiastique.
Troisième moment : "Le XVIe siècle avec la découverte et la conversion au christianisme des peuples du «nouveau monde», par les religieux". Cette conversion était plus complexe. Les missions étrangères catholiques connurent un premier essor, au XIIIe siècle, grâce aux ordres mendiants; la colonisation espagnole et portugaise du Nouveau Monde, aux XVe et XVIe siècle, leur donna un second souffle : leur succès fut d'ailleurs tel qu'en 1622 le Saint-Siège créa la congrégation de la Propagande, véritable ministère pontifical des missions. Freiné au XVIIIe siècle, le mouvement missionnaire connut son âge d'or au XIXe siècle avec les progrès de la colonisation, française notamment : de très nombreuses congrégations missionnaires furent alors fondées, en même temps que des œuvres de propagande et de soutien, comme la Propagation de la foi et l'Œuvre de la Sainte-Enfance. Au XXe siècle, avec Benoît XV (1914-1922) et surtout Pie XI (1922-1939), l'accent est mis sur l'autonomie des Églises locales et, par voie de conséquence, sur le développement du clergé indigène. Avec Vatican II (1962-1965), l'endoctrinement missionnaire va peu à peu faire place à des requêtes d'authenticité, non seulement dans la manière d'aborder les civilisations étrangères, mais aussi dans le besoin de dialoguer avec les autres religions.
Et enfin, "l’époque actuelle qui voit l’Eglise engagée dans une nouvelle évangélisation de l’occident sécularisé, avec la participation déterminante des laïcs". L'Église a suivi ce mouvement avec ressentiment et l'a longtemps montré comme fausse émancipation, de sorte que le mot a d'abord été utilisé pour marquer les divers modes du recul religieux, mais aussi les diverses formes de déchristianisation. On pourrait parler du Concile Vatican I,qui fut le moment à partir duquel l'Église cessa de s'opposer à cette autonomie progressive du monde; la reconnaissance de ce monde moderne devenu majoritaire s'est ensuite poursuivie pendant le pontificat de Léon XIII et de ses successeurs. Ce n'est toutefois qu'au Concile Vatican II que le processus de sécularisation a été reconnu comme pleinement légitime. En théologie catholique, le phénomène, accueilli plus tardivement, prend aussi de l'importance. J. -B. Metz est certainement le plus grand représentant des théologiens catholiques qui accueillent avec enthousiasme et discernement la sécularisation pour en montrer les rapports avec la foi; la théologie latino américaine de la libération, par l'analyse scientifique des situations d'oppression, opère à sa façon une désacralisation d'un ordre social synonyme de fatalité et conduit à un certain type de sécularisation. Les laïcs ne sont pas obsédés par la sécularisation, mais des courants minoritaires du christianisme qui idéalisent une société où soit disant l’Église influençait la société alors qu’elle se soumettait aux pouvoirs en place, oui.
"A chacune de ces époques, a expliqué le prédicateur, je tâcherai de mettre en évidence ce que nous pouvons apprendre pour l’Église d’aujourd’hui : quelles sont les erreurs à éviter et les exemples à imiter et quelle contribution spécifique les moines, les religieux de vie apostolique et les laïcs peuvent apporter à cette évangélisation."
L’évangélisation est elle vraiment la réduction qu’en a fait Raniero Cantalamessa, prédicateur de la maison pontificale ? Non, car il ne dit pas les aspects négatifs qui en suivirent et cette vision simplifiée ne permet pas de se faire une véritable idée de la période actuelle. Cette obsession du sécularisme ne fait que renforcer l’idée que l’Église ne sait plus voir les signes du temps.
Merci !