Le Père Marie-Dominique Philippe, l'envers du décor
Publié le 14 Mai 2013
Le Monde avait écrit un article le 30 août 2006 suite à la mort du Père Marie-Dominique Philippe. Né le 8 septembre 1912 à Cysoing (Nord), le Père Philippe est le huitième d’une famille de douze enfants, dont quatre deviendront moniales et trois religieux, comme lui, dans l’ordre dominicain. Prêtre ordonné en 1936, professeur à l’université de Fribourg (Suisse), Marie-Dominique Philippe est d’abord un grand prédicateur et un philosophe fécond, auteur d’une trentaine d’ouvrages inspirés par le thomisme le plus classique pour ne pas dire dépassé.
Il s’éloigne toutefois de l’ordre dominicain dont il n’épouse pas les options réformatrices après le concile Vatican II (1962-1965). Cela vaut tout dire. Avec cinq étudiants français de Fribourg, il fonde en 1975 sa propre communauté, celle des Frères de Saint-Jean, d’abord rattachée à l’abbaye cistercienne de Lérins, puis reconnue par l’évêque d’Autun et installée dans l’ancien petit séminaire de Rimont (Saône-et-Loire), avant d’être promue par le Vatican comme congrégation religieuse autonome. Le Vatican n'a jamais su se montrer prophétique dans ses choix, il aurait évité de reconnaître des ordres qui ne respectent pas les règles qu'il fixe aux fidèles.
Le succès de cette communauté - dont le Père Philippe sera le prieur jusqu’en 2001 - est immédiat. Elle compte aujourd’hui 930 prêtres, frères et religieuses. Elle ouvre des prieurés, ordonne des prêtres, se voit confier des paroisses en déclin, des centres de pèlerinages, des aumôneries de grands collèges (Stanislas à Paris, Passy-Buzenval à Rueil), ce qui suscite des tensions. On lui reproche de créer un clergé parallèle. Le Père Philippe est très introduit à Rome et proche de Jean Paul II, qui lui dit : "Vos jeunes frères sont les religieux de la deuxième évangélisation de l’Europe." Ce pape a fait entrer des brebis galeuses dans notre Église pour la sauver mais à quel prix. Il faut dire que le Père Philippe recrutait sans discernement, tout en créant un lien trop affectif envers sa personne, doublé d'un traditionaliste sévère.
Mais les "Petits Gris" n’échappent pas aux dérives propres à toute nouvelle communauté : culte de la personnalité du fondateur, tendances sectaires (discipline de fer), idéologie très traditionnelle. Si la communauté de Saint-Jean recrute beaucoup de jeunes à la recherche d’une forte identité catholique, beaucoup aussi claquent la porte. Elle suscite des réactions contradictoires au sein de l'Eglise catholique, partagée entre l'agacement et l'admiration. À Saint-Jodard des membres du clergé ont critiqué leur traditionalisme. Un certain flou entoure également la gestion de cette congrégation, pourtant tout a fait reconnue.
Le Père Philippe se voit reprocher de recruter sans solide formation. Il fait scandale aussi pour ses liens avec Mère Myriam, une Hongroise du nom de Tünde Szentes, l’une de ses anciennes étudiantes, fondatrice des Petites Soeurs de la compassion, d’Israël et de Saint-Jean, accusée d’être une secte. Une vidéo-témoignage a été produite en 2013 par un ancien frère de Saint Jean qui répond à ces critiques (même si elle n'est pas neutre, car trop favorable au fondateur), ayant été témoin direct des évènements : http://www.youtube.com/watch?v=Emk-8p0DXjw
En 2000, le cardinal Lustiger retire à la communauté la direction de l’aumônerie de Stanislas à Paris. Signe de ce malaise, en février 2006, pour les trente ans de sa fondation, le pape Benoît XVI demandait au Père Philippe "un discernement plus profond des vocations", ainsi qu’"une collaboration confiante avec les responsables des Églises locales".
Le 13 mai 2013, le supérieur général de la Communauté, le Père Thomas-Joachim, reconnait que, au cours de sa vie, le Père Philippe a eu certains gestes inappropriés à caractère sexuel sur des femmes adultes : Selon le porte-parole de la communauté, le Frère Renaud-Marie, les cas se comptent entre cinq et dix, sans “union sexuelle” consommée, mais n’ont pas donné lieu à des poursuites de nature judiciaire. Il souligne la gravité de tels gestes sur des personnes étant dans un rapport de dirigées avec lui.
L'aveuglement est roi, car j'ai beau regarder, le culte de la personnalité a été réussi, on ne voit que le gentil portrait du philosophe miséricordieux, pourtant il a une face des plus sombre qu'il faut signaler. L’Église parle souvent de vérité, mais dans ce sens, elle ne s'applique pas. Après tout, elle s’allie à des communautés qui ont longtemps su utiliser le mensonge pour cacher la vérité et qui ont sali les personnes qui parlaient contre elles. Après tout, même reconnue, une secte reste toujours une secte.
Merci !